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Musique

Canblaster a fait de la musique de club avant même d'y mettre les pieds

La première fois que j'ai rencontré Canblaster, c'était au cours d'une soirée étudiante dans un campus lillois un peu déprimant. Myd me l'avait présenté comme un mec « à fond dans le son » qui vivait dans un appartement qui aurait pu être l...

La première fois que j'ai rencontré Canblaster, c'était au cours d'une soirée étudiante dans un campus lillois un peu déprimant. Myd me l'avait présenté comme un mec « à fond dans le son » qui vivait dans un appartement qui aurait pu être l'illustration Larousse du mot « insalubrité ». Depuis Canblaster a grandi, quitté l'université, fait une tournée aux États-Unis et aujourd'hui on le paye pour jouer de la musique devant des gens.

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Je l'ai revu il y a quelque temps et on a partagé une canette de Coca en parlant de Club Cheval, du nord de la France et des jeux vidéos-rétroprojecteurs.

VICE : Ouais donc, tu as commencé ta carrière en tant que « producteur de musiques de jeux vidéo ».

Canblaster : Avant de faire de la musique pour les jeux vidéo mêmes, je faisais des musiques pour des émulateurs de jeux vidéo. En gros, certains jeux ont des grosses communautés de fans — ils font leurs propres musiques, créent leurs propres pads, « haut-bas-gauche-droite », tu vois. J'ai commencé comme ça, dans le milieu amateur. À l'époque, on copiait un peu ce qui se faisait déjà dans les vrais jeux, genre Dance Dance Revolution. J'avais cet alias, « Canblaster », mais j'en avais d'autres aussi. Plus tard, quand j'ai commencé à bosser plus sérieusement, on m'a demandé de garder le même nom. Bon OK, il est horrible ; mais j'étais au lycée.

Ouais, l'argument lycée me sert à excuser pas mal de trucs aussi.

En fait, le choix de l'alias a été aussi aléatoire que celui de « Myd » et de « Club Cheval ». C'est juste un mot dont j'aimais bien la sonorité. Et de tous les pseudos que j'avais, c'était mon préféré. Je me servais d'autres blazes quand je faisais de l'electro jazzy ou du breakcore.

Ah ouais. J'imagine que tu devais beaucoup jouer, à l'époque.

Ouais, j'ai longtemps aimé jouer aux jeux vidéos. J'allais dans les braderies, je cherchais à fond les jeux du passé. Ma première console, ça a été une Game Gear, et après j'ai eu la Master System. J'achetais jamais du neuf, je détestais les magasins.

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Je trouvais des trucs vraiment bizarres. Genre une console que tu portes comme une visière et des jeux à projeter sur les murs. Ça défonçait.

Tu t'es déjà considéré comme un « gamer » ?

Pas vraiment, en fait. Je me suis toujours essentiellement intéressé aux jeux dans lesquels la musique était centrale. Encore aujourd'hui, j'écoute beaucoup de BO de jeux.

À la base, je me servais surtout de ma Saturn pour écouter de la musique. J'avais pas de chaine hifi ou de poste radio. Je m'amusais à foutre des CD de jeux dedans, et j'écoutais le son sans toucher au jeu. Après, quand il y a eu les jeux du type Parappa the Rapper, Bust-a-Move, tous ces trucs tournés autour de la musique, je suis devenu dingue. C'est ce qui m'a donné envie de faire du son pour les jeux vidéos.

Quand t'as commencé à produire, t'avais déjà dans l'idée de soumettre tes morceaux ou c'était plutôt un délire d'ado paisiblement assis en tailleur, à poil dans sa chambre ?

J'étais en 1ère, et je faisais ça pendant mon temps libre, pour m'amuser. Comme tous les amateurs, je faisais plein de tests, je bidouillais. Et puis un jour,  je me suis retrouvé à trouver ça « potable ». Alors j'en ai envoyé. Ça a marché.

Tu faisais du son de club, sans aller en club.

Oui. J'ai grandi à Douai, une ville où y'a pas grand chose à faire. La ville la plus grande et la plus proche, c'était Lille. Pour moi, Lille c'était la capitale. Une ville où tu allais en train une fois par mois, « pour voir ton crew » tu vois. J'étais à fond dans Daft Punk, et je peux te dire qu'à l'époque, je ne me serais jamais imaginé des gens danser dessus. Je me disais que ce n'était pas une musique faite pour ça.

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Oui, une musique « fonctionnelle ».

Maintenant que je suis DJ, j'écoute des EP ; mais à l'époque j'ignorais tout de cette logique. J'écoutais des albums entiers. Les gens prennent plus leur temps, y'a des interludes, des morceaux que tu ne peux pas dissocier du reste de l'album. C'est une autre façon d'envisager la musique. Quand j'ai une panne d'inspiration, je m'en vais ré-écouter des vieux sons, des trucs d'il y a quinze ans — Fatboy Slim, les Chemical Brothers. Des morceaux qui ont super mal vieilli mais dans lesquels y'a des trucs intéressants.

Je pense sincèrement que les trucs qui marchent aujourd'hui résisteront encore moins bien à l'épreuve du temps.

Le truc typique, ce sont les 10 000 copies de Justice qui existent : au lieu de simplement copier Justice, je trouverais ça plus intéressant d'essayer de comprendre les influences de Justice, de comprendre comment ils en sont arrivés à créer ce qu'ils ont créé, et d'essayer de créer autre chose avec. C'est comme ça que je pense avec Daft Punk, par exemple. Daft Punk, c'est quoi ? Si tu fais de gros raccourcis, Homework est un album de Chicago house super bien fait pour le grand public. Eux ils ont fait ça avec Chicago, est-ce que je peux faire ça avec Detroit moi ? Ou avec la BO d'un vieux jeu Sega par Yuzo Koshiro ? Voilà, c'est un exemple de raisonnement que je peux avoir.

Tes parents pensent quoi de la musique que tu fais ?

Mon père est fan de musique classique, de Jarvis Cocker et d'Ella Fitzgerald. Il ne connaît rien à la musique électronique, pour lui c'est que du « boom-boom-boom ». En revanche, ma mère écoutait beaucoup de musique électronique. Genre, elle se faisait des morceaux de Laurent Garnier au casque.

Ah, ah.

C'est aussi elle qui avait insisté pour m'inscrire au conservatoire. En tout cas, même si mon père n'y comprend rien, il est content de me voir passer à la télé. Il capte qu'un truc cool est en train de se passer pour moi. Ma petite soeur me dit « j'aime bien la chanson là, avec le cheval ». C'est cool.