Société

Des affiches anti-Xi Jinping circulent en Chine via AirDrop

« C’est la première fois que je vois ou reçois un truc qui critique le régime actuel »
Xi Jinping critique affiche régime chinois
Des affiches critiquant Xi Jinping ont fait leur apparition dans le monde entier. Photo : CitizensdailyCN via Instagram.

Un habitant de Shanghai prenait le métro mardi lorsqu’une notification AirDrop est apparue sur son iPhone : « L’iPhone de Xi Jinping aimerait partager une photo. »

Curieux, l’homme a accepté la requête et a reçu une image dénonçant le régime autoritaire du dirigeant chinois Xi Jinping. « Opposez-vous à la dictature, opposez-vous au totalitarisme, opposez-vous à l’autocratie », peut-on lire sur l’affiche.

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Ces slogans font écho à ce qu’un homme avait écrit sur deux banderoles et accroché sur un pont d’autoroute à Pékin la semaine dernière, dans un acte de défiance audacieux à l’égard de la politique de Xi Jinping. Cette manifestation inhabituelle de dissidence intervient à un moment sensible, alors que le président chinois devrait obtenir un troisième mandat consécutif à la tête du Parti communiste chinois au pouvoir, lors d’une réunion politique importante qui se tient cette semaine dans la capitale chinoise.

« C’est la première fois que je vois ou reçois un support quelconque qui critique le régime en place », a-t-il déclaré à VICE, s’exprimant anonymement pour éviter les représailles des autorités chinoises. « Le bouche à oreille, même de la part des locaux, est certes courant, mais jamais rien de cette nature. »

Les manifestations contre le gouvernement sont interdites en Chine, et celles contre Xi sont particulièrement sensibles, car le dirigeant a construit tout un culte de la personnalité autour de lui. Les autorités ont puni toutes celles et ceux qui ont osé le critiquer. Des sociétés de réseaux sociaux surveillent étroitement et vont même jusqu’à censurer les messages privés de dissidence contre le parti et Xi.

Accessible uniquement à courte distance et entre appareils Apple, AirDrop est l’une des rares méthodes de partage de fichiers relativement intraçables en Chine. Et certains résidents chinois utilisent cette fonctionnalité pour diffuser secrètement des messages de protestation en s’inspirant des bannières du manifestant de Pékin.

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« C’est une indication positive que ce groupe de jeunes Chinois, issus de familles relativement aisées et souvent considérés comme peu engagés politiquement, se soucient de l’avenir de leur pays » - Bin Xu, professeur à l’université Emory d’Atlanta

Les autorités chinoises ont déployé des efforts considérables pour étouffer toute discussion sur cette manifestation isolée, notamment en censurant des termes aussi larges que « pont » et « courage », et en fermant les comptes de réseaux sociaux qui diffusaient des informations sur l’incident, même en privé. Mais l’homme, identifié en ligne comme Peng Lifa, 48 ans, a été salué par les dissidents chinois à l’étranger comme un héros, et ses actions ont inspiré une vague de protestation clandestine. 

Outre la diffusion de messages en public via AirDrop, certains résidents griffonnent des slogans appelant à la fin du règne de Xi sur les murs des toilettes et les panneaux d’affichage des campus chinois, et diffusent des conseils sur la manière de contourner la censure via WeTransfer. Ces foyers de résistance épars ne sont peut-être pas de grande envergure, mais ils sont notables compte tenu des efforts déployés par le gouvernement chinois pour faire taire toute expression de dissidence et des risques importants que prennent les gens pour faire entendre leur opinion.

Il est également intéressant de noter que ces actes de défiance ne se limitent pas à la Chine. CitizensdailyCN, un compte Instagram géré par un groupe de ressortissants chinois anonymes, recense les affiches anti-Xi. Selon le groupe, elles sont apparues dans environ 250 universités du monde entier, notamment en Australie, au Japon, au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis. 

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« Terminus, tout le monde descend », peut-on lire sur une affiche à l’effigie de Xi qui a été repérée à l’université de Harvard et à l’université d’État de l’Arizona.

« Pour un Chinois, s’exprimer peut vous mener en prison ou vous priver de voir vos parents pour le reste de votre vie » - un administrateur de CitizensdailyCN

Bin Xu, professeur associé de sociologie à l’université Emory d’Atlanta, a également remarqué la tendance et repéré quelques affiches sur son campus. « C’est une indication positive que ce groupe de jeunes Chinois, issus de familles relativement aisées en Chine et souvent considérés comme peu engagés politiquement, se soucient de l’avenir de leur pays et veulent prendre part au changement », a-t-il déclaré à VICE.

« La peur est bien présente, même pour les personnes qui vivent à l’étranger », a déclaré à VICE un administrateur de CitizensdailyCN, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour protéger son identité.

« Pour un Chinois, s’exprimer peut vous mener en prison ou vous priver de voir vos parents pour le reste de votre vie. Il est donc extrêmement important pour nous de trouver des moyens de rester connectés », a-t-il ajouté, notant que pour de nombreux étudiants chinois qui ont participé, il s’agissait de leur première action politique dans la sphère publique.  

« Même lorsqu’ils étudient à l’étranger, la plupart des étudiants chinois sont soumis à une surveillance imposée à la fois par la machine de censure chinoise et par les partisans du Parti communiste chinois partout dans le monde. Les banderoles rendent ce groupe d’étudiants pro-démocratie visible non seulement pour le public, mais aussi entre eux. Cela leur donne le courage d’être vus, ce qui, à mon avis, est le premier pas vers la création d’une communauté », a-t-il ajouté.

Rachel Cheung est sur Twitter et Instagram.

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