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Santé

Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de vaccin contre le VIH?

Premièrement, parce que le VIH ne joue pas selon les règles.

Depuis aussi longtemps que l'on sait que le VIH est le virus responsable du sida, des chercheurs tentent de fabriquer un vaccin pour le contrer. S'ils y arrivaient, ce serait sans doute l'un des plus grands exploits de la médecine moderne, compte tenu de l'ampleur de cette épidémie. En 2016, environ 37 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH; depuis les années 80, environ 70 millions de personnes l'ont contracté, selon l'Organisation mondiale de la santé.

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Si l'on note une diminution du nombre de personnes séropositives aux États-Unis, par exemple, d'autres pays restent durement touchés. Dans les pays d'Afrique subsaharienne, notamment, le virus continue de faire des ravages. Dans la région, environ un adulte sur 25 vit avec le VIH et ensemble ils représentent 66 % des personnes infectées à l'échelle mondiale. Si un vaccin existait, on pourrait empêcher le VIH de causer plus de décès.

Mais ce n'est pas simple. Le VIH ne joue pas selon les règles. La version courte de l'explication du fonctionnement d'un vaccin va comme suit : on inocule un virus grandement affaibli ou mort dans l'organisme, ce qui le pousse à agir comme s'il subissait une véritable attaque; en réaction, il envoie une légion de « soldats », des cellules B qui produisent des anticorps pour neutraliser le pathogène et des cellules T qui éliminent les cellules infectées et recrutent d'autres cellules immunitaires pour combattre l'infection. Quand l'infection est vaincue, l'organisme dispose d'une grande armée de cellules B et T, qui savent désormais combattre le pathogène et peuvent se mobiliser rapidement pour contrer une véritable infection.

La stratégie a fait ses preuves — sauf en ce qui concerne le VIH. Un chercheur l'a comparé à Jason Bourne : « Dès que vous pensez que vous avez mis la main sur Bourne, il change d'apparence. Le VIH fait la même chose », dit Harris Goldstein, le directeur du centre de recherche sur le sida Einstein-Rockefeller-CUNY à New York. « Le VIH change constamment de structure, rendant le plan en cas d'attaque inefficace, car la réponse immunitaire était dirigée vers une structure que le virus n'a plus après sa mutation. Le système immunitaire a affaire à un "nouveau" virus contre lequel il n'a aucune expérience. »

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Ce n'est pas tout. Ce virus est aussi furtif. « Le VIH s'intègre dans le génome de la cellule et peut s'y cacher indéfiniment, jusqu'à ce qu'il s'active de nouveau », explique Anthony S. Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, aux États-Unis. « Avec la grippe ou la polio, vous êtes infecté, le virus se réplique, et votre réponse immunitaire peut le chasser. Mais avec le VIH, dès que le virus commence à se répliquer, il se rend dans un réservoir de latence à l'abri du système immunitaire. Le système immunitaire ne peut pas le voir, et peut encore moins l'éliminer. »

De plus, l'organisme ne semble pas savoir comment bien réagir au VIH. Il revient donc aux chercheurs de trouver comment le combattre. « Si quelques personnes arrivaient à se défaire du virus, nous pourrions les examiner pour voir quelle a été leur réponse immunitaire, et ensuite concevoir un vaccin pour provoquer la même réponse, dit M. Fauci. Mais, à notre grand désarroi, l'organisme n'a pas de réponse immunitaire adéquate, ce qui crée un phénomène incroyable, mais réel : personne ou presque n'a éliminé le VIH de son organisme. Alors nous, les virologues, nous avons un problème : nous devons trouver une façon de provoquer une réponse immunitaire que même les infections naturelles n'arrivent pas à provoquer. C'est la principale raison pour laquelle nous avons tant de mal. »

En raison de la nature complexe et en constant changement du virus, des centaines d'essais cliniques n'ont pas permis de trouver une solution. Un seul vaccin, celui de l'essai RV 144 mené par le US Military HIV Research Program et le ministère de la Santé thaïlandais, a été d'une certaine efficacité pour prémunir les humains contre le VIH. Cependant, il ne réduisait le risque d'infection que de 31 %, ce qui est inférieur à la cible que se sont donnée les chercheurs, soit 50 %. Il y a une décennie, Merk a aussi frappé un mur avec son vaccin : la compagnie pharmaceutique a dû annuler deux essais cliniques d'un vaccin expérimental, car il haussait le taux d'infection par le VIH.

