Faith No More a eu une vie avant Mike Patton

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Faith No More a eu une vie avant Mike Patton

À l'occasion de la réédition de leur premier album, « We Care A Lot », Roddy Bottum, Billy Gould et Mike Bordin nous ont parlé des débuts du groupe, avant l'arrivée de son chanteur emblématique.

​​Même si on considère Faith No More comme l'un des groupes de metal alternatif les plus emblématiques des années 90 (ou comme le meilleur groupe du monde​), l'histoire de ces types de San Francisco remonte jusqu'à 1979, année où Billy Gould et Mike Bordin ont fondé l'éphémère groupe punk Sharp Young Men. Après quelques autres déclinaisons du projet, la première mouture de Faith No More fut scellée en 1983, lorsque que le line-up composé de Gould, Bordin, du claviériste Roddy Bottum, du guitariste Jim Martin et du chanteur Chuck Mosley s'est réuni pour enregistrer ce qui allait devenir leur premier album, We Care A Lot, paru en 1985. En débauchant Mike Patton de Mr. Bungle en 1988 (et s'offrant de fait les services d'un des plus grands chanteurs et frontmen de l'histoire du rock américain) le groupe prenait le risque de se faire éclipser par son magnétisme… Et c'est plus ou moins ce qu'il s'est passé.

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La version de Faith No More menée par Patton enregistrera cinq classiques – The Real Thing en 1989, Angel Dust en 1992, King For A Day… Fool For A Lifetime en 1995, Album Of The Year en 1997, et l'album du come-back, après 18 ans de silence, le triomphant Sol Invictus. Des disques qui ont laissé à des années-lumières derrière eux le premier album du groupe, We Care A Lot, que le label de Billy Gould, Koolarow Records, a réédité cet été, après qu'il ait été absent pendant 20 ans des bacs des disquaires. Pour les fans de Faith No More, ce disque était au mieux une curiosité, au pire une anomalie, mais pour une grande partie du public, il n'existait tout simplement pas : beaucoup n'ont découvert le groupe qu'au moment de l'arrivée de Mike Patton avec le single « Epic », dont le clip tournait en rotation lourde sur MTV.

En intégrant le groupe, Patton a totalement effacé des registres Chuck Mosley, le premier chanteur du groupe, avec qui ils ont enregistré We Care A Lot et Introduce Yourself. On entendait alors des fans dire que Mosley était bidon, comparant sa voix à celle de son successeur – au registre tellement étendu qu'il était capable de passer de l'opéra au detah metal en une fraction de seconde. Mais Mosley était en vérité loin d'être un mauvais chanteur : il avait juste un style totalement différent de celui de Patton.

Chuck Mosley a un timbre sombre et étrange, qui se situe quelque part entre Peter Murphy (Bauhaus) et HR (Bad Brains) - avis largement confirmé par les dates de sa récente tournée (qui passera par Paris le 15 octobre​), où il joue des versions acoustiques des premiers classiques de Faith No More comme « Mark Bowen », « As The Worm Turns » ou « The Crab Song », avec un joueur de bongo pour seul accompagnement.

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We Care A Lot est l'oeuvre du claviériste Roddy Bottum, et on peut y entendre distinctement ses influences goth et dream-pop dans les sons et les textures de morceaux comme « The Jungle », « Why Do You Bother ? » et « Arabian Disco ». « Jim », en revanche, est un interlude émouvant et incongru joué par Jim Martin à la guitare classique. Ce dernier a été viré du groupe en 1993, mais a depuis des rapports cordiaux avec eux. Il a même été aperçu backstage lors de leur tournée de reformation de 2009, bien qu'il ait toujours refusé de les rejoindre sur scène - même en août dernier, lorsque Faith No More a donné deux concerts avec Mosley au chant, l'un au Great American Music Hall de San Francisco, et l'autre au Troubadour, à Los Angeles.

Même si on ne parle pas encore d'une potentielle réédition spéciale de Introduce Yourself à l'occasion de son trentième anniversaire, l'année prochaine, Rhino Records a déjà dévoilé les éditions deluxe de  le 9 septembre dernier. Nous avons rencontré Gould, Bottum et Bordin pour discuter de leurs débuts avec Chuck Moseley et évoquer deux autres albums, King For A Day… et de Album Of The Year​, réédités le 9 septembre dernier en éditions Deluxe par Rhino Records.

