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Faut-il faire cryogéniser son chat ?

En tant que transhumaniste, je n'ai pas su quoi faire quand mon chat Ollie est mort.
Ollie. Photo: Zoltan Istvan

Récemment, j'ai pris une décision très difficile : j'ai fait euthanasier mon chat, Ollie, que j'avais adopté il y a 13 ans alors qu'il traînait dans les rues.

Ollie n'avait presque rien bu ni mangé au cours des cinq jours précédents, et il était en train de mourir lentement d'une insuffisance rénale. Le vétérinaire m'a dit qu'Ollie n'avait plus que 24 heures à vivre et m'a conseillé de l'euthanasier, afin qu'il ne meure pas en s'étouffant ou en souffrant terriblement quand ses autres organes lâcheraient un à un. La mort dans l'âme, j'ai accepté.

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L'euthanasie d'un animal de compagnie consiste généralement à lui administrer un sédatif puissant contenant une grosse quantité de morphine qui endort l'animal, avant de lui injecter un produit qui stoppe les battements de son cœur. Ollie a été euthanasié sur son canapé préféré, chez moi. Même si le processus sembla indolore et rapide, ce fut terriblement douloureux pour ma famille et moi.

Les 25 prochaines années risquent bien de mettre fin à nos relations actuelles avec les animaux de compagnie

Quelques jours après sa mort, plusieurs amis transhumanistes m'ont consolé et m'ont parlé de la manière dont ils avaient eux-mêmes fait face au décès de leurs propres animaux. En tant qu'ardent défenseur de la prolongation de la vie, je connais plutôt bien tout ce qui touche à la mort humaine (et aux moyens de l'éviter). Mais les animaux, c'est une autre histoire.

Il s'avère que de nombreux transhumanistes ont déjà réfléchi à cette question, et certains ont déjà cryogénisé leurs compagnons – dans l'espoir de pouvoir les ramener un jour à la vie, lorsque nous aurons développé la technologie nécessaire. Le Cryonics Institute du Michigan héberge déjà quelque 120 animaux congelés.

Mon amie Christine Gaspar, infirmière et convaincue depuis longtemps par la cryogénie, fait partie de ceux qui ont fait ce choix. Elle a fait cryogéniser son chat au Cryonics Institute, ce qui lui a coûté 5.700$ (environ 5000€).

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J'ai beaucoup hésité à faire de même avec Ollie, mais j'ai finalement décidé de ne pas le faire, pour des raisons diverses. J'espère ne pas le regretter plus tard, quand la technologie aura progressé.

D'abord, je m'y suis pris un peu tard. Ollie était déjà mort depuis 24 heures quand j'ai commencé à envisager de le cryogéniser, et le processus a nettement plus de chances de fonctionner si l'on s'y prend dans les toutes premières heures suivant le décès – en particulier pour préserver le cerveau et la mémoire. Comme pour les humains, donc. Par ailleurs, 5.700$, c'est une somme ; à laquelle il faut en plus ajouter des frais de maintenance annuels. Et puis mes enfants rêvent déjà d'avoir un nouvel animal. Mes parents en ont eu sept différents au cours de leur vie, et ils n'ont pas l'air malheureux.

Ollie. Photo: Zoltan Istvan

Ceci dit, j'ai tout de même envisagé d'autres méthodes de préservation moins coûteuses, dans lesquelles l'animal est préservé dans un récipient contenant du formol, du glutaraldéhyde, ou une autre solution du même type. Il est alors possible de le conserver dans son garage. Grâce à cette procédure, les tissus, les os et les organes de l'animal peuvent être maintenus en bon état en attendant le jour où il sera possible de le ramener à la vie. Après tout, certains font bien empailler leurs animaux pour les conserver chez eux, alors que d'autres les lyophilisent.

Au final, j'ai renoncé à toutes ces options, et j'ai opté pour un enterrement classique. Ollie a donc été enterré dans mon jardin, sous les yeux embués de ma femme et de mes filles.

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La vérité, c'est que je pense fusionner avec une forme d'intelligence artificielle d'ici 30 ou 40 ans – peu avant d'entrer dans la Singularité – et l'idée d'aimer un chat éternellement me semble donc peu évidente.

Je me suis également demandé si dans le futur, nous serions capables – voire obligés – de rendre nos animaux de compagnie hyper intelligents grâce à des implants crâniens et à la génétique. L'animal, à la manière de l'homme adulte, deviendrait alors assez intelligent pour prendre ses propres décisions. Et si Ollie n'avait pas du tout envie de vivre plus longtemps ? Ou d'être si intelligent ? S'il n'avait aucune intention d'être mon animal ? La pensée transhumaniste nous paraît parfois bien étrange, mais c'est le genre de questions auxquelles nous serons sans doute confrontés dans les décennies à venir.

