FYI.

This story is over 5 years old.

FRANCE

La France discrimine les étrangers d’après le Défenseur des droits

Dans un rapport publié ce lundi, le Défenseur des droits pointe les nombreuses entraves que subissent les étrangers au quotidien. Accès aux soins, prestations familiales, scolarisation… Ces obstacles sont présentés comme des atteintes aux droits.
Une expulsion d'un lycée parisien occupé par des migrants en mai 2016 (Etienne Rouillon/VICE News)

Une « logique de suspicion qui irrigue l'ensemble du droit français applicable aux étrangers ». Voilà ce que constate le Défenseur des droits Jacques Toubon, dans un rapport publié aujourd'hui et intitulé « Les droits fondamentaux des étrangers en France ».

Selon Francetvinfo, ce rapport repose sur un recensement des actions juridiques menées par le Défenseur, une institution de la République qui veille au respect des droits des personnes en France. Il dénonce « l'ensemble des obstacles qui entravent l'accès des étrangers aux droits fondamentaux », comme la protection de l'enfance ou l'accès à la Santé, et entend « souligner l'écart mesurable entre la proclamation de ces droits et leur effectivité ».

Publicité

Le site du Monde souligne par exemple que le Défenseur des droits a été saisi à de multiples reprises, pour le refus de scolariser d'enfants dont les parents ne sont pas en séjour régulier. La scolarisation d'un enfant entre 6 ans et 16 ans est obligatoire en France.

Le rapport condamne dans un premier temps les « atteintes au droit dans la délivrance des visas ». Il incrimine la France qui « tend à réduire les voies d'immigration légales, alors même que la situation en Syrie accroît la pression migratoire. » Le Défenseur des droits appelle les autorités à « procéder à l'examen bienveillant des demandes de visas déposées en vue de solliciter l'asile en France. »

Cette entrave pour obtenir un visa est amplifiée dans le cas des demandeurs d'asile par le non-respect de la loi du 29 juillet 2015 qui offre notamment une aide financière sous forme d'allocations. Le Monde cite le rapport qui insiste pour « que tous les demandeurs d'asile se voient versées dans les plus brefs délais et avec effet rétroactif les allocations auxquelles ils ont droit depuis le 1er novembre 2015 », date de l'entrée en application de la loi.

Pour Pierre Henri, directeur général de l'association France Terre d'asile, la loi du 29 juillet est « formidable sur le papier » mais présente des difficultés à être appliquée par manque de moyens budgétaires. « Il est surtout urgent d'abandonner l'urgence », nous explique-t-il ce lundi. « Nous ne sommes pas obligés d'agir dans la précipitation, qui coûte toujours plus cher. La logique qui prévaut à Bercy par exemple est absurde. Les économies deviennent des charges et portent atteinte aux droits fondamentaux. » Son association réclame depuis longtemps plus de moyens, une gestion qui ne soit pas dans l'urgence et une simplification administrative.

Publicité

Des obstacles au quotidien pour les étrangers

Le rapport note également une « tendance à la précarisation du séjour des étrangers ». Ainsi, la délivrance de la carte de résident a été fortement limitée. Celle-ci, valable dix ans, facilite l'accès au logement ou à l'emploi. Si elle a été créée « comme titre de droit commun destiné à tout étranger projetant de s'installer durablement sur le territoire », elle n'est plus aujourd'hui qu'un « titre d'exception, délivrée au terme d'un parcours d'intégration réussi ».

En ligne de mire du Défenseur des droits notamment, les préfectures qui n'appliquent pas le droit à la lettre. Ainsi, les « refus guichet », autrement dit les refoulements de la part de la préfecture, représentent « une entrave au droit des étrangers à voir examiner leur demande ». Par ailleurs, les heures d'attente aux guichets pour accéder à un service public sont désignées comme une « atteinte à la dignité humaine ». Contactée ce matin, la préfecture de police de Paris n'a pas répondu favorablement à notre demande d'entretien.

Autre point d'inquiétude soulevé par le rapport : le sort réservé aux mineurs, et notamment aux mineurs isolés dont le nombre est estimé « entre 8000 et 10 000 » sur le territoire.

Une fois devenus adultes, les obstacles se poursuivent pour ces jeunes étrangers. « En dépit d'un dispositif législatif spécifique, les mineurs isolés rencontrent des difficultés pour accéder, à leur majorité, à un droit au séjour pérenne », précise le rapport.

Publicité

Jacques Toubon met aussi en avant le nombre de plus en plus élevé de mineurs placés en centre de rétention avec leur famille, malgré la circulaire prise par le ministre de l'Intérieur en 2012 qui prévoyait que le placement des familles en centres de rétention administrative ne soit envisagé qu'en dernier recours.

Sur la situation des étrangers déjà présents en France, l'état des lieux n'est pas moins préoccupant selon le rapport. « Difficultés dans l'exercice de leur liberté matrimoniale » pour les couples franco-étrangers, « entraves » à l'accès aux prestations familiales ou à certains minima sociaux, « emplois subordonnés à une condition de nationalité »… Les failles révèlent « une égalité de traitement avec les nationaux mise à rude épreuve ».

Jacques Toubon, qui occupe la fonction de Défenseur des droits depuis juillet 2014, avait déjà rédigé en octobre 2015 un rapport dénonçant la situation dans le camp de réfugiés à Calais. Au travers de ce nouveau rapport, il condamne cette fois la banalisation de la discrimination. « L'idée de traiter différemment les personnes n'ayant pas la nationalité française, de leur accorder moins de droits que les nationaux est si usuelle et convenue qu'elle laisserait croire que la question de la légitimité d'une telle distinction est dépourvue de toute utilité et de tout intérêt », cite le journal Le Monde.

Mais ce rapport va au-delà des conditions de vie des étrangers en France. Pour Jacques Toubon, ce sont tous les Français qui sont concernés par cette situation, puisque « le respect des droits des étrangers est un marqueur essentiel du degré de défense et de protection des droits et libertés dans un pays ».


Suivez Solenn sur Twitter : @SolennSugier

Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR

Likez la page de VICE News sur Facebook : VICE News FR