FYI.

This story is over 5 years old.

Nouvelles

Faut qu’on se parle; faut qu’on se bouge

Constat du roadtrip de deux mois: les Québécois se soucient énormément du système d'éducation.
Toutes les photos : Facebook, Faut qu'on s'parle

Jeudi soir prenait fin la tournée Faut qu'on se parle, une initiative non partisane au cours de laquelle neuf intervenants ont sillonné le Québec pour trouver des solutions à 10 enjeux de société. Parmi eux, on compte notamment le militant Gabriel Nadeau-Dubois, la militante crie Maïté Labrecque-Saganash, l'économiste et ancien chef d'Option Nationale Jean-Martin Aussant et l'essayiste et militante féministe Aurélie Lanctôt.

Publicité

Après des centaines d'heures de discussion, 174 assemblées de cuisines et neuf autres consultations publiques, l'équipe faisait le 8 décembre un dernier arrêt dans la métropole.

Constat du roadtrip de deux mois: les Québécois se soucient énormément du système d'éducation. « On pensait que les gens nous parleraient d'éducation, d'économie et de santé. Les gens ont parlé de ces sujets-là, mais l'éducation a été une constante, a indiqué l'agronome et ancienne présidente de Solidarité rurale, Claire Bolduc, quelques minutes avant le début de l'assemblée. Si on veut vraiment édifier une société, l'éducation c'est fondamental. Et les gens l'ont rappelé de toutes les manières. »

De son côté, l'écologiste et directeur de la Fondation David Suzuki au Québec, Karel Mayrand, remarque que les Québécois ont l'impression que le pouvoir politique leur échappe complètement. « On les consulte toujours, mais à la fin, les décisions qui sont prises sont prises de plus en plus loin d'eux, a-t-il soulevé. Mais en même temps ils n'ont pas abandonné. Ils ont encore la soif de faire quelque chose collectivement. »

Il nomme également l'environnement au chapitre des préoccupations les plus communes aux participants de FQSP.

Cette salle blanche

Si les animateurs des discussions assurent avoir rencontré toutes sortes de personnes, toutes origines, confessions, professions, allégeances politiques et idéologies confondues, il reste qu'hier, la salle était presque aussi blanche que la neige qui tempêtait au dehors.

Publicité

L'activiste noir Will Prosper s'est d'ailleurs indigné de cette situation. « Je fais partie des gens qui font plus de 50% de la diversité sur cette île, mais pourtant, nous ne sommes pas ici. Est-ce à dire que la publicité du 375e anniversaire de Montréal avait raison? »

Il a critiqué un manque de diversité dans les propositions et thématiques de l'initiative, écorchant au passage le gouvernement libéral qui fait la sourde oreilles aux demandes de mise sur pied d'une commission d'enquête sur le racisme systémique.

« Est-ce que c'est moi qui devrait parler de diversité, alors que c'est moi qui la subit?» s'est-il indigné. « On parle de justice. On parle d'égalité entre les hommes et les femmes. Et c'est ce qu'on mentionne dans une commission sur le racisme systémique. Pourquoi on parle le même langage, et on ne s'entend pas? »

Karel Mayrand témoigne d'un désir de rencontre entre les Québécois « de souche », les communautés Autochtones et les minorités de la province. « On a le sentiment qu'il y a un désir de rencontre, mais qu'il n'y a pas de lieu, a-t-il lancé. Il faut trouver des lieux pour que les gens se rencontrent, et ça, on l'a entendu systématiquement. »

Parle parle, jase jase

La soirée au Club Soda s'est déroulée en chanson (Fanny Bloom, La Bronze, Ilam, Yann Perreau), en poésie (Joséphine Bacon) et condensés des propositions des citoyens de la métropole, soumises en ligne quelques jours auparavant.

Si l'éducation était un thème récurrent de la tournée, elle était absente du bilan de Montréalais qui s'est articulé en trois axes : économie, démocratie et environnement. Pour chaque catégorie, une dizaine de solutions étaient répertoriées et brièvement détaillées.

Publicité

On y retrouvait un peu de tout, de l'élimination des partis politiques à la taxation du capital des banques, en passant par la lutte aux paradis fiscaux, la création d'assemblées consultatives dans tous les comtés, l'instauration du vote obligatoire, la gratuité du transport en commun et l'adoption des gros projets d'exploitation des ressources naturelles par référendum.

À l'entracte, le public était invité à se prononcer sur seulement six solutions. Étant donné qu'il n'y a eu aucun débat sur ces propositions et leurs impacts – tout au plus un bref survol des deux côtés de la médaille – un tel recensement du public relevait du ludisme bien plus que de l'exercice démocratique.

Les paroles s'envolent, les écrits restent

Les assembles terminées, les propositions récoltées partout au Québec seront maintenant triées par un algorithme de classification, de manière à en compiler les plus récurrentes. L'équipe va ensuite dégager les idées jugées les plus progressistes et les plus inédites.

« Si l'idée circule déjà, c'est une bonne idée, pourquoi on la répète?, questionne Claire Bolduc. Quand on entend "il faudrait une élection proportionnelle", ce n'est pas innovant. Mais quand les gens disent "on veut avoir des comités citoyens qui surveillent ce qui se passe dans nos institutions publiques", ça c'est nouveau! »

Cela dit, l'équipe compte rendre l'ensemble de ses données brutes disponibles à quiconque à la recherche de solutions.

Ensuite? Pas de parti politique, l'équipe a maintes fois été claire là-dessus. Quel était le but de ces grandes assemblées, où le format ne laissait pas la place aux échanges d'idées, mais bien à de l'écoute semi-passive et à quelques clics sur un téléphone intelligent?

Peut-être se rappeler collectivement qu'il est encore possible de faire un Québec à l'image des Québécois. Peut-être galvaniser les troupes, pour qu'elles passent de la parole aux actes.

« Ce dont le Québec a besoin, c'est d'une mobilisation sans précédent, disait Gabriel Nadeau-Dubois, dans son discours de fin de soirée. Ces gens-là nous ont convaincus de la nécessité de nous parler, pour que de nos projets respectifs émerge quelque chose de plus grand, quelque chose comme un projet de société. »

Dans ce cas, il faudrait réussir à rassembler tous les Québécois… et pas que les moins foncés.