La Fronde : Les mouvements collages féminicides avaient déjà bien pris en France, mais pas encore en Belgique. Or ici, le nombre de féminicides n'est pas recensé de façon officielle (ce sont des personnes volontaires qui épluchent les actualités à travers le pays et mettent la liste à jour sur StopFéminicides.blogspot.com).
Vous êtes combien en Belgique ?« Peu à peu, les slogans ont dépassé les féminicides pour aborder un tas d'autres sujets liés à la lutte féministe. »
On est une dizaine de membres permanent·es et beaucoup, beaucoup de participant·es qui viennent peindre et coller soit régulièrement, soit une soirée. Le collectif se veut ouvert et en mouvement. Tout le monde doit pouvoir militer selon sa disponibilité et son envie. Donc si il y a des assidu·es tant mieux, si certain·es ne viennent qu'une fois, c'est très bien aussi !
Photos : Benoît Barbarossa
Nos champs d'action sont principalement la réappropriation de l'espace public et l'information. On colle dans la rue, on manifeste dans la rue, on réagit à des points d’actualité : soit l’événement est discriminant/illégal ; soit la couverture médiatique d’un événement est discriminante, et on le fait savoir. On participe aussi à des tables rondes et on partage régulièrement des infos militantes ou des actualités liées à la cause féministe sur nos réseaux. En somme, on ne s’adresse plus au gouvernement car il n'écoute rien et ne met rien en place.
Vous avez déjà rencontré des obstacles à vos activités ? Genre amendes, flics ou autres ?« On ne peut pas se battre uniquement pour ses propres petits privilèges ; si le féminisme n’est pas intersectionnel et inclusif, il n’existe pas. »
Certain·es membres se sont déjà fait interpeller par la police ou la sécurité d'un lieu. Jusqu’ici, c’est plus passif-agressif, genre un fourgon passe lors de collage, nous laisse coller, et revient plus tard pour tout enlever. Mais on n'a pas encore eu d'amende ou d'arrestation (contrairement à beaucoup de colleuses en France). On s'y prépare car ça peut très bien nous arriver. C'est un danger qu'on assume et qu'il nous semble nécessaire de braver pour nos actions. Notre cagnotte sert aussi à payer de potentielles d'amendes sur une base de solidarité. Si un·e membre se fait arrêter, tout le monde soutiendra.
Photos : Benoît Barbarossa
Marguerite Stern a toujours tenu publiquement des propos transphobes, islamophobes et putophobes. Ce n'est pas du féminisme. Et ces propos étaient directement discriminant envers des membres de La Fronde. C'est de l'intolérance déguisée et une insulte gigantesque pour des minorités qui en subissent déjà assez comme ça. On n’a pas besoin d'oppression en plus au sein même de la lutte féministe et entre militant·es.
Pour ce que ça représente : la révolte d'un groupe contre les institutions et la société, mais aussi la critique du pouvoir et de l'autorité par provocation. Une fronde c'est aussi une arme de jet. Et en plus, c'est le titre du premier journal quotidien féministe au monde, conçu et dirigé par des femmes en 1897.
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Vous êtes quand même en contact avec des colleuses d’autres pays ? Comment se passe la communication ?
On communique beaucoup avec d'autres colleuses de Belgique et de France sur Instagram. Lorsqu'il y a des agressions ou arrestations, on se tient au courant. On se fait passer les communiqués à signer, les infos sur des événements, on s'inspire mutuellement pour les slogans. Bref, les luttes sont globalement les mêmes ; on s’inspire et on se soutient.
Même si vous abordez d’autres sujets, le mouvement des colleuses est associé aux féminicides. On définit les féminicides comme les « meurtres de femmes commis par des hommes parce qu’elles sont des femmes. » On n’y retrouve aucun élément indiquant que ce meurtre a lieu dans le cadre d’une relation. Vous pensez quoi de cette définition ?« On peut mourir du simple fait d'être une femme. C'est la terrifiante apogée de tout ce que le patriarcat engendre. »
Cette définition est simple et malheureusement exacte. Le problème c’est que la plupart des gens ne la comprennent pas. Les féminicides n'ont pas lieu seulement dans les relations conjugales. Une travailleuse du sexe tuée = un féminicide. Une femme trans tuée = un féminicide. Une femme kidnappée et tuée = un féminicide. Ce mot désigne une violence extrême mais surtout systémique. On peut mourir du simple fait d'être une femme. C'est la terrifiante apogée de tout ce que le patriarcat engendre.
Photos : Benoît Barbarossa
Non. Parce que la raison du mot féminicide, c’est mettre en lumière une violence systématique envers les femmes par le groupe dominant. Donc si une femme tue une femme c’est un meurtre. Pas un Féminicide. Mais c’est complexe. Des femmes cis commettent-elles un féminicide quand elles tuent une femme trans ? C’est la même question mais tournée autrement. Et c’est là toute la difficulté du niveau des luttes. Une femme tuant une autre femme au sein d’un couple lesbien, on pourrait croire que c’est lié à l’individu, au niveau micro donc, et non pas au système. Or, ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on ne reproduit pas des schémas d’oppression, au sein même de son couple, que ce dernier soit hétéro, lesbien ou autre.
« Être radical·e dans une lutte féministe, c'est chercher un engagement fort et des modes d'action qui font trembler le patriarcat jusqu'à le détruire. »
Photos : Benoît Barbarossa
C’est radical parce qu’on va aux origines du mal, à savoir le patriarcat et le capitalisme. On n'en est plus à simplement demander à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. On en a marre. Les femmes meurent sous les coups de leur mari ou de leur ex, parce que ce sont des femmes. Ce qu’on veut c’est l’abolition du patriarcat. Et le patriarcat n’est qu’un sous-produit du capitalisme. C’est pas juste quelques lois qu’il faut changer, c’est tout le système. C’est la société entière qui est gangrenée, et pour que ça change il faut des mesures radicales, revoir entièrement nos systèmes de pouvoir et de démocraties, redistribuer toutes les cartes.
« Les flics sont bien plus efficaces quand il faut interpeller des colleuses ou taper sur des manifestantes pacifistes que lorsqu’une femme appelle à l’aide parce qu’elle est frappée par son mari. »
Le 8 Mars a été vraiment fort. Malgré la drache, on était là quoi ! Que ça fait chaud au coeur d’être entre adelphes ; on se sent moins seul‧es et ça donne de l’énergie pour la suite. Notre cortège était ultra motivé, à hurler les slogans non-stop, pancartes levées et révolte palpable. Pour l'adelphité, c'était nécessaire. Si on reste chacun·e de notre côté, on peut vite se résigner face à l'ampleur de la tâche. Grâce à ces moments ensemble, même si en soi rien ne change à l'échelle de la société, on entretient nos indignations et nos colères ; nos moteurs de lutte. Maintenant, ça reste une marche institutionnalisée qui, concrètement, ne change pas la donne. Il faut penser à une organisation plus révolutionnaire que ça si on veut avancer.Point négatif : encore et toujours les violences policières. Des flics, en uniformes comme en civil, qui sont bien plus efficaces quand il faut interpeller des colleuses ou taper sur des manifestantes pacifistes que lorsqu’une femme appelle à l’aide parce qu’elle est frappée par son mari. Là aussi, il y a du travail.Merci pour tout.
Photos : Benoît Barbarossa