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Incendie criminel visant un musulman : pourquoi la droite identitaire crie au complot

« Si ça s'trouve c'est peut-être lui qui l'a, ou fait flambée!! », a écrit Rambo sur Facebook.
Jacques Boissinot / PC

Il n'y a pas que l'aspirant premier ministre Bernard « Rambo » Gauthier qui voit un coup monté dans l'incendie criminel qui a ravagé la voiture du président du Centre culturel islamique de Québec dans la nuit du 6 août dernier.

Des dizaines de gens sur des pages d'extrême droite, dont Pediga Québec et la Fédération des Québécois de souche, y sont allés d'accusations en tous genres, soupçonnant la communauté musulmane d'avoir orchestré le coup pour obtenir en retour de la sympathie, ou accusant le propriétaire de vouloir toucher l'argent des assurances.

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Ces doutes sont également colportés par le porte-parole de La Meute Saguenay, Éric Proulx.

Le phénomène facilement observable sur les réseaux sociaux ne surprend pas le codirecteur de l'Observatoire sur la radicalisation et l'extrémisme violent, Stéphane Leman-Langlois, qui explique que l'extrême droite se lance dans les théories du complot dès qu'une information vient contredire leur idée préconçue selon laquelle ce sont les musulmans, les méchants.

« Quand il y a eu l'attaque à la mosquée de Québec, c'était un peu la même chose. Au début on disait "Non, non, ils se sont attaqués eux autres même", se souvient-il. Pierre Bruneau avait dit c'est du "terrorisme à l'envers", tellement le terrorisme, c'est supposé être les musulmans qui attaquent, que quand c'est les musulmans qui se font attaquer, il y a quelque chose qui cloche, ça se peut pas. »

Cette tendance s'inscrit dans un courant beaucoup plus large, où il y a toute une industrie du complot qui foisonne sur internet, mais l'extrême droite « est rentrée là-dedans à toute vitesse ».

« Ils ont cultivé depuis très longtemps une réalité alternative, dans laquelle les médias participent à l'espèce d'énorme arnaque, qui construit une réalité qui est multiculturelle, néolibérale, déconnectée du peuple qu'ils disent représenter. Tout ce qu'ils voient dans les médias est nécessairement suspect », expose Stéphane Leman-Langlois, également professeur en sciences sociales à l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en surveillance et construction sociale du risque.

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Un climat favorable

Le professeur juge que ce type de discours a une emprise sur le public québécois, « même à l'extérieur des ultra-crinqués de l'extrême droite », parce qu'on assiste à une certaine démocratisation des discours islamophobe et xénophobe.

Il pointe du doigt plusieurs éléments qui ont modifié le climat au Québec, outre l'extrême droite. Il juge aussi que certains partis politiques ont contribué à positionner « les musulmans comme une population suspecte, à laquelle il ne faut pas faire confiance ». Il ajoute – sans lui attribuer tous les maux – que la radio de Québec aussi « va colporter cette idée que le musulman est douteux ou qu'il n'est pas compatible avec la démocratie, avec les valeurs québécoises ».

Et qu'en raison de tout cela, les Québécois seraient plus facilement prêts à accepter des déclarations comme : « C'est lui qui a mis le feu sans sa bagnole pour se faire passer pour une victime », observe-t-il.

Il voit également d'un mauvais œil le fait que des groupes comme La Meute nettoient leur image et présentent un discours pro-identité québécoise et anti-extrémistes dans l'espace médiatique, tandis que ce qui se passe derrière le rideau, « c'est carrément anti-islam et anti-musulman ».

Que faire pour contrer les théories du complot dans l'espace médiatique, dans ce cas? « My God, je sais pas », lâche le professeur d'un ton mi-amusé, mi-découragé. « Surtout qu'on est dans l'ère Trump, où il y a un gouvernement entier de l'autre bord de la frontière qui entretient la méfiance envers les médias. »

« Je vois pas beaucoup de lumière au bout du tunnel, avoue-t-il. Et quand j'en vois, j'ai surtout l'impression que c'est le train qui s'en vient. »