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Les Spices sont aussi la drogue des sportifs de haut niveau

J’ai appelé quelques athlètes de la NCAA et des athlètes passés professionnels que je voyais régulièrement à la fac pour leur poser des questions sur les Spices.
Ilustración de Lucile Lissandre

Aujourd'hui, 23 Etats américains autorisent la consommation de weed à des fins médicales, mais au niveau de la NCAA (ligue américaine de sport universitaire) et professionnel, sa consommation reste strictement interdite. Alors quand on sait que 75 à 80 % des joueurs NBA consommeraient de la marijuana, on se demande comment sont effectués les tests anti-dopage.

J'ai étudié six ans en université en Californie avec une bourse pour le sport. Dans ma fac, ces contrôles étaient stricts et réguliers. En général, une fois tous les trois mois, une trentaine de sportifs se faisaient tester pour prise de substances dopantes ou illicites. Sachant que suite à un contrôle positif, l'athlète peut perdre sa scholarship, voire se faire renvoyer de la NCAA, les fumeurs d'herbe – le cas le plus répandu – ou autres adeptes de drogues plus dures, ou de stéroïdes, jouaient gros quand ils "se dopaient". En somme, la plupart d'entre nous stressions une fois tous les deux mois en attendant la liste de ceux qui allaient y passer. Alors, les athlètes accros à la bonne weed californienne qui voulaient passer ces contrôles tout en continuant à se défoncer librement ont trouvé le substitut adéquat : les Spices.

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En gros, les Spices sont un combiné ultra-puissant de différentes drogues de synthèse qui a quasiment les mêmes effets que le cannabis et qui pourtant se vend officiellement comme "encens" sur Internet ou dans les "smoke shop" étasuniens. C'est aussi une substance ultra dangereuse - qui a déjà fait des dizaines de morts, qui n'est pas prohibée et qui n'apparaît pas dans les tests d'urine des sportifs universitaires et professionnels. J'ai appelé quelques sportifs de ma fac et d'autres de ma Conférence que je croisais régulièrement – certains sont devenus pro dans leurs sports respectifs – pour leur poser quelques questions sur les Spices et accessoirement prendre de leurs nouvelles.

VICE Sports: Hey Alex, comment as-tu commencé à prendre des Spices la première fois ?
Alex : La saison sportive allait commencer, on ne pouvait plus fumer de weed à cause des tests de la NCAA. Alors on est allés au smoke shop et le vendeur nous a conseillé les Spices. On a ensuite continué à en prendre régulièrement avec mon équipe.

Tu étais à New York, du coup, c'était pour se défoncer "légalement" ?
Ouais et mettre le cannabis de côté. L'enjeu était trop gros, on était tous des athlètes étrangers avec un VISA étudiant et une bourse sportive. Avoir un test d'urine positif au produit dopant nous aurait fait perdre notre bourse, synonyme d'un retour direct dans nos pays respectifs.

Je vois. Y avait-il souvent des tests anti-dopage à ton université?
Environ deux tests aléatoires durant l'année, organisés par notre université, et deux autres plus stricts organisés par la NCAA.

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Combien de fois par semaine en consommais-tu?
On avait des compétitions le weekends, donc deux à trois soirs, en semaine.

Quels sont les effets?
Les effets sont complètement fous ! L'effet monte vite et dure entre 20 et 30 minutes. On se tapait plus de grosses barres qu'avec la beuh. Je me rappelle qu'on roulait 2 à 3 joints en même temps pour qu'on puisse tous avoir l'effet au même moment.

Connaissais-tu d'autres athlètes qui en prenaient?
Les joueurs de football, de baseball, de golf. Tout le monde en fait, des mecs comme des nanas.

Savais-tu que c'était dangereux ?
Non, pas plus que ça. Mais j'ai arrêté depuis, je me suis remis à l'herbe.

VICE Sports : Yo Austin, pourquoi as-tu commencé à prendre des Spices ?
Austin : Comme tout le monde, pour passer les tests anti-dopage. Et ça marchait nickel.

Combien de fois par semaine en consommais-tu?
Trois à cinq fois par semaine. J'évitais juste d'en prendre la veille d'une compétition, c'est tout.

Je me souviens que, comme la weed, il y a des types de Spices différents pour des effets différents…
C'est encore plus précis que la weed, il y a différentes intensités et différents goûts. C'est comme si la cigarette électronique pouvait rendre high. En intensité, on prenait généralement du X4. On est même montés jusqu'à du 8X une fois, alors que le vendeur du smoke shop nous l'avait déconseillé fortement.

