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10 Questions

10 questions stupides que vous avez toujours voulu poser à un pilote

« Lors des vols longue distance, une cabine de repos est dédiée à l'équipage – ils y baisent très souvent. »

Certains les détestent, certains les adorent, tandis que d'autres n'y ont jamais mis les pieds : les avions en disent pas mal sur l'état des fractures sociales dans un pays, tant ils sont devenus anodins pour les mieux intégrés à la mondialisation, et demeurent mystérieux pour une large partie de la population – généralement peu audible dans les médias. Quoi qu'il en soit, pour ceux qui ont la « chance » de l'emprunter, l'avion est un lieu empli de rumeurs drolatiques et de fantasmes adolescents, quand il ne s'agit pas d'habitudes incompréhensibles, comme la traditionnelle standing-ovation lors de l'atterrissage. En ce qui concerne le cockpit, les rumeurs vont bon train : les pilotes seraient des fêtards assoiffés de sexe, des solitaires dépressifs ; les hôtesses des nymphomanes, et j'en passe.

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Manuel bosse dans une compagnie britannique, après avoir tenté sans succès de trouver un poste en Allemagne. Ce pilote voyage quotidiennement aux quatre coins de l'Europe, et a accepté de répondre à quelques questions un brin stupides.

VICE : Salut Manuel. Te contentes-tu d'activer le pilote automatique quand tu voles ?
Manuel : Je le mets peu après avoir décollé et je le désactive juste avant d'atterrir. D'une certaine manière, tu as raison : la quasi-intégralité du vol se déroule sous la conduite d'un pilote automatique, qui minimise les risques et pallie certains comportements inconsidérés des pilotes (comme accélérer à l'approche d'un aéroport, ce qui est très dangereux et a pour conséquence de gaspiller du carburant).

De plus, si vous prenez les commandes à haute altitude et que tout ce que vous avez à faire est de garder une même trajectoire, vous finissez par perdre un peu la tête. Après, le pilote automatique se contente de faire ce qu'on lui dit de faire, à savoir aller à une altitude et une vitesse précises, en suivant une direction tout aussi précise. Lors des long-courriers, je lis souvent des journaux ou des bouquins, ou je regarde les étoiles. Parfois, je consulte une tablette qui rassemble toutes les informations au sujet des différents aéroports dans le monde. Le PDF fait 20 000 pages, il y a donc de quoi faire.

Combien gagnes-tu ?
De 8 000 à 10 000 euros par mois, avant les impôts. Après, de nombreux pilotes sont extrêmement mal payés. Certains gagnent péniblement 1 200 balles par mois au cours de leurs premières années de carrière – une somme qui diminue sensiblement après avoir remboursé chaque mois les dettes contractées pour poursuivre leurs études et leur formation.

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Si vous souhaitez devenir pilote, il vous faudra dépenser beaucoup d'argent. J'ai dû débourser 115 000 euros en tout. Mes parents m'ont aidé, car je n'ai pas réussi à choper un crédit. En plus, au cours de mes trois premières années, je n'ai pas réussi à trouver du travail. Certains pilotes finissent par renoncer au début de leur carrière.

On dit parfois que de nombreux pilotes sont alcooliques. Est-ce vrai ?
Pas plus que dans d'autres professions. Évidemment, des histoires de pilotes bourrés, j'en connais un paquet. Il y a d'ailleurs un programme d'alcooliques anonymes spécifiquement dédié aux pilotes en Allemagne. De plus, les contrôles d'alcoolémie avant et après les vols sont généralement très stricts.

Peux-tu embarquer de la drogue à bord ?
Je n'ai jamais essayé, mais ça me semble difficile. L'équipage est encore plus fouillé que les passagers. Nous ne faisons pas la queue au contrôle de sécurité mais nous sommes tout de même surveillés et fouillés, avec parfois des règles plus strictes. Un exemple : si un passager peut transporter jusqu'à 430 euros de produits, le chiffre tombe à 70 euros pour l'équipage.

As-tu déjà été proche du crash ?
J'ai connu quelques difficultés, quelques pannes. Une fois, mon pilote automatique a cessé de fonctionner. Le pire s'est produit lors d'un atterrissage à Bristol, alors que j'étais copilote. La piste là-bas est hyper courte, et elle se termine par une forte pente. Il pleuvait, il y avait du vent, et le capitaine s'est planté au moment d'atterrir. On a flotté pendant très longtemps au-dessus de la piste, et j'ai dû prendre les commandes en urgence.

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Le capitaine était pétrifié, il n'arrivait plus à bouger. J'ai même dû déplacer sa main du manche. Après l'atterrissage, il s'est excusé. Les passagers n'ont eu aucune idée du danger qu'ils avaient encouru.

Avec combien de membres d'équipage as-tu couché ?
Je n'ai jamais fait l'amour dans un avion, et je n'ai jamais couché avec une hôtesse. Après, ce que l'on entend dire sur les hôtesses et les stewards est vrai. On entend tous les jours des histoires de coucheries. Lors des vols longue distance, une cabine de repos est dédiée à l'équipage – ils y baisent très souvent. J'ai même déjà entendu des histoires selon lesquelles un pilote niquait dans le cockpit.

L'uniforme plaît-il aux femmes ?
Je prends toujours soin de mon uniforme, et fais attention à ce que mon pantalon, ma chemise et ma cravate soient parfaitement repassés. Pourtant, une fois le travail terminé, je change de tenue tout de suite, afin de ne pas attirer l'attention. Un uniforme vous empêche de passer inaperçu.

Est-il grave de ne pas activer le mode « avion » lors d'un vol ?
Disons que si un seul passager laisse son téléphone en mode « normal », rien ne va se produire. En revanche, si tout le monde ne respecte pas les consignes, nos communications vont être perturbées. Ça peut même perturber les instruments de navigation – pas le GPS lui-même, mais les instruments censés remplacer un GPS en cas de problème.

Après le crash volontaire d'Andreas Lubitz, ton métier a-t-il changé ?
Je reste convaincu que la compagnie Lufthansa aurait dû être pointée du doigt bien plus violemment après ce drame. Elle connaissait l'état de santé du pilote. Lorsque vous tentez votre chance pour un poste de pilote, l'analyse psychologique est l'entretien le plus important. Il a été embauché malgré sa dépression. La compagnie ne s'est jamais excusée, c'est honteux.

Est-il difficile d'être responsable de la vie de centaines de personnes ?
C'est une immense responsabilité, oui. L'équipage et les gens au sol doivent vous obéir au doigt et à l'œil pour la sécurité des passagers. À la fin de la journée, ça fait parfois du bien de se dire que tout s'est bien passé.