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En attendant la première huître du golfe d'Oman, future perle des Émirats

Un Écossais s’est lancé l’incroyable défi de démarrer un élevage d’huîtres émiraties et de devenir par la même occasion le seul ostréiculteur du Moyen-Orient.
Ramie Murray, 35, poses for a picture on December 9, 2016, on the beach of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates. He starts in Dibba Al-Fujairah the country's first ever oyster farm.

Ramie Murray, 35 ans, le premier ostréiculteur du Moyen-Orient. Toutes les photos sont de Sebastian Castelier.

La mèche frisée poivre et sel, lunette de soleil flashy, Ramie Murray traine la patte dans le sable d'une plage proche de Dibba Al-Fujairah, une petite ville portuaire des Émirats arabes unis. Les montagnes rouges du Musandam dans le dos, l'Écossais de 35 ans pointe son exploitation d'huîtres au large du golfe d'Oman. La première de tout le Moyen-Orient. Voilà trois mois que l'ostréiculteur a mis ses coquilles à l'eau. Après deux ans de tests de l'eau, d'embûches administratives et de planifications, il est sur le point de donner vie à son projet au long cours : produire des huîtres émiraties.

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Overview of the fishermen storages, on December 9, 2016, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Un sacré challenge tant le pays du Golfe ne connaît que la nacre de la perle de ses rares huîtres locales : « Les [huîtres] perlières sont immangeables. Elles puent. Du coup, les locaux trouvent ça un peu étrange de manger les huîtres. Mais quand tu sais qu'il n'y a que 10 % de la population de Dubaï qui est composée d'Émiratis, alors tu te dis que ton business a une chance. Les locaux, ce n'est pas vraiment ma cible principale », sourit Ramie Murray. Ce diplômé de design a grandi à Dubaï et assure « savoir comment fonctionne la région ». « Quand j'étais petit, je me rappelle que les produits de la mer du monde entier que l'on trouvait ici provenaient en grande majorité de la pêche. Aujourd'hui, ça s'est rééquilibré et l'aquaculture va prendre le pas sur la pêche », confie le trentenaire originaire du Fife, sûr de lui.

Some oysters lay down in a net, on December 8, 2016, on the beach of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Ramie veut promouvoir une ostréiculture parfaitement saine – en d'autres termes : loin des salmonicultures de son pays natal, l'Écosse, qu'il croit savoir polluées et peu respectueuses de l'environnement. Sans nourriture et sans antibiotique, son élevage est garanti écologique : « L'eau d'ici est propre, cristalline et d'une grande qualité. Je dois juste bien veiller à me faire ami avec les pêcheurs du coin pour éviter qu'ils déversent leurs huiles sur mes exploitations », balance l'intéressé en ne rigolant qu'à moitié.

A worker dives to check out the oyster's installations, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates, on December 9, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Il faut dire qu'à Dibba, la pêche est une activité majeure. À proximité du Musandam, la pointe nord-est de la péninsule arabique, des dizaines de bateaux partent en mer le matin si la météo le permet. « Contrairement à la France – où il faut parfois attendre un mois pour retourner en mer – ici, il n'y a pas de tempêtes : les huîtres grandissent vite car l'eau est chaude. Il n'y a pas d'hiver non plus. L'eau descend rarement au-dessous de 25 degrés et l'été, elle peut monter au-delà de 35 en surface. Mais il suffit de les placer deux mètres plus bas et la température baisse de deux degrés car il y a des courants frais. »

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Les gens croient souvent que les huîtres, c'est français. Mais en réalité, toutes celles de Bretagne et de Normandie sont japonaises. Au même titre que les miennes.

La Fine de Claire, la variété d'huître que Ramie cultive, s'adapte bien aux changements de température. Elle peut être élevée dans une eau entre 1 et 34 degrés. « Au-delà de 34 °C, elles sont programmées pour mourir », ajoute-t-il.

Overview of oyster's installations, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates, on December 8, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.
A worker dives to check out the oyster's installations, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates, on December 8, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Reno Castillo, 36 ans, et Loyd Curada, 39 ans, deux ouvrier de l'exploitation originaires des Philippines.

