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Vice Blog

Circuit electric

Au fur et à mesure que cette colonne s’étoffe et prend ses aises, je suis tenté de la sous-titrer à l’usage des sourds et malentendants : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir...

L'electro-disco futuriste d'Arcadion, le blues déglinguo made in Metz, le portrait d'un dangereux maniaque sexuel nommé James Pants, le rocksteady tropical revisité par Pilooski et la pochette tripée du Candyman EP des cinglés sexy de These are Powers

Au fur et à mesure que cette colonne s’étoffe et prend ses aises, je suis tenté de la sous-titrer à l’usage des sourds et malentendants : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les groupes dont vous n’avez jamais entendu parler. » Émanation de Crash Normal et des tout-puissants AH Kraken, OK Judge Revival est un cri du cœur venu de la France profonde, avec une pochette qui déchire et une musique hantée par les bayous de la Moselle. Avec Yussuf Jerusalem et Cheveu, The Feeling of Love est l’un des seuls groupes rock français à ne pas prendre des airs de poseurs-lopettes (suivez mon regard) et à connaître une mini-­gloriole outre-Atlantique : balade velvetienne primitive, burritos garage à la sauce post-punk, tromblon blues-noise qui tâche, chanteur possédé à l’accent casse-gueule, orgue vaudou, gamelan fiévreux et transe ­aborigène. Tout n’est pas perdu pour la jeunesse no future nourrie à la choucroute. Dans une veine plus glam mais qui rabote sec, These Are Powers a dégoté la formule magique pour être à la fois expérimental ET sexy. Leur mélange ardu de guitares no-wave plongées dans l’acide volcanique des glaciers martiens et d’ablutions synthétiques R ‘n’ B passées à travers les eaux phosphorescentes d’un lac artificiel n’a aucun équivalent connu, ce qui est toujours bon signe. Leur EP Candyman, jonction idéale entre Liars et The Knife, accomplit l’exploit de combiner trois des règles d’or du musicien « ambitieux mais pas merdeux » : envoyer du bois, foutre en l’air la structure classique et donner envie de se tortiller le cul. On serait tenté de se trémousser avec eux autour d’un méchoui de caïman après avoir reçu la bénédiction du Grand Chambellan de la planète Xenon, mais on se contentera d’écouter les incantations electro-alien de « World Class Peoples » en priant pour qu’ils viennent jouer en France. Leur charismatique chanteuse Anna Barie, réincarnation eurasienne de Siouxsie, exciterait un eunuque rien qu’en fredonnant « La Serenissima ». Je ne résiste pas à vous faire part de ma découverte de Adolf Filter, dont le seul nom m’a convaincu de vous présenter leur electro robotique-industrielle, 100 % analogique. Amoureux des bandes magnétiques et des synthés bardés de potards, ce duo suédois s’oriente vers le futur tel qu’il aurait dû advenir avant que le corporatisme ait la mainmise sur ce qui nous gangrène les oreilles à l’heure actuelle. Deux de leurs morceaux de cold-synth-wave minimaliste figurent sur la compile Undergangen, sortie en cassette only sur Fukk Tapes Let’s Erase, l’un des labels les plus obscurs de la Terre, mais aussi l’un des plus excitants pour tous les amateurs de choses occultes, fun et avant-gardistes (le mot est lâché). James Pants, c’est toute la suavité de la cocktail music et le groove moite de l’electro-funk afrofuturiste transfusés dans les veines d’un nerd blanc-bec qui collectionne autant les disques que les râteaux. Les MILF à l’arrogante lubricité qui humectent leur lingerie à la seule association des mots lèvres lippues, costards blancs, rognures d’ongles et bain moussant en ont déjà l’eau à la bouche. Personnage atypique, genre de Prince suburbain avec le déphasage expé de Ariel Pink et un humour de golio, James Pants incarne à la fois l’élégance racée ET la vulgarité crasse, l’érotisme délicat ET le porno vintage, les macarons rive gauche ET le kebab de 3 du mat. Le single « Thin Moon », extrait de son album Seven Seals, ferait passer Chromeo pour une colo de fraggles en quête de la mite ultime dans les bas-fonds des afters nantaises. C’est dans ce contexte de clubbing de fin du monde que l’on écouterait l’electro boogie progressive d’Arcadion, alias Alan Dobson, dont les beats hip-hop chaloupés donnent la curieuse impression de dévaler les rapides de l’Euphrate dans un bateau pneumatique conçu par Afrika Bambaataa. Je n’ai jamais été déçu par les edits de Pilooski, dont les émulsions discoïdales tapent pile au point névralgique, soit quelque part aux alentours du plexus. Pour la dixième sortie du label Rvng of the Nrds, notre mascotte polonaise s’est réapproprié un obscur track de rocksteady jamaïcain, en l’occurence « Ay Ay Ay » de Duke Reid et Nora Dean. Mise en relief par l’irrésistible groove pilooskien, cette ritournelle nonchalante se transforme en oasis de volupté tropicale où subsiste la trace des chants nyabinghi et du mysticisme rastafari. Well done, buddy! En guise d’avant-goût de l’album de Mock & Toof, mes chouchous de la scène nu-disco, laisse-toi enivrer par le savoureux « Farewell to Wendo », la meilleure pop song enregistrée depuis que toutes ces têtes à claques arrivistes (pardon, il faut dire désormais entristes) font la pluie et le beau temps dans les clubs boubourges parisiens. Tout le contraire du beat gras et de la compression ­turbina dégueu, ce morceau est léger comme le chant d’un colibri une matinée de printemps et mettrait du baume au cœur du plus sanguinaire des psychopathes. Sur une mélodie joyeusement brise-cœur et un groove du désert chaud et sensuel (je donnerais ma main à couper qu’il y a du Kalimba là-dessous), la chanteuse du duo allemand Pollyester entonne ses comptines de griot avec tellement de grâce et de fraîcheur que l’on en viendrait presque à excuser les laboratoires marseillais Methylo pour leur mauvaise gestion du flux gastrique des hominidés en descente de neurotoxiques. EVA REVOX THE FEELING OF LOVE – OK Judge Revival (Kill Shaman Records)
THESE ARE POWERS – Candyman EP (Rvng Intl)
ADOLF FILTER – Storing Signals in Analog Form 7” (Tissel & Tassel)
V/A – Undergangen - An Audio Companion to the End Tymes (Fukk Tapes Let’s Erase)
JAMES PANTS – Thin Moon 7” (Stones Throw records)
ARCADION – Ghost Feeder (DC Recordings)
PILOOSKI – AAA (Rvng Intl.)
MOCK & TOOF – Farewell to Wendo EP (Tiny Sticks)