Noisey : Avez-vous dû harceler des gens pour récupérer les droits de We Care A Lot ?
Billy Gould : Non, ça a été trop facile, en fait. C'en est presque gênant [Rires]. À l'origine, c'était sorti sur un label nommé Mordam Records, qui est devenu un distributeur. Mais nous étions les premiers à sortir un disque sur le label,géré par Ruth Schwartz, qui bossait pour lemagazineMaximumRocknRoll. En gros, ils nous avaient fait un deal qui nous laissait les droits de l'album, et j'ai simplement oublié qu'on les avait [Rires]​. Il n'avait pas été très bien distribué à l'époque, et j'avais carrément oublié l'existence du disque jusqu'à ce que je range ma cave et que je retrouve les bandes de master et les bande de mixages ½ pouce. Donc je suis allé chez Fantasy, à Berkeley, pour faire un transfert de bandes, où ils les ont traitées dans des fours spéciaux pour les restaurer. Et puis je les ai écoutées pour voir comment ça sonnait, et elles sonnaient aussi bien que le jour où on les a mixées. Alors j'ai dit aux autres « Ça fait 20 qu'il est épuisé. Ça sonne hyper bien. Pourquoi est-ce qu'on nele ressortirait pas ? » C'est comme ça que ça s'est passé.

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Mike Bordin : On avait les droits grâce à Ruth, qui a été très sympa, et honnête, et qui a permis que les droits nous reviennent au bout de X années. On avait donc la capacité légale de faire ça, mais en plus, on possédait physiquement le matériel, qu'on a pu ouvrir et réécouter. À la base, cet album a été mixé en deux ou trois jours, sur un 16 pistes, je crois. Et avoir la possibilité de reprendre tout ça, et de vraiment pouvoir le revisiter, avec toute la technologie dont on dispose aujourd'hui, et avec toute l'expérience qu'ont acquis Bill et Matt avec le temps, c'était juste fantastique. Entendre We Care A Lot aujourd'hui est une expérience assez dingue, le simple fait d'entendre d'où vous venez, ce que vous faisiez à l'époque.

Gould : Ça me fait le même effet. Ça faisait 20 ou 30 ans que je ne l'avais pas écouté et c'est assez étrange de voir jusqu'où on est allés, et en même temps de reconnaître les racines de ce qu'on fait maintenant. C'est un vrai trip.

Roddy Bottum : Beaucoup de ce qu'on trouve dedans a été composé par Billy, Mike et moi dans le local qu'on avait à San Francisco. Et on avait vraiment une approche spirituelle de tout ça. On avait tout un concept autour des riffs monotones, hypnotiques, qu'on jouait à l'infini, ce qui nous faisait un peu penser à un culte de secte, à l'époque. On passait littéralement des heures à faire ces boucles, et je me souviens que le riff de « As The Worm Turns » vient de là.

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Ce qui est le plus intéressant dans ces remixes, c'est la place centrale qu'occupent les claviers de Roddy. Vous écoutiez beaucoup de synth-pop et de new wave anglaise ?
Gould : Carrément. On était vraiment à fond là-dedans. On aimait les trucs clubs anglais comme OMD et Human League, mais aussi les trucs plus sombres, à la Throbbing Gristle. Et puis il y avait la scène rap aux USA, avec des gens comme Soul Sonic Force et Afrikaa Bambaataa, qui prenaient du Kraftwerk et le réinventaient. Il se passait plein de trucs cools.

Bordin : C'est vraiment ce qui nous branchait à l'époque. On écoutait les Cure, Psychedelic Furs, Echo & The Bunnymen, Killing Joke, à fond. Mais Roddy kiffait la pop. Il avait vraiment un look pop, et un sens de la mélodie, des arrangements simples. C'est cool de pouvoir équilibrer tous ces éléments, et c'est ce qu'on a fait pendant un temps.