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En dépit des échecs, la communauté scientifique ne baisse pas les bras. Un vaccin prometteur appelé SAV001 passera aux essais cliniques de phase 2 (il y a en tout trois phases) l'automne prochain. Le vaccin utilise un virus entier tué, une approche similaire à celle utilisée pour les vaccins contre la polio et l'hépatite A. « Nous utilisons des produits chimiques et des radiations pour tuer le virus et son génome », explique le Dr Chil-Yong Kang de l'Université de Western Ontario. « Mais les protéines de la structure du VIH restent intactes, ce qui permet à l'organisme de fabriquer des anticorps contre elles. » Les chercheurs avaient hésité à utiliser l'approche par virus entier tué dans le cas du VIH car, si l'on ne le tue pas complètement, on risque d'infecter des gens.

Cependant, le Dr Kang est parvenu à montrer que le vaccin SAV001 était inoffensif après l'avoir testé sur 33 participants séropositifs. De plus, des anticorps contre le virus ont été produits. « Le SAV001 a provoqué une réponse immunitaire neutralisante non seulement contre le virus de sous-type B, mais aussi contre ceux des sous-types D et A, même s'il est basé sur le sous-type B », ajoute-t-il. C'est important, car il pourrait donc ne pas être nécessaire de fabriquer autant de vaccins différents qu'il y a de sous-types du VIH.

Le mois dernier, d'autres chercheurs ont fait une annonce encore plus encourageante à la conférence de l'International AIDS Society à Paris. Ils ont présenté les résultats d'essais du vaccin à mosaïque Ad26, conçu pour s'attaquer au problème de la diversité génétique du VIH. Le vaccin mosaïque contient trois ou quatre séquences du VIH générées par ordinateur qui représentent les multiples souches en circulation. L'objectif est d'arriver à enseigner à l'organisme des réponses diverses en sorte que le système immunitaire puisse contrer plusieurs souches, et non pas une seule.

« Ce vaccin a haussé les réponses immunitaires chez 393 humains de façon semblable à ce que l'on a observé chez les animaux, et il y a eu des réponses immunitaires chez 100 % des receveurs », dit Dan Barouch, l'un des principaux chercheurs qui travaillent sur ce vaccin et le directeur du Center for Virology and Vaccine Research au Beth Israel Deaconess Medical Center à Boston. « Ce ne sera que le cinquième vaccin contre le VIH à passer aux essais d'efficacité en plus de 35 ans depuis l'éclosion de l'épidémie de VIH. »

Quant au National Institutes of Health, ses chercheurs présentent une nouvelle version du vaccin RV144, le HVTN 702, qui sera testé sur 5400 hommes et femmes en Afrique du Sud, où l'on estime que 19 % des adultes âgés de 15 à 49 ans sont séropositifs.

Toutefois, ce qu'on veut savoir, c'est quand un vaccin contre le VIH sera disponible. Comme on s'y attend des scientifiques, ils hésitent à faire des prédictions. Le Dr Kang dit que, si tout va pour le mieux et si son vaccin passe avec succès chacune des phases des essais cliniques, ce pourrait être dans dix ans. M. Fauci, lui, est encore plus prudent. « Même si on ne sait pas si c'est possible, ça ne veut pas dire que c'est impossible. C'est ça, la science. On essaie de faire avancer la science pour que ce soit possible. »

Bien qu'un verdict d'impossibilité plane au-dessus de leur tête, Harris Goldstein non plus ne se laisse pas démonter. « En fin de compte, le VIH a donné une leçon d'humilité à tout le monde, car ce qui selon nous ne marchera pas marche, et ce qui selon nous marchera ne marche pas », dit-il. « Chaque prétendu échec est une occasion d'apprendre comment fabriquer un meilleur vaccin. » Tout ce que la communauté scientifique peut faire pour l'instant, c'est continuer d'expérimenter, et un jour un vaccin meilleur que le précédent sera le bon.