La SuperWakClique met Genève sur la carte du hip-hop

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La SuperWakClique met Genève sur la carte du hip-hop

Une énergie différente, une vibe plus légère, des clichés moins évidents : faites place à Di-Meh, Makala, Pink Flamingo, Slimka et Mairo Bross.

L'émergence d'un rap suisse arrive à un moment crucial pour le rap francophone, tant il explose de toute part, selon des esthétiques et des approches différentes. Car, autant le dire tout de suite, ce qui caractérise Di-Meh, Makala, Pink Flamingo, Slimka ou encore Mairo Bross n'est en rien semblable à ce qui peut se produire en France ou en Belgique, à travers des gars comme Caballero, Damso ou Roméo Elvis. Non, en Suisse, et plus particulièrement à Genève, l'énergie est différente, la vibe est plus légère, les clichés moins évidents. « La scène suisse est hyper avant-gardiste et en pleine évolution », balance ainsi Makala, à qui on n'avait pourtant rien demandé. Avant de préciser : « On a toujours eu du rap en Suisse, on en écoutait plus jeune, mais là, on sent une prise de risques, une manière de s'ambiancer bien à nous. On est en train de passer un cap tous ensemble, un peu comme le rap belge il y a un ou deux ans grâce à des artistes qui ont su imposer leurs styles tout créant une vraie scène, unie et solidaire ».

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Leur connexion à eux est classique : une rencontre dans la rue, un travail commun en studio, et une complémentarité évidente, tant musicalement qu'individuellement. La suite, c'est la création de la SuperWakClique, un collectif à géométrie variable qui alterne avec brio beats modernes et boom-bap, même si les titres déjà balancés sur le web ou ailleurs sont clairement inscrits dans un désir de contemporanéité. Di-Meh précise : « On s'inspire beaucoup du Sud de l'Amérique avec des mecs comme Young Thug, Gucci Mane ou des plus anciens comme Three 6 Mafia ou Juicy J, dont on se retrouve dans le délire. Ça tape là-bas actuellement et ce n'est pas pour rien : ils sont clairement au-dessus, jusque dans la façon de diffuser leurs musiques. » Alors, forcément, ces genevois d'une petite vingtaine d'années s'en inspirent ouvertement, selon un procédé qui paraît systématiquement empli de naturel, de vivacité, d'aplomb, de fraîcheur et de style - bref autant d'éléments qui rendent imprévisible et désirable chacun de leurs nouveaux morceaux.

Leurs moyens sont limités ? Pas leur imagination. Et l'état d'esprit du collectif en témoigne : « Tout est parti de Makala et de Pink Flamingo, poursuit Di-Meh. On est tous dans le rap depuis pas mal d'années, mais il y a eu un gros creux en Suisse au croisement des années 2000 et 2010. Pendant un temps, on cherchait même un taf, à rentrer dans le droit le chemin. C'est à ce moment-là que Makala et Pink ont eu l'idée de la SuperWakClique. L'idée, c'était de prendre le contrepied de ceux qui se disent super cool. Du genre : « D'accord, si tu es super cool, alors nous on est SuperWak ». C'est l'antithèse du cool, l'idée c'est d'assumer nos défauts, nos peurs ou nos erreurs, sans se soucier une seconde de comment le public va réagir. » Et Makala de prendre le relais : « C'est une façon pour nous de nous assumer et de rassembler tous les frères au sein d'un même crew indéfinissable musicalement. Si tu écoutes bien, tu verras qu'il y a de l'identité dans chaque titre. »

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Vrai : jetez une oreille à « Focus » ou « Rothschild » de Di-Meh, à

« OYX3 »

ou

« Capela »

de Makala ou encore à « Wes Anderson » de Slimka et vous comprendrez que tous ces mecs préfèrent les nuits blanches aux rêves sans lendemains, la rime huilée au verbe facile, l'egotrip au propos politique lourdingue. Cette esthétique peut faire sourire les tenanciers relous d'un soi-disant esprit originel, mais l'imaginaire déployé par tous ces morceaux est parfaitement incarné par ces différents rappeurs, qui déballent d'un flow nourri de désinvolture des textes qui doivent autant au rap américain qu'au cinéma ou au skate.