Bottum : Le premier clavier que j'ai utilisé pour We Care A Lot était un Oberheim, et c'était tellement le son clé de tout ce qu'on faisait. En fait, j'ai acheté ce clavier à un mec à L.A., on a mis tout notre argent en commun, et on a acheté l'Oberheim à ce mec, qui s'appelait Dwayne Hitchens. Il venait de finir la musique de Flashdance sur ce clavier. Et on trouvait ça tellement drôle, d'avoir le clavier de Flashdance. On était là, « Ohlala, c'est magique ». C'était tellement marrant, putain. Cet été, on a fait ces concerts en Californie avec Chuck, et je suis allé dans un magasin de guitares avant les shows, pour regarder les claviers, et j'ai chopé une réédition de ce vieil Oberheim, le même que j'avais, et j'ai joué avec. C'est celui qu'ont utilisé SURVIVE pour le thème de Stranger Things​ aussi, il me semble.

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Comment vous vous êtes retrouvés à kiffer ces trucs-là, à l'époque ?
Gould : Beaucoup d'informations parvenaient jusqu'à San Francisco. Ce n'était pas vraiment une ville bureaucrate, il y avait encore beaucoup d'artistes à l'époque. Le punk rock était venu, puis reparti, et le post-punk était encore présent. Et en même temps, Metallica commençaient à peine. Il y avait tout ce mélange de trucs différents qui avaient lieuen même temps, et on a eu la chance de se retrouver au milieu de tout ça.

Vous fréquentiez déjà Metallica à l'époque ?
Gould : On n'avait pas encore tourné avec eux, mais on était déjà amis. Le premier groupe qu'ont monté Mike Bordin et Jim Martin, c'était avec Cliff Burton. Je crois que ça s'appelait Vicious Hatred. Cliff traînait tout le temps par là. Il venait à nos concerts. Metallica avaient déjà un manager à cette période, et ils tournaient tout le temps, donc on leur demandait conseil. Et ça nous a vraiment aidé, en fait.

Bordin : J'ai rencontré Cliff lors de mon premier jour de collège, je devais avoir 10 ou 11 ans. Je m'étais pointé avec un T-shirt Black Sabbath, donc on est devenus potes. Notre amitié tournait autour de la musique, dans la musique, par la musique. On allait voir des tonnes de concerts, on adorait tout ce qu'il se passait dans la scène de l'époque. Un jour, on était dans sa chambre, et il m'a dit « Je vais me mettre à la basse. » Et je lui ai répondu « OK, je vais apprendre la batterie. » Et c'était vraiment d'instinct, une réaction. Alors on a appris à jouer ensemble. Et après avoir joué environ un an, on a entendu que quelqu'un cherchait un bassiste et un batteur dans la ville d'à côté, et c'était le groupe de Jim.

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Bottum : James Hetfield était vraiment un bon pote de Jim, et il portait souvent un T-shirt Faith No More, ce qui a vraiment contribué à attirer l'attention de la scène metal sur nous. Personnellement, je ne nous ai jamais, jamais considéré comme un groupe metal. Bien sûr, on avait un son assez agressif, mais on n'a jamais essayé de partir là-dedans. Donc c'était vraiment surprenant. Je me disais « Sérieux ? Les mecs de Metallica kiffent ça ? » [Rires]​Je pensais que c'était juste parce qu'ils étaient potes avec Jim, mais il y avait clairement une sonorité qui plaisait à d'autres kids fans de metal, et ça a ouvert grand les portes pour une foule de gens de cette scène.

Cliff avait l'air d'être un vrai mec cool.
Bordin : C'est un sujet sensible pour tous ceux qui le connaissaient, comme me l'a dit son père, une fois, il y a longtemps, quand je lui ai avoué « Ça fait 20 ans maintenant, et je crois que je n'ai toujours pas digéré sa mort. » Il m'a répondu « Tu ne le digéreras jamais. » Mais je dois dire une chose, c'est qu'il existe un club ici-bas qui n'a que deux membres, et ce club s'appelle « Les batteurs ayant joué avec Cliff Burton, Jason Newstead et Robert Trujillo ». Et ces deux membres, ce sont Lars Ulrich et moi.