Pour élever ses huîtres, Ramie a recours au système moderne dit « des lanternes » inventé en Asie. Elle consiste à faire grandir les huîtres dans des lanternes (des sortes d'entonnoirs en filets) que l'on accroche à la verticale à de longues cordes tendues en mer. « Les gens croient souvent que les huîtres, c'est français. Mais en réalité, toutes celles de Bretagne et de Normandie sont japonaises. Au même titre que les miennes », précise l'ostréiculteur.

Sur son installation, Ramie emploie quatre Philippins. Quatre braves plongeurs trapus, tatoués et souriants. L'un d'eux porte un tablier bleu et vert. Ses gants sont immaculés d'échantillons de coquilles d'huîtres. La mer est d'huile, le soleil couchant.

Ramie Murray, 35, shows some oysters, on December 9, 2016, on the beach of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates. He starts in Dibba Al-Fujairah the country's first ever oyster farm.

Le proprio propose une petite dégustation de ses huîtres parmi les plus mûres et les plus galbées. En bouche, elles ont le caractère et la douceur. Leur habitacle ne heurte pas l'œil et ne râpe pas le doigt. « C'est dû à la composition de l'eau. Elles ne seront pas aussi grises que les Bretonnes et elles seront plus lisses. Celles-ci proviennent de ma première mise à la mer. Elles n'ont que quatre mois. J'attends d'elles qu'elles doublent de volume », explique Ramie. Le spot qu'il a trouvé est idéal à la culture de l'huître, une exception dans la région : « Au Qatar, Bahreïn, en Arabie Saoudite, aux Émirats coté golfe Persique, c'est trop salé et l'eau peut monter à 60 °C à certains endroits. »

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An oyster produced in the United Arab Emirates is show by a factory's worker, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, on December 8, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.
An oyster produced in the United Arab Emirates is show by a factory's worker, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, on December 8, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Les entreprises de dessalage des eaux des quelques millions d'habitants des pays du Golfe rejettent des quantités astronomiques de sel dans la mer. De plus, l'eau douce du Tigre d'Irak et les rivières d'Iran qui se jetaient autrefois dans le Golfe sont moins abondantes qu'avant, car davantage utilisées pour l'agriculture.

Heureusement, Dibba est du côté Est du détroit d'Ormuz, la mer d'Arabie a l'avantage d'aérer ses lanternes : « Mes huîtres sont installées sur des courants frais spécifiques à la région. » À 90 minutes de la capitale en voiture, idéalement situé dans un coin où les restaurants de « Sea Food » sont ultra-populaires, Ramie est sur le paillasson d'un immense marché : « Pour l'instant, toutes les huîtres qui sont revendues aux restaurants de Dubaï viennent de France. Il y a trois marchés de l'huître là-bas. Le marché des packs dans les grandes surfaces, le marché des restaurants chics de fruits de mer – qui eux servent des huîtres à la carte de qualité –, et le marché des buffets à volonté avec des qualités médiocres. » L'homme entend plutôt se positionner sur le second. Du frais et du local.

A worker carries oyster's net to the company's installations, in the harbour of Dibba Al-Fujairah, United Arab Emirates, on December 8, 2016. Ramie Murray, 35, starts the country's first ever oyster farm, in Dibba Al-Fujairah.

Divisé en Émirats tribaux, le pays n'a jamais pour autant revendiqué de production localisée. Pas de produit du terroir. Un raisonnement commercial encore inconnu dans la région et sur lequel Ramie compte bien s'appuyer : « J'ai envie de créer le label East Coast de Fujaïrah. » Pour ça, l'entrepreneur écossais souhaite passer des deals avec quelques vieux bateaux traditionnels de pêcheurs reconvertis dans le tourisme et la seule et unique production de citron de la région, elle aussi basée à Dibba.

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Les premières huîtres du golfe d'Oman pourraient donc très bientôt se retrouver sur les tables émiraties. Pour le pinard, on repassera : le vin et toute autre boisson alcoolisée nécessitent un permis de vente spécial uniquement réservé aux hôtels.

Retrouvez Quentin et Sebastian sur leurs comptes Twitter : @MllerQuentin et @scastelier