La mort d'Ollie m'a poussé à m'intéresser à la technologie et à la science que nous allons imposer aux créatures que nous aimons. À vrai dire, l'industrie des animaux de compagnie fourmille de projets transhumanistes – ou plutôt, transanimalistes. La plupart de ces projets n'ont rien à voir avec la mort, et visent plutôt à donner aux animaux une vie meilleure pour que les humains en profitent davantage.

On note tout d'abord l'émergence d'une véritable industrie de vêtements connectés pour animaux, et la compétition fait rage entre start-ups dans ce domaine. À l'heure actuelle, ceux qui marchent le mieux sont des appareils de type Fitbit, qui informent en

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permanence le propriétaire d'un chien sur la localisation et la santé de son compagnon.

Bien sûr, cela fait déjà longtemps que l'on implante des puces sur les chiens pour les retrouver, ce qui a d'ailleurs poussé les humains à faire de même – j'ai moi-même une puce implantée dans la main. Mais ce n'est pas tout. Il existe des appareils comme TailTalk, ou comme le collier KYON, qui vous tiennent soi-disant informé de l'humeur de votre animal. Certaines entreprises ont même lancé des projets pour tenter de lire directement les ondes cérébrales des animaux, afin que vous puissiez un jour discuter de l'allégorie de la caverne de Platon avec votre chat. Ou de Garfield.

Tout cela est assez cool, mais notre vision des animaux de compagnie est sur le point d'être bouleversée. La modification génétique grâce à CRISPR existe déjà, et l'idée de fabriquer des dinosaures de compagnie n'est plus vraiment un rêve. D'ailleurs, la MIT Technology Review rapporte que des scientifiques Chinois ont déjà créé des « animaux sur mesure ».

Il est possible que dans quelques années nous soyons en mesure de créer de nouvelles créatures porteuses de tous les traits les plus désirables d'un animal. Des chiens autonettoyants. Des chats hyper câlins. Des oiseaux capables de chanter nos morceaux préférés. Pourquoi ne pas les combiner ? Pourquoi ne pas ajouter quelques gènes de reptile, pour voir ce que ça fait ? Tant qu'à faire, pourquoi ne pas créer des mini-brontosaures ?

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La fille de l'auteur, âgée de 20 mois, avec Ollie peu après son euthanasie. Photo: Zoltan Istvan

Mais certains de nos animaux de compagnie du futur ne seront même pas réels ; ils seront créés par la mystérieuse start-up Magic Leap, grâce à des capteurs installés dans votre plafond qui créeront un hologramme d'animal avec lequel vous pourrez interagir. Pourquoi ne pas avoir un tyrannosaure de 3 mètres de haut pour faire fuir d'éventuels cambrioleurs ? Ou un anaconda de 10 mètres de long ? Ou une meutre de loups ? Notez que vous pourrez même programmer les loups pour qu'ils lisent Les trois petits cochons à tour de rôle à vos enfants.

Toutefois, le futur des animaux transhumanistes n'est ni holographique, ni biologique. Il existe déjà un vaste marché de chiens robotiques. Des dizaines d'entreprises proposent des robots-chiens. Certaines de ces machines sont conçues pour être de véritables chiens de garde, et garantissent votre sécurité grâce à des détecteurs de mouvements et des logiciels ultra-perfectionnés. Bientôt, certaines seront équipées de Skype, afin que vous puissiez voir ce qu'il se passe à l'intérieur de votre maison grâce aux caméras situées dans leurs yeux. D'autres chiens robotiques seront équipés de détecteurs de fumée, ou seront capables de repérer une araignée venimeuse se promenant près du berceau d'un bébé.

D'ici cinq ans à peine, les chiens robots seront probablement tellement sophistiqués qu'ils emmèneront nos enfants à l'école, porteront nos courses jusqu'à notre voiture, et seront sans doute même capables de voler. Nous les programmerons pour qu'ils attrapent les rats mais ne se battent pas avec le chat du voisin. Il n'y aura pas besoin de les nourrir, ils sauront se recharger eux-mêmes, et nous n'aurons plus jamais à ramasser leurs crottes. Et bien sûr, ils nous battront aux échecs.

Certains de ces robots ont même de la fourrure. Dans le futur, nous pouvons nous attendre à avoir des robots de compagnie dotés d'une fourrure propre et agréable au toucher, qui sente bon, et qui ressemble à celle d'un véritable animal. Les corps de ces robots seront doux et émettront de la chaleur pour vous tenir chaud quand ils dormiront avec vous la nuit.

De la même manière que la technologie bouleverse déjà de nombreux aspects de nos vies, le rôle des animaux de compagnie va également beaucoup évoluer. La domestication des animaux s'est faite au cours de plusieurs millénaires, mais les 25 prochaines années risquent bien de mettre fin à nos relations actuelles avec les animaux de compagnie. Même si je regrette parfois de ne pas avoir cryogénisé mon chat, je pense qu'Ollie aurait été un peu perdu s'il s'était réveillé dans un monde où évoluent des chiens-robots joueurs d'échecs, des loups holographiques, et des mini-tyrannosaures se promenant dans le jardin.