Est-ce que vous avez essayé de joindre Jim Martin pour qu'il prenne part à cette réédition, et au concert que vous avez fait avec Chuck, fin août ?
Gould : Oui, onlui a fait signe, mais il ne nous a pas répondu. Qu'est ce qu'on peut faire, hein ? Il a son truc à luiaussi, sa propre personnalité. J'aimerais penser, en vieillissant, que tout le monde dans le groupe a pris sa décision, et que les groupes continuent chacun à leur manière, mais c'est également agréable de pouvoir concilier ça et le fait de sepencher sur ce qu'on a fait avec bonheur. Et je nourris toujours l'espoir de réconcilier tout le monde, mais il faut savoir prendre les choses comme elles sont.

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*À côté de la réédition de We Care A Lot, Rhino a également sorti les éditions deluxe de King for a Day… Fool for a Lifetime et de Album of the Year. Vous avez pensé quoi en vous replongeant dans ces albums ?*
Gould : On a vécu beaucoup de changements. On a perdu des gens et on en a gagné d'autres. Personnellement, j'aime toutes les évolutions qu'on a pu suivre, parce que j'ai été impliqué dans chacun d'entre elles [Rires]​. Donc ça avait une signification à mes yeux. Ce que je peux dire de positif à propos de ce groupe, c'est qu'on a toujours provoqué des situations qui nous ont poussé à continuer notre travail, dans une direction qui nous a permis de rester créatifs, et où nous savions où aller. Et tout s'est bien toujours bien passé. Le pari était risqué à l'époque, mais je suis heureux que nous ayons fait ces deux albums.

*King for a Day…, en particulier, est peut-être votre album le plus varié et – pour beaucoup de fans d'élite de Faith No More – il est considéré comme le chef-d'œuvre du groupe. Qu'est ce que vous aviez en tête en enregistrant ce disque ?*
Bottum : Ceux qui vouent un culte à cet album appartiennent à une catégorie de fans de FNM très spécifique.

Bordin : King For A Day n'a pas été accueilli par le même engouement que les deux autres albums qu'on avait fait avec Mike. On dirait que les gens l'ont découvert un peu plus par leurs propres moyens, il a peut-être un charme plus personnel donc, parce que c'est leur album, si tu veux.

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Gould : En termes de musique, on venait de sortir Angel Dust et d'une tournée d'un an et demi pour le défendre. Ce disque était très dense. On a énormément joué ces chansons, et quand tu joues des trucs pendant longtemps, tu finis par être fatigué de certaines choses. Et quand on s'est mis à enregistrer le disque suivant, on savait qu'on voulait qu'il soit différent. Et aussi, au moment de faire Angel Dust, notre relation avec Jim était très frustrante. On avait besoin de trouver un moyen de canaliser cette tension. Cet album était une manière de pouvoir exploser tout en gardant un certain contrôle. On était juste coincés dans cette structure très oppressante, et on a voulu s'en échapper, et se ménager un espace pour respirer librement. C'est dans cette optique-là qu'on a fait King for a Day.

Qu'est-ce que vous aviez en tête en faisant ces reprises complètement barrées de Robert Goulet et des Bee Gees pour vos faces B ?
Bottum : C'était la même impulsion qui nous a poussé à faire « Easy », cette espèce de grande pièce dramatique qu'on voulait mettre en place, qui était l'identité même du groupe. Tous ces hauts et ces bas, qui déclenchent les émotions, et puis je voulais vraiment mettre les gens au défi. Genre « Ah bon, vous aimez être émus. Voilà qui va vous émouvoir ! »

Comment c'était, de bosser avec Trey Spruance ? Ça a vraiment fait du bruit chez les fans quand il vous a rejoint sur King For A Day
Bottum : Trey est génial. Il est tellement bon, c'est un guitariste tellement spécial. Il est un peu magique. C'est vraiment une personne étrange, et je l'adore. C'est un mec super, et un musicien fantastique. Jouer avec lui, ça a été vraiment une expérience unique.

