Ce que pensent les supporters suédois de Zlatan Ibrahimovic et de la France

Pendant l'Euro 2016, VICE Sports s'intéresse en priorité aux supporters venus de toute l'Europe pour soutenir leurs équipes nationales. Chants guerriers, fumis et passion parfois débordante, tout ça, c'est dans notre série Kopland.

Sans chiffre précis, on estime que 30 000 Suédois ont fait le déplacement pour suivre la Blågult évoluer en France dans le cadre de l'Euro 2016. Depuis près de quatre ans, leur pays vit au rythme des aventures de leur géant Zlatan Ibrahimovic dans l'Hexagone. L'histoire passionnelle entre le peuple français et la star parisienne ne leur a pas échappés et on leur a donc demandé ce qu'ils pensaient de ce roi devenu légende (sic). Chacun a son opinion sur le sujet, mais tous s'accordent pour dire que, parfois, le Z est un homme qui a un peu trop d'humour.

Cinq heures avant le coup d'envoi de leur confrontation contre l'Irlande, Arne et Erika, couple d'une cinquantaine d'années, patientent sur un banc situé non loin du Stade de France, carte dans une main, bière dans l'autre. Paris et son « climat capricieux comme celui de Stockholm », ne leur est pas étranger. « Il y a dix ans nous étions venus en vacances ici. Il n'y avait pas tant de soldats, ni de policiers », fait remarquer Erika. Elle avoue ne pas avoir hésité une seconde pour venir supporter Zlatan Ibrahimovic et ses compagnons. Bob jaune vissé sur la tête, Arne s'excuse : « Je sais que Zlatan a dit qu'il avait mis la France sur une carte. Tout ceci est bien évidemment une immense blague. Tous les Suédois connaissent la France, même si notre culture, nos séries, notre littérature, sont davantage tournées vers le monde anglo-saxon. » En novembre dernier, leur idole avait en effet, en marge d'un match de barrage avec sa sélection, lâché en conférence de presse : « J'ai mis la France sur la carte du monde footballistique et j'en suis très heureux. »

Apprécié ou détesté pour ses innombrables coups de com' et son arrogance manifeste sur le terrain, Ibrahimovic ne fascine pas qu'en France. En Suède , il a été élu sportif de l'année cinq fois d'affilée, de 2008 à 2015. Son livre Moi, Zlatan Ibrahimovic vendu à plus de 700 000 exemplaires, a été l'un des plus grands succès de l'histoire de l'édition suédoise. Co-écrit, son ouvrage a été nominé au prestigieux prix littéraire August où il échoua de peu. « Chez nous c'est plus qu'un joueur de foot. Il est partout, il joue sur tous les tableaux du pays, rigole Germund alors que la pluie fait son apparition. Zlatan a raison, je pense que Paris est en manque. D'ailleurs il l'a dit lui-même, depuis son départ, il ne fait que pleuvoir en France. Dieu pleure. » Du haut de son mètre 85, Germund, blond comme sa bière, avoue être à sa cinquième pinte, qu'il trouve « beaucoup trop cher en France. »

Aguichés par Hazem, micro à la main, qui beugle « Zlatan » au-devant de son snack bâti sous les travées du pont de l'Autoroute du Nord, Klemens et Konrad posent leurs postérieurs sur la terrasse devant le flux des voitures et racontent : « Le peuple suédois est différent d'Ibrahimovic. Nous sommes même plus réservés que vous les Français. Alors je peux comprendre que certains ici aient pu être choqués par Ibra. Quand il a par exemple dit que la France "était un pays de merde" pour une simple question d'arbitrage… Ou plus récemment, quand il a répondu qu'il pouvait rendre, s'il le souhaitait, François Hollande populaire. »

Mais pour autant, en Suède, tout le monde suit la star nationale et l'apprécie, au point de se renseigner davantage sur les clubs et les pays par où il passe : « Il fait l'effet boule de neige. Il entrainent tout le monde dans son sillage. Aujourd'hui t'as des fans de l'Ajax et du PSG alors qu'il n'y en avait pas vraiment en Suède avant. »

A peine sorti d'un bus tout droit venu d'un village de vacances de Suédois dans le sud de la France, Yngve et ses longs cheveux blonds hume l'air gorgé de CO². Il a envie de vomir après ses quelques litres de bières sifflées dans son carrosse. « Ce que je pense de la France ? J'ai envie de vomir, blague t-il, avant de se ressaisir et se tenir le ventre. Zlatan c'est le seul brun de notre équipe je crois. S'il est si différent de nous, si exubérant, si fou, si arrogant, c'est qu'il est métissé, ses deux parents ne sont pas Suédois (Son père est Bosniaque et sa mère Croate, ndlr). Nous sommes un peuple discret et tout le monde chez nous essaye de lui ressembler. Mais personne n'y arrive car Zlatan, c'est Zlatan. Il réveille nos vies et nos consciences tous les jours. C'est le seul type fou en Suède. Et je crois savoir qu'il a fait du bien à votre championnat qui, depuis Ginola, n'avait plus eu de mec comme ça. » Mais Yngve est de ceux qui restent convaincus que Zlatan reste influent dans le football et uniquement dans le football. « Je n'ai pas attendu que Zlatan aille en Ligue 1 pour savoir que vous mangiez des grenouilles et des escargots ».

Malheureusement, la fête est déjà finie pour les Suédois, leur équipe n'a pas passé le premier tour et Ibrahimovic a globalement raté son Euro, malgré un léger mieux lors du dernier match face à la Belgique. On a croisé un groupe de supporters suédois en train déambuler dans les rues de Paris après la défaite face aux Diables Rouges et on leur a fait remarquer que leur géant n'était pas décisif dans les grandes occasions, avec le Paris Saint-Germain notamment et avec sa sélection lors de ce championnat d'Europe. Patrik, supporter suédois : « Oui peut-être, mais les autres joueurs de la sélection ne sont pas non plus super forts. Mais c'est vrai que, personnellement, je trouve qu'il aurait dû mieux faire au regard de son statut et des propos qu'il tient. Mais il a toujours été comme ça, grande gueule, on a l'habitude maintenant. »

Avant de les quitter, on leur demande si Zlatan a contribué à faire connaître la France aux Suédois. Réponse sans équivoque de Lars, pote de Patrik : « On connaissait Paris, quelques villes du sud, mais quand on regarde les résultats du PSG, il y a certaines équipes qu'on ne connaît absolument pas ». Ah oui ? Lesquelles ? Trou de mémoire du Suédois. Ça devait sûrement être Guingamp, Troyes, Lorient ou Angers…