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Culture

Les pubs de Méta création sont des œuvres d’art

Une pub animée virale ne fait pas l’unanimité, mais moi, je la trouve géniale.

Depuis hier, le web (du moins, ma bulle d'internet) s'enflamme pour des vidéos animées réalisées par la compagnie Méta création inc. Après le succès viral d'une pub en 3D pour l'Excelsior Hôtel Spa à Sainte-Adèle (qui a depuis été retirée des réseaux, à mon grand chagrin), le débat fait rage : s'agit-il d'un trolling élaboré ou bien de publicités sincères?

Méta création inc. pourrait très bien être une start-up nichée dans un loft du Mile End, le travail d'artistes branchés cherchant à faire un commentaire social sur l'artifice de la publicité moderne. En regardant les vidéos sur la page Facebook de l'entreprise, on s'imagine facilement de jeunes visionnaires au travail, s'attardant à donner une vibe plus « authentique » à leurs simili-Sims et se félicitant de leur brillance entre deux gorgées de kombucha.

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Certains (dont moi) ont louangé ce style innovant, qui rappelle cette célèbre chaîne d'actualités taiwanaise ou même le style de l'artiste Jon Rafman, étoile montante du internet art. D'autres internautes (clairement moins cultivés) ont critiqué la technique, qualifiant le travail de médiocre et allant jusqu'à donner un rating d'une étoile sur cinq à l'entreprise (mais pourquoi?). Peu importe votre parti pris, il faut admettre que l'annonce a été carrément efficace. En deux jours, la vidéo a recueilli plus de 270 000 visionnements, un exploit remarquable pour une compagnie suivie par seulement 533 personnes sur Facebook. Et en tant qu'internaute qui a l'habitude de laisser flotter son curseur au-dessus du bouton Skip Ad afin de cliquer dessus à la milliseconde où ça devient possible, j'admets que mes yeux sont restés rivés à l'écran pour chaque instant de la vidéo d'une minute et quart, et je connais maintenant par cœur le forfait sept soins du spa. Et ça, good or bad, c'est le genre d'engouement dont rêvent toutes les compagnies de pub. Mais bref, à qui doit-on ce génie?

En fait, Méta création inc. est l'entreprise familiale de Christine Archambault et Sylvain Lizotte, qui ne sont pas du tout des artistes désabusés, mais plutôt un couple des Laurentides qui n'avait aucunement l'intention de semer l'émoi sur internet. Je les ai joints au téléphone pour parler de viralité, de haters et du fait qu'on n'a pas besoin d'être un hipster urbain pour remettre en question les normes du monde de la pub.

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VICE : Premièrement, comment ça va?
Christine Archambault : Ben, on ne s'attendait pas à ça! [rires]

Vous êtes en affaires depuis combien de temps?
C.A. : Ça fait depuis 2010. On a commencé avec la conception de sites web, de logos, des publicités. Et là, ça fait à peu près un an qu'on a commencé à faire ce produit-là, des capsules vidéo en 3D.

D'où vient ce style, quelles sont vos inspirations?
Sylvain Lizotte : C'est un logiciel que j'ai vu sur internet, et j'ai vu qu'il y avait des possibilités. Je ne veux pas trop en parler parce que je ne veux pas que tout le monde commence à en faire. Mais en tweakant un peu, ça a donné ce look-là. Je m'amuse, je deviens cinéaste un peu là-dedans aussi. Il y a beaucoup de détails dans le 3D, c'est loin d'être banal! L'éclairage, les personnages, les lèvres qui doivent bouger quand ils parlent, les sourcils qui lèvent. Moi je les trouve beaux, mes vidéos. Dans deux ans, je vais peut-être dire : « Oh! Je ne ferais plus ça comme ça », mais il faut commencer quelque part.

Combien de temps ça vous prend, réaliser ces vidéos?
S.L. : Ça peut prendre de 40 à 60 heures.

C.A. : Il faut trouver le personnage, le concevoir, l'animer, lui donner une personnalité.

S.L. : Et à un prix raisonnable!

C.A. : À la base, on voulait aider les PME à se démarquer et à trouver un produit unique. Tout le monde a un site web, tout le monde veut être le meilleur, le plus beau sur les réseaux sociaux, donc on a dit : il faut trouver quelque chose de différent.