Connaissais-tu les risques liés à la prise de cette drogue?
Au début on a fait des recherches avec mes coéquipiers et on n'a rien trouvé de trop mauvais. Ensuite on a vu qu'il y avait des morts suite à la prise de cette drogue. Ça nous a fait flipper et on a ralenti notre rythme.

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Connaissais-tu d'autres athlètes qui en prenaient?
J'en connaissais au moins un dans chaque équipe, mais ceux qui en consommaient le plus c'était les basketteurs de ma team. On faisait des soirées tatouages/Spices au tout début. C'était mortel.

Tu continues toujours ?
Moi j'ai arrêté, mais je connais des potes qui jouent en clubs en Europe et en Asie qui continuent à en prendre.

VICE Sports : Rod, combien ça coûtait les Spices ? Et où allais-tu t'en procurer?
Rod: Tu pouvais t'en procurer dans le plus gros smoke-shop de la ville étudiante – la même échoppe où tu pouvais également acheter du tabac, des bongs, des grinders et des feuilles à rouler – ou tout simplement sur Internet. Niveau prix, c'était en gros pareil que la weed – soit 15 dollars le pochon.

C'est parce que c'était facile à se procurer que t'en prenais ?
C'était pour ça et parce qu'on pouvait être high sans penser aux conséquences, sportives du moins.

Connaissais-tu les risques liés à la prise de Spices avant d'en prendre?
Non c'était il y a trois ans, j'ai l'impression que c'était le début. Mais après quelques bad trips, j'ai compris que ce n'était pas une drogue aussi tranquille que ça.

Quel genre de bad trips ?
J'ai eu des hallucinations. Je suis devenu parano pendant deux jours. Je flippais beaucoup plus que sous THC et ça a duré beaucoup trop longtemps. Quand les joueurs de mon équipe m'ont vu, ils se sont calmés aussi.

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Malgré tout, beaucoup d'athlètes en prenaient ?
Au début ouais, mais je leur ai dit d'arrêter. Quelques-uns ont continué, même ceux qui ont été pris à la draft de la NBA, mais ils ont dû arrêter.

VICE Sports : Yo Josh, tout baigne ? Pourquoi prenais-tu des Spices?
Josh : C'était le meilleur substitut de la bonne herbe californienne. En tant que sportif de haut niveau, c'était la meilleure option pour décompresser un peu.

Tu parles au niveau des tests anti-dopage ? Y en avait souvent à ton université?
Oui, on en avait un par trimestre. Et puis après quand je suis passé professionnel de foot, la Ligue nous faisait des contrôles récurrents.

As-tu passé des tests anti-dopage après avoir pris des Spices ?
Ouais, une fois. J'ai bu du jus de Cranberry pour me nettoyer l'urine, et c'est passé. Mais j'ai quand même flippé – même si je sais qu'ils ne cherchent pas ce genre de substance avec ce type de test.

Combien de fois par semaine en consommais-tu ?
Beaucoup trop ; six fois par semaine je dirais. Mais ça jouait sur mes performances alors j'ai arrêté pour pouvoir être titulaire dans mon équipe.

Et dans ton équipe aujourd'hui, certains en prennent toujours ?
C'est rare et surtout en off-saison. En Californie, on préfère quand même rester naturelle avec la weed.

VICE Sports : Hey Bianca, je me souviens que tu prenais des Spices quand tu jouais pour la fac…
Bianca : Oui quelques fois, c'était surtout quand j'ai arrêté la beuh.

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Pourquoi avoir changé?
J'avais été aléatoirement choisie pour un test d'urine et j'avais fumé deux jours avant. Dans un cas pareil, on peut refuser de participer au test si on avoue avant que le contrôle puisse être positif. C'est ce que j'ai fait. J'avais dit que j'avais bu trop de Redbull la veille pour réviser un exam. Mais quand on se désiste de cette façon, on ne passe pas le test anti-dopage certes, mais on doit impérativement se présenter à chaque contrôle suivant – soit un contrôle d'urine chaque mois.

Quelles ont été les sanctions ?
C'est une espèce d'avertissement, rien de plus.

Et c'est pour ça que tu t'es mise à fumer des Spices, je vois… Combien de fois par semaine ?
3 ou 4 fois, avec les joueuses de mon équipe ou en soirée.

Quels étaient les effets ?
Je dirais entre la salvia et le cannabis. Quelques joueuses ont arrêté après le premier essai ; c'était trop fort pour elles.

Félix est sur le web.