« J'ai connu Pink Flamingo et Natas 3000, avec qui j'ai bossé sur plusieurs clips, au skate-park il y a environ dix ans. C'est au sein de ce lieu qu'on est devenu ami et qu'on s'est mis au rap. À l'époque, on écoutait beaucoup de hip-hop lorsqu'on skatait, ce qui n'empêchait pas certains de nous traiter de « sales rockeurs » sous prétexte que l'on faisait du skate. Ça a peut-être forgé notre différence, notre singularité. »

Aujourd'hui, les membres de la SuperWakClique n'ont d'ailleurs aucune raison de jalouser qui que ce soit. C'est même avec le torse bombé qu'ils kickent désormais et qu'ils partagent depuis quelques années des scènes ou des freestyles avec différents MC's français : Nekfeu, 75 ème Session ou les gus de L'Entourage – Makala a notamment posé sur « Coupe le son », extrait du premier album de Deen Burbigo. Une bonne nouvelle pour Di-Meh, qui a bien conscience que c'est par la validation des rappeurs hexagonaux que la reconnaissance publique arrivera : « Le fait que les mecs aient partagé nos freestyles ou nos clips sur les réseaux, ça nous a beaucoup aidé. Hormis Sens Unik ou autre, il n'y a jamais eu grand-chose à Genève, peu de personnes sont là pour nous soutenir et nous pousser vers le haut. Toute aide est donc la bienvenue. » Comme dans une bonne vieille émission du Juste Prix, Makala enchérit : « Il y a moins de rappeurs en Suisse qu'en France, tout est à faire ici, donc tout est possible. On est encore en plein développement, encore des challengers, on découvre le business, mais on est dans un mouvement où on essaye de grossir. Du coup, on a multiplié les freestyles ces dernières semaines, notamment un dans Planète Rap sur Skyrock . Ce format nous convient bien : ça met tout le monde sur un pied d'égalité, ça cultive une saine concurrence. »

Pas encore taillés pour les sommets, les gars du collectif helvétique sont en tout cas ceux par qui le changement pourrait arriver, ceux qui démontrent que l'hyperactivité peut être valeureuse : alors que Di-Meh publie une mixtape chaque année le 10 mai (la dernière s'appelle Focus, et réunit aussi bien Slimka que Népal ou Veerus), Makala bosse actuellement sur son album et Slimka a balancé début avril un No Bad Vol.1 qui a de quoi rassasier les ouïes les plus fines pour quelques mois. Autant dire que les mecs, au même titre que d'autres figures du rap suisse (KT Gorique, Marcel Polaire, Williman ou Braccobrax), avancent sereinement et semblent composer leurs morceaux comme une poche de résistance aux standards du rap français, le tout avec l'aisance de vieux briscards ayant assimilé des décennies de hip-hop passées et anticipées celles à venir. En conclusion, Makala l'affirme d'ailleurs sans problème : la SuperWakClique est vouée à devenir bien plus qu'un simple crew hip-hop. « On commence à nous comparer à L'Entourage ou à L'Animalerie, mais ça n'a rien à voir. À terme, on aimerait que la SuperWakClique devienne une plateforme ou un média. Soit un mouvement où chacun pourrait faire ce qu'il veut et représenter le collectif à sa façon. » En gros, pour reprendre une phase de Di-Meh sur son dernier projet, les mecs sont prêts « à foutre le fire comme le fréro Halliday ».


Makala, Slimka et Di-Meh seront en concert au Nouveau Casino pour la soirée Underdogs#8 le 21 avril, et vous pouvez gagner des places ici.