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Sylvain conçoit tout, il fait la voix, les personnages, on rencontre les compagnies et on regarde quels sont leurs besoins, s'ils ont une idée de quoi ils veulent parler, du produit, où ils veulent se démarquer et, à partir de là, on fait un concept.

Comment vous vendez ça au client?
S.L. : Le concept de base était de faire une pub, mais humoristique. Moi, j'aime l'humour, pis on sait que ce qui marche sur internet, ce sont les chats, les bébés pis l'humour. Je fais des farces et attrapes, c'est un peu mon portfolio.

C'est un produit pas cher, mais intéressant visuellement — même si là, il y en a qui me critique. C'est un domaine qui n'existe pas, on est les seuls au Canada à faire ça. Il n'y a personne d'autre qui s'est dit : « Moi, je vais faire de la pub en 3D. »

Vous faites ça comment?
S.L. : Le logiciel me permet une qualité qui est X-Y, mais, en même temps, ça fait ma signature, ça fait un style, ça fait un look. Que les gens aiment ou aiment pas, c'est propre à eux. Parmi ceux qui ont critiqué, il y avait des gens de grandes agences, des gens qui travaillent dans le cinéma!

C.A. : C'est sûr que nous, on n'est pas à ce niveau-là!

Justement, y a eu un peu de backlash , comment gérez-vous les critiques?
S.L. : Si je fais une sculpture chez moi et que je la mets sur mon site internet, pourquoi venir sur mon site la critiquer? S'ils ne l'aiment pas, qu'ils ne viennent pas! C'est mon YouTube, c'est mon Facebook, je n'ai rien demandé à personne. Si je veux faire des vidéos, je vais faire des vidéos. Je vais me perfectionner, je vais toujours être meilleur. Mais là, ce que certains suggéraient, c'était d'enlever la vidéo, et le client [Excelsior] nous a demandé de l'enlever.

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L'hôtel vous a demandé d'enlever la vidéo?
C.A. : Ouais, parce que les gens ont appelé le client directement. C'est assez ordinaire.

S.L. : Mais il va quand même bénéficier, car près de 300 000 personnes ont vu [la pub]. Sur 270 000, y en avait juste à peu près 200 qui ont critiqué, donc il y a un méchant paquet qui ont vu et qui ne l'ont pas critiquée. C'est un peu triste que les gens aient besoin de dénigrer quelqu'un ou un travail pour se sentir plus grands. Ça ne fait pas longtemps qu'on a commencé à vendre ça. On a une bonne réponse, sauf sur celle-là. En quelque part, elle est un succès par le simple fait qu'elle a été virale. Il y a 300 000 personnes qui ne savaient pas qu'on existait qui le savent maintenant. Et je reçois des demandes.

Quelles sortes de demandes?
C.A. : Les gens veulent des capsules, ils trouvent notre produit unique, c'est différent. [Depuis la vidéo virale,] il y a même des agences qui veulent se faire connaître qui communiquent avec nous. On en a beaucoup, on n'a pas le temps de tout répondre.

S.L. : Le but là-dedans, c'est de faire quelque chose de différent, de plaisant. Il n'y a pas de violence, c'est juste de l'harmonie pis du rire. Notre pub d'Isolabec, elle a un thème humour, le couple se taquine, c'est sympathique, et il passe un message bien informatif quand il dit qu'une maison bien isolée te fait sauver de l'électricité. La personne regarde ça et elle reste avec le message que je voulais passer.

Tout le monde est à la recherche de viralité, donc, forcément, il y en a plusieurs qui sont impressionnés par votre travail.
S.L. : Moi, comme artiste, je fais un style, et ce style-là, il a plu. C'est sûrement parce que, quand je le fais, j'aime ça. Je suis capable de voir que je peux m'améliorer. Je rends ça disponible à des gens qui n'auraient pas pu espérer se payer ça! On est une famille avec trois enfants, et nous, ce qu'on enseigne à nos enfants, c'est d'aimer ce qu'ils font dans la vie et ne pas se soucier de ce que les autres pensent. C'est la même chose pour moi.