Comment un club de lutte est devenu ma nouvelle maison
Toutes les photos sont de Nicolas Schwaiger

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Nos Nouveaux Voisins

Comment un club de lutte est devenu ma nouvelle maison

Je m'entends bien avec tout le monde, même si on ne parle pas tous la même langue : il y a des Russes, des Arabes, des Polonais et des Allemands.

Cet article fait partie de la série « Nos Nouveaux Voisins », pour laquelle des jeunes réfugiés de toute l'Europe ont écrit sur les sujets qui leur tenaient à cœur. Cliquez ici pour en savoir plus.

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Mustafa a 22 ans et est originaire de Damas, en Syrie. Arrivé à Berlin il y a un an, il vit désormais dans une résidence pour réfugiés.

J'ai commencé la lutte il y a quatre mois. Je n'en avais jamais fait en Syrie, même si je m'étais déjà bagarré quelques fois avec mon frère, mes cousins ou mes amis (mais avec moins de règles, et plus de coups bas). Abdul, un ami qui vit dans la même résidence que moi à Berlin, m'a fait découvrir son club de lutte.

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En ce moment, on y fait de la lutte ensemble trois fois par semaine. Je m'entends bien avec tout le monde, même si on ne parle pas tous la même langue : il y a des Russes, des Arabes, des Polonais et des Allemands. On ne se parle pas beaucoup, mais je pense qu'on peut dire qu'on communique par nos gestes et qu'on est tous devenus de très bons amis grâce à ça. Saleh, un ami qui parle mieux allemand que moi, était ravi de traduire cet article de l'arabe à l'allemand pour moi.

Mustafa (à droite) et Saleh pendant leur entraînement. Photos de Nicolas Schwaiger, qui a suivi les lutteurs du club Weddinger Löwen pendant trois mois.

J'ai adoré la lutte dès le premier entraînement. Parfois, ça me frustre quand quelqu'un est plus fort que moi ou quand je n'arrive pas à faire une prise. Mais quand ça arrive, mon entraîneur va prendre le temps de me montrer l'enchaînement à nouveau et va me dire de recommencer, mais plus doucement. Il sait comment me motiver et m'encourager quand je bloque. La lutte demande beaucoup d'énergie. J'ai l'habitude de travailler mon endurance parce que je joue au football, mais après le premier entraînement de lutte, j'étais épuisé. Mais j'adore ça, ça vous rend plus fort et plus courageux que n'importe quel autre sport. Le football est devenu un hobby plutôt qu'un vrai sport, pour moi.

Mes journées commencent à 9h du matin. J'ai des cours de langue jusqu'à 13h, puis un cours d'intégration jusqu'à 14h. Pendant ce cours, j'apprends beaucoup de choses sur la culture et les coutumes allemandes. On a déjà effectué deux sorties scolaires : on a visité le Centre de Protection de l'Environnement et le musée égyptien. Je vais aussi à la mosquée une fois par semaine. À part ça, je ne sors pas beaucoup ; en général je rentre à la résidence après les cours, et je cuisine. Les jours où j'ai entraînement de lutte, je me prépare un repas copieux : principalement des patates et du poulet. J'ai appris à cuisiner des plats arabes à l'école, en Syrie, et je crois que je suis devenu assez doué.

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L'entraînement dure de 20h à 21h30. Après, je rentre chez moi complètement épuisé mais en général je reste debout jusqu'à 1h du matin à parler au téléphone. J'appelle essentiellement mes frères et sœurs, et on discute sur Facebook ou WhatsApp. Mes parents sont décédés en Syrie, mais mon frère et mes sœurs habitent toujours là-bas.

En ce moment j'essaye de trouver du travail, mais je n'aimerais pas que ça interfère avec mon entraînement. Je veux continuer à m'améliorer, et participer à autant de championnats que possible, dès que je serai prêt. Je sais qu'il me reste beaucoup de chemin à parcourir ; mon entraîneur dit que je pourrai peut-être participer à un premier tournoi amical en mai.

D'ici là, je vais continuer à m'entraîner. Je suis ponctuel, je serre toujours la main de tout le monde et je prends le temps d'échanger quelques mots avec mes coéquipiers avant le début des matchs. On met les tapis en place et on les range tous ensemble. Le club a beaucoup d'importance pour moi, et je suis reconnaissant d'en faire partie.

Pour signer la pétition de l'UNHCR qui vise à assurer la sécurité des réfugiés, cliquez ici.

Le club de lutte de Mustafa, The Weddinger Löwen (Les Lions de Mariage) existe grâce à l'abonnement de 10€ par mois que paient ses membres. Ils récoltent donc environ 200€ par mois, ce qui est bien moins que le prix d'un tapis de lutte. « On a beaucoup moins d'argent que les autres clubs, mais nos gars remportent plus de tournois malgré tout », explique Tolga, le délégué volontaire à la jeunesse. « Ils s'entraînent dur. Notre but, c'est d'atteindre les championnats nationaux. » Si vous souhaitez leur venir en aide, vous pouvez faire un don de 5€ sur le compte de The Weddinger Löwen – IBAN : DE23 1001 0010 0095 7241 03 / BIC : PBNKDEFF