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VICE News

Vin de tigre et défenses d'éléphant, le marché illégal des espèces protégées de Mong La

Des écologistes ont trouvé un marché florissant d'espèces protégées, dont la panthère nébuleuse et le chat de Temminck à la frontière entre la Birmanie et la Chine.

Le commerce illégal de tigres et de léopards a augmenté le long de la frontière sino-birmane ces 16 dernières années, alors qu'il a diminué à la frontière thaïlandaise, d'après une étude du journal Biological Conservation.

De nombreux animaux emblématiques protégés mais recherchés vivent en Birmanie, ce qui attire les braconniers, a expliqué à VICE News Heather Sohl, qui travaille pour un fond de protection des espèces sauvages basé au Royaume-Uni.

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« Par son emplacement géographique, la Birmanie est un axe de transit pour les produits de contrebande, » explique Heather Sohl, qui n'a pas participé à l'étude de Biological Conservation.

« C'est pour cela qu'il faut que la Birmanie et son gouvernement envisagent de véritablement fermer ces routes. »

Il n'y a plus qu'environ 3 000 tigres dans le monde, ce qui fait peu comparé aux 100 000 qui promenaient dans les jungles, les marais et les savanes d'Asie vers la fin du XIXe siècle. On ne trouve plus que 35 tigres en Birmanie. La situation des autres félins, comme la panthère nébuleuse et le chat de Temminck est plus désespérée mais moins connue que celle du tigre.

Les animaux sauvages — entiers ou partie de leurs membres — sont recherchés pour leur valeur symbolique, pour la médecine traditionnelle, ou encore pour leur effet aphrodisiaque. Malgré l'interdiction internationale de les vendre, les grands mammifères, comme les rhinocéros, les éléphants et les grands félins sont de plus en plus en voie d'extinction.

La Birmanie a fait passer des réformes démocratiques ces dernières années, gage d'ouverture sur le monde. Les écologistes craignent qu'en étant moins isolé, le pays fasse l'objet d'une exploitation accrue de son écosystème.

Au cours de 19 visites sur les marchés à la frontière birmane, les chercheurs ont compté plus de 2 000 membres d'animaux sauvages à vendre, provenant de 1 669 bêtes différentes. La panthère nébuleuse est l'espèce la plus répandue sur ces marchés, on en a compté près de 500. Les scientifiques ne sont pas sûrs du nombre de panthères nébuleuses qui vivent en Birmanie, mais l'International Union for the Conservation of Nature les classe comme espèce vulnérable — la classification qui vient juste avant celle des espèces en danger. Il y a respectivement 458 et 135 chat-léopards et les chats de Temminck qui vivent en Birmanie.

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« Je pense que les chiffres que l'on observe sur ces marchés sont suffisamment importants pour être problématiques, » a déclaré à VICE News Vincent Nijman, l'un des auteurs de l'étude, professeur de biologie et d'anthropologie à l'université Brookes d'Oxford.

Cette étude est inhabituelle : en général, les informations sur la contrebande d'espèces sauvage viennent de saisies de membres d'animaux. Peu de chercheurs s'aventurent sur les marchés pour compter ce qui est à vendre.

« Il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde où vous pouvez vous promener et voir 10 peaux de tigre et 30 défenses, et à peu près toutes les espèces d'animaux que vous trouvez dans votre encyclopédie animalière, » dit-il.

Les chercheurs ont mené leur enquête sur deux des plus gros marchés frontaliers de la Birmanie : Mong La, à la frontière chinoise, et Tachilek, à la frontière avec la Thaïlande. Le marché d'espèces sauvages dans ces deux villes a pris des trajectoires différentes.

En 2006, on trouvait six marchés d'espèces sauvages à Mong La ; cette année, il y en avait 21. Pour Tachilek, c'est une autre histoire. Le nombre de marchés a baissé de 35 en 1998 à seulement 6 en 2013.

D'après Nijman, l'origine de ce phénomène pourrait avoir des facteurs économiques qui dépassent le marché d'espèces sauvages. On trouve plein de casinos et de prostituées à Mong La, explique-t-il.

« Vous allez jouer, et une fois que vous avez gagné, vous faites la fête avec des filles. Et, tant que vous êtes là, vous achetez ou vous consommez des espèces sauvages. Il y a sans doute une demi-douzaine de magasins qui ont de très grands réservoirs de vin de tigre. »

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Le vin de tigre est une boisson alcoolisée qui contient du ginseng, des herbes, et des os de tigre. Les os de tigre sont recherchés dans la médecine traditionnelle chinoise parce qu'on pense qu'ils soignent les maladies, de l'arthrite au manque de libido.

D'après Nijman, Mong La pourrait être le plus grand marché illégal dans ce domaine en Asie. Plus tôt cette année, moins d'une semaine après que le gouvernement chinois ne détruise six tonnes d'ivoire, Nijman et TRAFFIC, le réseau de surveillance du commerce de la faune et de flore sauvages, y ont trouvé 3300 pièces d'ivoire et près de 50 défenses d'ivoire d'éléphants à vendre.

À Tachilek, des magasins qui autrefois vendaient de l'ivoire vendent à présent des téléphones portables. Les chercheurs pensent que ce changement pourrait être dû à une application de la loi Thaïlandaise plus stricte.

Dans les deux villes, ils ont été témoins d'une absence totale de contrôle de la part des responsables birmans.

La Chine, la Thaïlande et la Birmanie font partie de CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction.

« Si tous les gouvernements qui ont signé cette convention respectaient leurs engagements, nous n'aurions pas cette conversation à présent, » a déclaré Sohl.

WWF pousse pour que CITES soit mieux appliqué. Il est aussi important, a déclaré Sohl, de travailler à réduire la demande de pays qui achètent des espèces sauvages.

« Cette contrebande d'espèces sauvages a atteint des proportions jamais observées, » a déclaré Sohl à VICE News. « C'est vrai que nous faisons face à des niveaux de braconnage sans précédent. Nous observons des effets dévastateurs. En même temps, je n'ai jamais observé un tel niveau d'attention et de lutte politique contre le commerce illégal d'espèces sauvages. »

Suivez Sarah Jane Keller sur Twitter : @sjanekeller