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FRANCE

Les forcenés made in France

La première étude officielle sur les prises d’otages et situations de forcenés en France vient d’être publiée. 330 situations de crise gérées par des unités d’élite en France entre 2010 et 2013 ont été analysées.
Image via ministère de l'Intérieur

Le GIGN en exercice avec le système véhiculé Swatec image via Ministère de l'Intérieur

L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a publié, en mai, la première étude statistique concernant 330 prises d'otages et situations de forcenés, survenues en France entre 2010 et 2013. Dans le journal Le Figaro, le directeur de l'ONDRP Christophe Soullez se félicite de cette « première » qui « témoigne de notre souci de collaborer avec les unités opérationnelles ».

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Plus de quatre mois après le dénouement des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, cette étude se donne pour but de donner un aperçu de la « complexité de la gestion d'une situation de crise », et de ce type de situations qui sont l'objet d'une « sur-médiatisation ».

Sur plusieurs aspects, l'issue des attentats de janvier, qui a vu intervenir les unités d'élite de la police et de la gendarmerie française dans l'imprimerie de Dammartin-en-Goële et à l'Hyper Cacher, s'écarte assez largement de la réalité statistique décrite par cette étude. Parce que ce sont des prises d'otages, parce que les auteurs sont morts et parce que des otages sont morts.

Assaut du GIGN à Dammartin-en-Goële, filmé par la Gendarmerie

L'étude précise avant toute chose les différents types de cas étudiés. Ils sont au nombre de trois : les forcenés retranchés seuls, les forcenés retranchés avec une ou plusieurs personnes, et les prises d'otages. La différence entre ces deux derniers types de situation est expliquée en introduction : « Un forcené retranché peut retenir une ou plusieurs personnes sans que cette rétention soit apparentée à une prise d'otages, car elle n'a pas de but utilitaire. »

Sur les 330 cas étudiés, 257 sont des situations de forcenés retranchés seuls (78,2 pour cent de l'échantillon), 40 sont des « situations de forcenés avec rétention de personnes » (11,8 pour cent) et 33 sont des prises d'otages (10 pour cent). Cette proportion se retrouve sur toutes les années étudiées.

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Ces 330 cas ne représentent pas la totalité de ces situations de crise, mais seulement celles qui ont nécessité l'intervention d'une « unité spécialisée », comme les groupements d'intervention de la police et de la gendarmerie (GIGN et GIPN) le Raid (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) ou la BRI (Brigade de recherche et d'intervention), qui dépendent tous du ministère de l'Intérieur.

Assaut de l'Hyper Cacher par la BRI en janvier 2015 (via BFM TV)

Qui sont ces forcenés et ces preneurs d'otage ?

Selon les statistiques, le forcené ou preneur d'otage moyen est un homme (à 98 pour cent), français (à 74 pour cent), âgé de 41 ans en moyenne et connu des services de police (à 51 pour cent). Dans 37 pour cent des cas, il n'a pas d'emploi et, pour 43 pour cent, il a des antécédents psychiatriques. Les 330 situations de crise analysées concernent 355 auteurs, dont six femmes. Dix pour cent des auteurs ont moins de 25 ans.

Dans 40 pour cent des situations, le preneur d'otage ou le forcené a consommé de l'alcool (66 pour cent), des stupéfiants (18 pour cent) ou les deux (16 pour cent).

Dans deux tiers des cas, l'auteur n'a prémédité son geste. Mais la proportion s'inverse pour les prises d'otages, qui sont faites avec préméditation, dans 73 pour cent des cas.

Pourquoi se retrancher seul ou en retenant d'autres personnes ?

Les deux motifs les plus présents dans ces situations de crise sont la détresse psychologique, décrite comme un « ensemble de symptômes liés à la dépression » (24 pour cent), et le trouble psychique « qui altère ou abolit le discernement » (23 pour cent). Les motifs criminels représentent 16 pour cent des cas et les motifs de revendication politique ou religieuse 4 pour cent.

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Dans 73 cas sur 330, l'auteur retient d'autres personnes. Les profils de 122 victimes ont été analysés. Les trois quarts ont un lien avec l'auteur (familial ou conjugal, notamment), sauf au cours des prises d'otages, où 57 pour cent des victimes ne connaissaient pas le preneur d'otage.

Un tiers des victimes ont subi des violences, et 13 pour cent de ces violences ont conduit à la mort de la victime. Au total, six personnes sont mortes sur ces 122 victimes.

Quand ont lieu ces situations de crise ?

En majorité, le mercredi en journée, et plutôt au mois de juillet. L'étude se garde d'interpréter ces statistiques. On remarque néanmoins que les jours les moins propices aux prises d'otages et autres situations de crise sont le samedi et le dimanche. Quant aux mois les moins touchés par ces situations il s'agit de mars, avril et mai.

Où les forcenés et preneurs d'otages se retranchent-ils ?

Très majoritairement, dans des lieux privés (90 pour cent). Mais, quand on regarde seulement les prises d'otages, elles se passent en majorité (57 pour cent) dans des espaces publics. Dans le cas où c'est un forcené qui se retranche seul ou avec d'autres personnes (pas considérées comme otages), le lieu est presque toujours privé.

La répartition de ces situations d'urgence sur le territoire français est très inégalitaire. Sur les 330 cas ayant nécessité une intervention d'unités spécialisées, 150 ont eu lieu dans trois régions : l'Île-de France, la Provence-Alpes-Côte d'Azur et le Rhône-Alpes (avec respectivement 55, 48 et 47 cas).

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Une fois que les unités d'élite sont sur place, quelles suites ?

Quand elles arrivent sur place, ces unités d'élite peuvent s'attendre à rester en moyenne 6 heures et 14 minutes. Dans moins de 10 pour cent des cas, le face-à-face durera plus de 10 heures. En moyenne, ce sont les prises d'otages qui durent le moins longtemps (64 pour cent d'entre elles durent moins de 6 heures).

L'intervention armée a lieu dans 59 pour cent des cas, mais seulement pour 42 pour cent des prises d'otages. « La négociation [est] une priorité, » précise le rapport, mais il ajoute que « pour 26 situations de crise il n'y a pas eu de tentatives de négociation (8 %), soit par choix (notamment pour préserver l'effet de surprise), soit par opportunité (avant la prise de contact, le forcené sort sans arme). »

Sur la totalité des 330 situations, les redditions après négociations ont lieu dans 31 pour cent des cas. En revanche, dans 9 pour cent des cas, le preneur d'otage ou le forcené tente de se suicider.

Dans six cas sur dix, l'auteur à l'origine de la situation de crise est armé. Quand il y a présence d'une arme, celle-ci est utilisée avant l'intervention dans 44 pour cent des cas et pendant l'intervention dans 25 pour cent des cas.

Une fois que les unités d'élite ont décidé d'intervenir, l'interpellation a lieu sans incident dans 82 pour cent des cas. Dans les 330 cas, un seul auteur a été mortellement touché au cours d'un assaut.

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter : @MatthieuJublin

Image via Ministère de l'Intérieur