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Bordin : Je voulais vraiment partir en tournée avec ce type. J'adorais jouer avec lui. Pour tout ce que j'ai à dire de positif sur Mike Patton et sur l'étendue de sa vision de la musique, et de ses compétences, Trey est le mec qui lui correspond. Trey a vraiment été l'arme ultime de chez ultime. Il a pu faire les parties un peu groovy sur « Star A.D ». Il a pu faire exactement ce qu'il fallait sur « Caralho Voador », ça ressemble un peu à de la samba. Et à côté de ça, c'est lui qui nous a aidé à faire « Ugly in the Morning » et « The Gentle Art Of Making Enemies », et surtout « Cuckoo for Caca ». Il y avait une partie dans ce morceau sur laquelle on ne savait pas quoi faire, et il arrive genre « Hmm, pourquoi vous ne feriez pas ça ? » Et on a tous fait « Mon Dieu ! »

J'ai entendu dire que Album of the Year avait été réalisé en équipe très réduite. C'était le cas ?
Bordin : Oui et non. Il s'agissait d'équipes réduites dans la mesure où on travaillait tous sur d'autres projets, donc on a du enregistrer nos parties séparément. Et je suis peut-être le plus grandresponsable de tout ça, parce que je tournais avec Ozzy. Mais c'était la première fois que Bill se lançait et s'attelait à la production. Et il repris les pistes, il a rajouté des trucs. Et il a bossé avec ce mec que tout le monde respectait vraiment, Roli Mosimann. C'est Roli qui avait produit tous les trucs des Young Gods, il n'y a rien à ajouter. Exactement comme ça nous suffisait de savoir qu'Andy Wallace [producteur de King for A Day…]​ avait bossé avec Slayer et Run DMC, c'était pareil pour Roli. À mes yeux, les Young Gods, étaient des génies, incroyablement créatifs et novateurs, quand ils utilisaient un clavier avec de la distorsion pour jouer la guitare, et même ce que faisait Franz Treichler, le chanteur, avec les lumières sous son micro. Être accompagné de quelqu'un qui bossait à ce niveau, et qu'on respectait beaucoup, c'était vraiment cool.

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Bottum : Je pense qu'on essayait de retourner vers l'ancienne vibe de Faith No More sur Album of the Year. En gros, King For A Day a vraiment marqué un tournant, vers ce rock chelou, post-moderne, très anguleux, plus compliqué rythmiquement, assez lourd, avec moins de claviers. Et je pense que notre intention avec Album of the Year, c'était de repartir vers le son des débuts. Et en plus de ça, on écoutait beaucoup de Tricky, Massive Attack, Portishead, DJ Shadow, à l'époque. On adorait ça.

*Vous aviez déjà entendu parler de Mr. Bungle à l'époque de We Care A Lot ?*
Bordin : On avait joué dans cette fac, avec Chuck. C'était une petite fac, avec genre trois personnes dans le public [Rires]​. Et après le concert, tu as un mec qui se pointe et qui nous dit « Hey les gars, je suis vraiment trop content que vous ayez joué, merci d'être venus. Mais vous voyez, l'université n'est pas ouverte en ce moment, c'est pour ça qu'il n'y a personne. » Donc on avait joué là-bas pendant les vacances. Je continue à parler à ce type, et il était là « J'ai un groupe, prenez notre cassette. » Ce mec était Trey, le groupe s'appelait Mr. Bungle, et l'albumThe Raging Wrath of the Easter Bunny. Il me donne la cassette, on la passe un peu plus tard, je sais pas ce qu'on était en train de faire, et Jim adore direct, parce que ça sonnaitcomme Slayer, comme du speed metal avec des grognements morbides et tous ces trucs de barge. Je n'oubliera jamais ce moment; Jim se tourne vers nous et lance « ce mec doit être un géant avec toute la puissance qu'il y a dans sa voix ! » Et puis le temps passe, et quand on a cherché un nouveau chanteur, Jim fait « On a qu'à prendre ce gros mec de Mr. Bungle ! » Et le truc marrant, c'est qu'on les a revus quand on a fait une tournée de 20 ou 30 concerts avec les Red Hot Chili Peppers fin 80, la dernière tournée avec Hillel[Slovak, premier guitariste des Red Hot, mort d'overdose en 1988]​, c'était très intéressant.

