Dans le jeu vidéo comme partout, il y a des soirées et des contre-soirées. World of Warcraft ne déroge pas à la règle puisque ses serveurs privés font le bonheur des joueurs nostalgiques de versions du jeu plus anciennes qui ne sont plus proposées par Blizzard aujourd'hui. C'est le cas du serveur Nostalrius qui hébergeait la version Vanilla de World of Warcraft datant de 2006 et considérée comme un classique.

Évidemment, cette alternative aux serveurs officiels est parfaitement illégale : le système de jeu est l'entière propriété de Blizzard. En outre, quand un joueur utilise une version pirate de WoW, c'est un abonnement de perdu pour la société éditrice. Celle dernière a donc décidé menacé les administrateurs du serveur ainsi que l'hébergeur OVH de poursuites judiciaires afin d'obtenir la fermeture de Nostalrius. Un chantage rudement bien mené puisque le 10 avril, il a mis la clé sous la porte.

Le week-end dernier, devant l'imminence de cette fermeture, des centaines de joueurs aux abois ont donc cherché à se recueillir une dernière fois dans leur version préférée du monde de WoW, des adieux sans doute définitifs puisque Blizzard ne consent toujours pas à rétablir et maintenir le système Vanilla malgré les requêtes répétées des joueurs.

Chacun désirant graver dans sa mémoire, la larme à l'œil, un échantillon des immortels dégradés de bleus de WoW tout en prenant un bain de foule au milieu des orcs, gobelins et autres elfes de la nuit tant combattus mais aussi tant aimés, l'endroit s'est rapidement trouvé surpeuplé. Pendant quelques trop courtes minutes, les joueurs ont défilé respectueusement à travers les environnements du jeu, dans un pèlerinage solennel rythmé par le lancer de quelques sorts et imprécations. "DEATH TO BLIZZARD!!!" "THE OUR OF TWILIGHT IS UPON US! LET US ALL RAISE OUR VOICES TOGETHER IN ONE LAST UNIVERSAL CRY TO OUR OPPRESSORS!"

50 minutes avec la fin du monde, on pouvait encore distinguer Corporal Doopse de Toxik et Rolling with my Death. Mais très vite, les corps et les pseudos se sont mélangés dans une sorte d'union mystique où tous ne faisaient plus qu'un, agglutinés dans l'aventure, mais aussi unis contre le complexe ludico-industriel.

Un moment émouvant que cette communion de créatures virtuelles attendant main dans la main et croc dans l'oeil la fin d'un monde impossible, telle une version otherkin particulièrement touffue du Melancholia de Lars von Trier.

Impossible de ne pas la mettre en scène sous la forme d'une vidéo rythmée par Con te partiro au synthé.

La fin était imminente. Tous ont crié, tous ont pleuré, tous ont pensé à la vie qu'ils avaient successivement gagnée et perdue sur Nostalrius.

Et enfin, l'Apothéose.