J'ai toujours eu beaucoup de plaisir à éprouver les codes de ces différents genres, même si le résultat laissait parfois fortement à désirer et ne méritait pas mieux que de couler avec le navire Myspace première mouture et sa pléthore de spams Macy's dans les abysses du web. Depuis quelques années, mes goûts et mes envies se sont un peu stabilisés. J'ai arrêté de monter un nouveau groupe tous les quatre mois. Pour autant, au sein de mes deux projets actuels, je continue à envisager la pratique musicale comme quelque chose voué à se déplacer sur la vaste carte des musiques populaires. La musique numérisée et partagée à l'échelle mondiale a permis de relativiser l'histoire officielle. On s'est rendu compte que les innovations qu'on attribuait à un groupe new-yorkais des années 1980 existaient déjà dans la musique d'un obscur artiste nigérian des années 1970 lui-même inspiré par la bande-son d'un film de propagande soviétique des années 1960.Napster, et tout ce qui a suivi, fut un moyen pour moi de prendre mes distances avec les idées de tabula rasa et de création ex-nihilo, des idées, à mon avis, tout à fait malhonnêtes lorsqu'on parle de création artistique. J'en ai tiré les conséquences : je préférerai déambuler joyeusement, faire du cut-up, du réagencement, plutôt que creuser le même sillon avec abnégation. Ma démarche serait donc celle d'un infidèle. Et c'est de cette infidélité en musique que j'aimerais parler.
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J'avancerais une première explication selon laquelle en musique, davantage que dans d'autres pratiques artistiques, il est communément admis que l'artiste exprime dans ses productions sa nature profonde. Pour le dire de manière plus prosaïque : faire un morceau revient à mettre ses tripes sur la table. Par conséquent, changer de registre revient à renier sa véritable nature et relève d'une duplicité quasi diabolique. Je ne m'attarderai pas sur l'avalanche de problèmes ontologiques et éthiques que pose cette conception de la nature humaine comme parfaitement stable et continue. Je me contenterai de formuler simplement la question : est-ce bien raisonnable d'envisager le rapport qu'entretient un musicien avec la musique qu'il joue sous l'angle de la « sincérité » ?Pour moi, cela me semble tout aussi farfelu qu'un psychanalyste évoquant la sincérité des névroses de son client ou qu'un sociologue songeant à la sincérité du déterminisme social. Quand je me rappelle la manière dont j'en suis venu à aimer la musique hardcore, ça n'a pas la gueule d'une épiphanie – mais bien d'une construction.Des gens m'ont fait écouter le Velvet Underground, les Cure, Nick Cave, Pulp. Des gens plus jeunes que moi m'ont fait écouter du rap, et j'ai même fini par aller en club écouter de la musique électronique. Au début je faisais ça en cachette. J'en parlais pas trop.
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