Donc cette tournée passe par San Francisco, on jouait au Fillmore, et je vois Mike Patton. Donc je vais vers lui et lui dis « Hey, Jim vous adore vraiment, tu devrais venir chanter avec nous. » Mais Mike me répond « Oh, on ne sonne plus du tout comme ça. » [Rires]​ Donc il me donne une autre cassette de démos, c'était Bowel of Chiley, et c'était genre Madness rencontre James Bond, putain. Ce truc de ska d'agent super secret, c'était fantastique. Et je lui dis « Oh mec, je suis tellement content que vous ayez changé de son, parce qu'à quoi ça sert de n'avoir qu'une seule facette ? » Et il fait « Ouais, mec. » C'est le seul truc qui lui ait fait réfléchir, ne serait-ce qu'une seconde, à rejoindre le groupe, le fait qu'on soit disponibles ou ouvert à l'évolution. Parce que je ne lui ai pas dit « Oh, c'est quoi cette daube, il faut que ça sonne comme The Raging Wrath of the Easter Bunny, c'est ça votre son ! » Je pense vraiment que dans ce cas précis, c'est ça qu'il s'est passé avec Mr. Bungle. Ils ont évolué, et on a tous applaudi. En tous cas, trois mecs sur quatre dans le groupe ont applaudi [Rires]​. Et à l'époque où l'on envisageait de faire remplacer Chuck, il était déjà parti sur autre chose [Rires]​.

Dans la catégorie des anecdotes incroyables que j'ai pu entendre sur Faith No More depuis toutes ces années, il paraît que la grande Paula Frazer, de Frightwig et Tarnation, a chanté pour vous, une fois. Racontez un peu.
Bottum : C'est arrivé parce que j'avais un boulot au Cento Cedar Cinema de San Francisco, je faisais du pop-corn. Et j'avais bossé là-bas avec Paula, qui venait de s'installer en ville. Il y avait une bande de kids qui bossait là. Elle venait de fonder Frightwig, elle venait de l'Arkansas et elle était hyper rustique. Elle faisait de la dance traditionnelle en sabot. Elle savait se servir d'un métier à tisser. Mais elle avait aussi une voix incroyable et jouait super bien de la guitare. Mia et Deanna, qui étaient aussi dans Frightwig, bossaient aussi au cinéma, et on est tous devenus potes, et je crois qu'on a commencé à faire des concerts avec eux, aussi. À l'époque, Faith No More n'avait pas de chanteur, donc on changeait de chanteur selon les concerts. Paula a été la troisième ou quatrième personne à chanter avec nous.

Gould : On était vraiment amis avec Frightwig à San Francisco. Paula est une chanteuse et une musicienne tellement talentueuse, on s'est dit que ça serait cool de jouer avec elle. J'ai quelques cassettes de ces sessions, qui sont vraiment chouettes. Elle était très atmosphérique, elle a une façon de gémir bien à elle. Ça donnait un groupe vraiment étrange quand elle était avec nous.  On jouait ces boucles hypnotiques et répétitives, et on faisait venir différents chanteurs qui ajoutaient leur touche par dessus le tout. Il y a cinq ou six personnes différentes qui sont venues chanter avec nous. Courtney Love en a aussi fait partie. On en a essayé un certain nombre. Puis avec Chuck, on a essayé, puis on avait un autre concert, et on lui a simplement demandé s'il était partant pour le refaire. Et puis un troisième concert dans la foulée, et d'un coup, c'était devenu notre chanteur.

*Est-ce que vous êtes heureux de revoir We Care A Lot dans les bacs des disquaires ?*
Bottum : Oui, c'est vraiment spécial. On considère tellement Faith No More comme le groupe de Mike Patton, c'était marrant de remonter jusqu'à nos débuts. C'était vraiment cool de s'y replonger, à tous les niveaux, que ça soit regarder devieilles photos, ou se souvenir de ce qu'on faisait à l'époque, et de la façon dont tout a commencé. Et simplement l'album en soi, il y a quelques chansons qui déclenchent de sacrés souvenirs auditifs où je me dis, « putain ! »

Bordin : Quand j'ai entendu les nouveaux mixes pour la première fois, j'ai lancé à Bill et Matt, « Bordel de Dieu, Faith No More aurait toujours dû sonner ça, depuis le premier jour. »

Chuck Moseley sera en concert le 15 octobre à Paris, à la Mécanique Ondulatoire​.