L’usine à cadavres de Montreuil vue de l’intérieur
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Culture

L’usine à cadavres de Montreuil vue de l’intérieur

Depuis sa création, l’atelier 69 travaille sur les effets spéciaux et le maquillage de nombreux films – des « Beaux Gosses » à « Hitman », en passant par « La Vérité si je mens 3 ».

Au beau milieu d'un atelier caché dans l'immeuble résidentiel d'une ruelle montreuilloise, Camille façonne une prothèse de pénis. Avec application, il insère des canules dans son moule en silicone. « Mon rôle, c'est évidemment de rendre l'aspect extérieur de cette prothèse le plus réaliste possible. Mais je dois aussi penser l'intérieur de cette bite de manière à ce que le sang gicle, quel que soit le côté par lequel on va la couper », détaille-t-il. Il s'avère que Camille officie pour l'atelier 69, qui a la particularité d'être l'un des plus gros créateurs d'effets spéciaux non-numériques de France. La prothèse sur laquelle il travaille est destinée à échouer dans une scène de film, dans laquelle l'un des protagonistes se fait couper les testicules et le pénis.

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En parallèle de cette commande très spécifique, l'atelier – situé à deux pas des anciens studios Méliès – offre son savoir-faire à de nombreuses personnes. Les employés reçoivent notamment des demandes de la part de clients américains, envoient leurs maquilleurs en renfort sur les lieux de tournage de Game of Thrones, et se sont occupés des effets spéciaux et des maquillages de nombreux films français – des Beaux Gosses à La Vérité si je mens 3, en passant par La Horde.

Quand on imagine les coulisses du cinéma français, on ne s'attend pas nécessairement à tomber sur des centaines de kilos et de fausse peau. Mais du sol au plafond, les faux cadavres sont omniprésents. Lorsque j'entre dans ce décor digne d'un tableau de Jérôme Bosch, j'y découvre quinze types en train de bûcher sur une dizaine de projets différents aux quatre coins de l'atelier, la cigarette au bec et Cocksparrer en fond sonore. Tous s'affairent à sculpter des monstres obèses, des masques de tueur et des membres destinés à se faire sauvagement trancher.

Quand je demande à Camille, l'un des employés réguliers de l'atelier, de me parler des projets les plus sanglants sur lequel il a eu l'occasion de travailler, il me cite l'exemple de Leatherface, dont la sortie française est prévue cette année. « On a dû travailler sur un faux type pendu, dont le corps était déjà en putréfaction », explique-t-il. « Il a aussi fallu faire une vache morte dans laquelle des enfants doivent se cacher. Paradoxalement, l'un des trucs les plus affreux que j'ai faits, c'était pour les besoins d'une scène du film Monsieur & Madame Adelman de Nicolas Bedos : un chien se fait tirer dessus à coups de fusil, et on a dû préparer un petit chien presque ouvert en deux par le trou de balle. »

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Dans l'atelier, on trouve aussi un nain monstrueux dédicacé par Paul Verhoeven, des bustes de Guillaume Canet, de Pierre Niney et même d'Eddie Murphy : ces moulages d'acteurs servent ensuite à façonner des prothèses sur mesure, allant de la petite cicatrice au coin de l'œil au ravalement de façade complet. « Vu qu'on est un studio plutôt réputé, il s'agit surtout d'une question pratique », m'explique Camille. « Si un acteur américain se trouve à Paris, on le moule ici et on envoie les tirages là-bas. Le monde du cinéma est assez petit en fait, surtout pour les grosses productions. Et on ne peut pas dire qu'il y a beaucoup d'ateliers d'effets spéciaux. »

Sur place, on a conscience de se trouver dans un grand lieu de cinéma, bien qu'on ait tendance à oublier ceux qui œuvrent de l'autre côté des caméras. À la fin de ma visite, je demande à Camille si le fait de travailler ici ne brise pas trop le mythe pour lui. « Autant que toute personne qui travaille dans le son ou l'image, j'imagine », me répond-il. « Mais j'ai tendance à vite repérer les effets spéciaux et à juger s'ils sont bien faits ou non. Pour moi, un bon effet spécial ne se voit pas – ça peut être un faux nez, par exemple. Un effet de sang, comme on les appelle, ça ne dure que quelques secondes à l'image et ça joue beaucoup sur l'effet de surprise et de dégoût. Alors que pour un faux nez, il faut travailler le maquillage tous les jours et il est sans arrêt à l'image. Et là t'as plutôt intérêt à ce qu'il soit impeccable et complètement invisible. » Avant de conclure : « En fait, c'est comme tout dans le cinéma. Le bon effet, c'est celui qui ne se voit pas. »

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