Je suis allée à un dîner inspiré par « La Grande Bouffe »

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Je suis allée à un dîner inspiré par « La Grande Bouffe »

Le restaurant londonien Sardine revisite chaque mois un plat de la gastronomie française et n’oublie pas de rendre hommage au film culte de Marco Ferreri.

Alors que je me rends chez Sardine et sa cuisine méditerranéenne, j'essaie de traverser un rond-point sur Old Street tout en traduisant sur Google l'expression « la grande bouffe » en anglais. C'est aussi le nom qu'Alex Jackson, chef et propriétaire des lieux, a donné à la soirée qu'il organise chaque mois. Le but de ses « grandes bouffes » ? Faire découvrir un classique de la gastronomie française.

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Le premier résultat donné par le moteur de recherche n'est autre que la page IMDB du film de Marco Ferreri sorti en 1973. L'histoire d'un groupe de types qui décident de manger jusqu'à ce que mort s'en suive.

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Alex Jackson, le chef et propriétaire du Sardine, un restaurant londonien qui sert de la cuisine française. Toutes les photos sont de l'auteur.

« On y voit aussi pas mal de prostituées », rigole Alex quand j'arrive finalement au Sardine avant le dîner du soir. Je lui demande donc ce qu'est une grande bouffe.

« Littéralement, dans notre langue, ça veut dire 'the big food' ou 'the big grub'. Je trouve que ça va bien avec le style de mes dîners. Et c'est un film génial », explique-t-il.

Alors qu'il me fait traverser le restau, il s'empresse de préciser : « C'est bien sûr une inspiration hein. Mes dîners sont beaucoup moins sordides et beaucoup moins lourds que dans le film. Enfin… On ne sait jamais ce qu'il peut se passer. »

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Le bouillon du pot-au-feu en train de mitonner.

Alors que je passe la tête dans les cuisines du Sardine, un délicieux fumet de viande monte jusqu'à mes narines. Quatre grandes cuves de bouillon sont posées sur le feu. À l'intérieur, plusieurs morceaux de bœuf gras sont en train de mitonner dans les herbes aromatiques et les oignons.

Ce soir, le plat français à l'honneur est le pot-au-feu.

Alex m'explique ce que le mot « pot-au-feu » signifie. « Dans mon restaurant londonien, je n'ai pas de casserole assez grande pour servir 60 convives ni de feu. Donc ce sera plutôt un bac-sur-plaque de cuisson. Mais l'idée est là. »

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« C'est le genre de plat qu'on aime manger en hiver. Dans sa version la plus simple, c'est un plat de bœuf bouilli dans un bouillon avec des légumes. Ça vient de l'époque où les paysans gardaient une marmite au-dessus du feu et laissaient le bouillon mitonner pendant des heures. Le dimanche, quand les gens avaient de quoi se payer un morceau de bœuf ou de poulet, ils le mettaient dedans. On peut dire que c'est le plat familial français par excellence. »

Le pot-au-feu symbolise à lui seul le genre de cuisine qui a inspiré Alex à faire ce métier.

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Des bocaux de radis en conserve et le chou rouge au vinaigre de Tata Mary.

« Je fais de la cuisine familiale, c'est ce qui m'intéresse. J'essaye simplement de la faire très bien et dans le cadre d'un restaurant. Fixer un menu ne fonctionnerait pas bien au quotidien parce que les gens aiment avoir le choix. Mais quand on le fait une fois par mois, ça donne l'impression de cuisiner quelque chose de spécial. »

Il continue : « D'un coup, c'est comme quand on mange chez soi. Parce qu'on cuisine comme à la maison : un seul plat que tout le monde mange. »

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Saucisse de Morteau.

Alors qu'Alex goûte et ajuste l'assaisonnement du bouillon, il revient sur son expérience dans un restaurant de Provence : « C'était un endroit très simple, Le Bistro du Paradou. Ils proposaient un menu différent chaque jour. Le mercredi, c'était lapin au romarin avec de l'ail nouveau, le jeudi c'était de la tête de veau, le vendredi de l'aïoli et le samedi, c'était l'agneau du pays. Tout le monde – le maire, des pompiers, des étudiants et des familles – y mangeait. »

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Alex Jackson en plein dressage.

Il espère que ce soir, les Londoniens ressentiront ce genre de convivialité. Celle qui née de la consommation d'un seul et même plat.

« La première chose qui va se passer en arrivant, c'est qu'ils vont sentir l'odeur et savoir directement que ça vient d'un truc qui cuit depuis des heures », se réjouit Alex. « C'est comme si on allait dîner chez quelqu'un. »

Bien sûr, on ne peut complètement oublier qu'on est chez Sardine – un restaurant qui ne cesse de recevoir des critiques dithyrambiques depuis son ouverture en juillet dernier – et pas dans un boui-boui du sud de la France. Entre les mains d'Alex et de son équipe, l'humble pot-au-feu est légèrement revisité.

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Des accompagnements vinaigrés garnissent les assiettes.

« En plus des basses côtes, on ajoute un peu de poulet, de saucisse de Morteau et de saucisse fumée du Jura », explique-t-il. « Et pour commencer, on a fait de la moelle (généralement servie avec l'os dans le bouillon) en ravioles. »

Viennent ensuite les accompagnements.

« Avec la viande, les pommes de terre, les carottes et le chou, nous avons plusieurs sauces. De la moutarde, une sauce verte, de la crème de raifort, des cornichons ainsi que le chou rouge vinaigré de Tatie Mary. C'est un peu plus gallois que français mais ça ira bien ensemble. Des goûts forts, salés, et vinaigrés accompagnent la viande bouillie. Les légumes ajoutent un peu de fraîcheur. »

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Les assiettes de pot-au-feu, prêtes à être servies.

Il semble assez logique d'inclure un morceau de sa propre famille quand on cuisine un plat aussi familial. Et, en parlant de famille, je précise à Alex que ce soir, j'amènerai avec moi ma mère, française.

Alex rigole : « Oh, non ! J'ai vraiment la pression maintenant. J'espère que ça va lui plaire. »

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Quand je reviens le soir même chez Sardine pour prendre place à La Grande Bouffe, l'odeur de viande est partout. Les bols de ravioles flottant dans un bouillon riche et dense arrivent à table, suivis d'assiettes remplies de viandes et de légumes brillants. Même avec le bruit des conversations, on entend le tintement rassurant des verres. C'est bien là un plat pour les dures soirées d'hiver.

Et pour info, je suis contente de pouvoir vous dire que ma mère approuve.