Environnement

Les scientifiques avertissent sur le « début probable » d’une sixième extinction de masse

L’équipe affirme que « le début d’une extinction de masse provoquée par l’homme sur terre et dans les eaux douces semble de plus en plus probable. »
Les scientifiques avertissent sur le « début probable » d’une sixième extinction de masse
DES POISSONS MORTS PHOTOGRAPHIÉS DANS UN COIN DU HO TAYN, LE PLUS GRAND LAC DE HANOI, LE 3 OCTOBRE 2016. IMAGE : HOANG DINH NAM/AFP VIA GETTY IMAGES

Au cours des quelques 450 millions d’années déjà écoulées, la vie sur Terre a été dévastée par au moins cinq extinctions de masse. Celles-ci se définissent comme des catastrophes qui éliminent en un court laps de temps plus de 75 % des espèces. Et malgré pas mal de débats sur la validité et les conséquences d’une telle affirmation, nous serions, selon de nombreux scientifiques, entrés dans la sixième extinction de masse, causée cette fois-ci par l’activité humaine.

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Dans un récent article publié dans le Biological Reviews, une équipe dirigée actuellement par Robert Cowie, professeur de recherche au Pacific Biosciences Research Center de l’université d’Hawaï, affirme que « le début d’une sixième extinction de masse sur terre et dans les eaux douces semble de plus en plus probable ».

« Nous considérons que la sixième extinction de masse a probablement commencé et présentons des arguments pour contrer ceux qui le nieraient », a déclaré l’équipe dans l’article. Équipe qui comprenait également les biologistes Philippe Bouchet et Benoît Fontaine, du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.

« Le nier, ce serait tout simplement aller à l’encontre de la montagne de données qui s’accumulent très vite. Il n’y a plus de place pour le scepticisme, ni de temps pour se demander si c’est réellement en train d’arriver », ajoutent les auteurs. Cowie et ses collègues font ici référence à une multitude d’études répertoriant l’extinction d’espèces à travers les clades.

Cependant, l’article s’articule principalement autour de leurs recherches sur les mollusques, une famille d’invertébrés qui comprend les escargots, les palourdes et les limaces. Cette approche permet de contrebalancer l’attention disproportionnée que les vertébrés, tels que les oiseaux et les mammifères, reçoivent dans la Liste rouge des espèces menacées, tenue par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), entre autres efforts de conservation.

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« L’essentiel est que toutes ces estimations réalisées indiquent un taux d’extinction actuel beaucoup plus élevé que par le passé »

« Les informations de l’UICN sur l’extinction des oiseaux et des mammifères sont probablement assez précises », a déclaré Cowie au téléphone. « Cependant, ils n’ont évalué qu’une infime, minuscule fraction des invertébrés tels que les insectes et les escargots, les araignées et les crustacés, qui constituent 95 % de la diversité animale. »

Par conséquent, les invertébrés fournissent « un échantillon plus aléatoire de la biodiversité », faisait-il remarquer.

Des études antérieures ont d’ailleurs utilisé les données de l’UICN pour réfuter l’idée que nous serions en train d’entrer dans une Sixième Extinction de Masse. Cowie et ses collègues ont contré cette hypothèse en compilant les taux d’extinction des escargots et des limaces terrestres. En extrapolant à partir de ces données, l’équipe a conclu que depuis l’an 1500, entre 7,5 et 13 % des espèces pourraient avoir disparu. Un chiffre qui correspond à de nombreuses autres estimations suggérant des pertes de biodiversité catastrophiques dues aux pressions humaines.

« L’essentiel est que toutes ces estimations réalisées indiquent un taux d’extinction actuel beaucoup plus élevé que par le passé », a déclaré Cowie.

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Toujours selon l’article, cette crise d’extinction se trouve être beaucoup plus importante sur terre que dans les océans, bien que de nombreuses espèces marines soient également menacées par l’activité humaine. Il faut ajouter que par rapport aux biomes continentaux, les extinctions se produisent généralement beaucoup plus rapidement dans les écosystèmes insulaires, comme à Hawaï par exemple.

« Il s’agit d’un vrai désastre, qui ne pourra pas se terminer de façon positive »

En plus de tirer la sonnette d’alarme à propos d’une potentielle extinction de masse, Cowie et ses collègues abordent également une série de contre-arguments qui, selon eux, minimisent la gravité des pressions humaines sur les espèces mondiales — certains suggérant même que l’espèce humaine devrait exploiter ces changements écologiques à son propre avantage.

Dans l’article, l’équipe soutient encore que « cette attitude de laisser-faire face à la crise d’extinction actuelle est immorale », et préconise des mesures plus urgentes pour lutter contre la perte d’espèces causée par l’activité humaine.

« Étant donné cette situation de crise, je me sens obligé d’exprimer mes opinions et de partager nos réflexions sur ce qui, d’après nous, devrait être fait », a déclaré Cowie. « Je ne peux pas me contenter de présenter des données et puis laisser les gens se débrouiller avec. Je propose des pistes pour résoudre ce problème, car c’est une question très importante. »

L’équipe reconnaît malgré tout que face à ce phénomène massif, les efforts de conservation peuvent sembler fort futiles. Elle suggère de consacrer davantage d’énergie aux efforts visant à rassembler des spécimens d’espèces en voie d’extinction avant qu’elles ne disparaissent à jamais.

« Il s’agit d’un vrai désastre, qui ne pourra pas se terminer de façon positive », conclut Cowie. « La chose la plus importante que nous puissions faire à l’avenir, c’est de préserver le plus possible ces espèces dans des musées. Dans 200, 300 ou 500 ans, les gens pourront venir admirer ce qui vivait sur notre Terre. J’en suis convaincu. »

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