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​Djokovic-Santoro : faut-il vraiment avoir des soupçons ?

Pointée du doigt un peu rapidement comme exemple idéal dans l'affaire des matches truqués dans le tennis, retour sur la rencontre Djokovic-Santoro à Bercy en 2007.
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« N'importe qui peut créer une histoire à propos de n'importe quel match. C'est mon avis. Il n'y a pas eu tant de matches que ça perdus par les top joueurs dans les premiers tours ces dix dernières années. Prenez n'importe lequel de ces matches et créez une histoire à propos d'eux. Ça n'est pas accompagné de la moindre forme de preuve, du moindre fait. Ce n'est que de la spéculation. »

Novak Djokovic l'avait mauvaise mardi après avoir, pourtant, battu le jeune Quentin Halys au deuxième tour de l'Open d'Australie. La faute au quotidien italien Tuttosport qui a révélé - sans toutefois apporter beaucoup de preuves - que le match entre Novak Djokovic et Fabrice Santoro au premier tour du Masters de Bercy en 2007 était une des rencontres soupçonnées d'avoir été arrangées dans l'affaire des matches truqués révélée lundi par Buzzfeed et la BBC.

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Il fallait des coupables, Tuttosport nous en sort un parfait : une défaite surprise d'un Djokovic alors numéro 3 mondial face à un Santoro de 35 ans, clairement en fin de carrière mais pas enterré pour autant. Deux sets nets pour le Français : 6-3, 6-2.

En revoyant un long résumé du match sur YouTube, difficile de percevoir quoi que ce soit. Evidemment, on ne s'attendait pas à ce que Djokovic envoie nonchalamment ses balles dans les couloirs comme si de rien n'était. S'il y avait eu volonté de perdre de sa part, elle aurait été visible dans des courses un peu moins tranchantes, des coups un peu moins appuyés, des services un peu plus faibles. Mais finalement, mis à part le polo immonde de Santoro, il n'y a rien de bien révoltant dans ce qu'on peut voir de ce match :

Seulement, perdre aussi facilement n'était pas dans les habitudes de Djokovic, déjà à l'époque. D'autant que le Serbe avait à la fois un motif et un alibi dans cette défaite. L'alibi, c'est une dent de sagesse, retirée dix jours avant le tournoi parisien. « Je suis toujours sous médicaments », avait déclaré le Serbe après sa défaite. Ajouté à cela qu'il s'agissait de son 84e match de l'année sur le circuit, et cela faisait des excuses toute prêtes à fournir aux médias, si l'idée était de chercher à l'accabler.

Et le "motif" pour ne pas aller chercher la victoire, c'est d'avoir joué ce Masters 1000 de Bercy uniquement dans le but de toucher le superbonus, celui « offert par l'ATP aux quatre meilleurs joueurs ayant disputé huit des neuf Masters Series, dont Madrid et Paris », détaillait déjà Le Figaro à l'époque, qui titrait sur la « fébrilité de Djokovic ». Déclarer forfait l'aurait privé de 300 000 euros. Ça fait évidemment réfléchir.

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Laisser filer un match, si seul le joueur le sait, c'est pas très sport, certes, mais cela n'a jamais fait un crime en soi. Sauf si des tiers sont informés que l'issue de la rencontre est déjà jouée. Et c'est ce qui nous intéresse dans cette affaire de matches truqués.

Il est donc intéressant de noter que le nom de Djokovic était déjà sorti dans une affaire de matches truqués dans le tennis comme le rappelle Tuttosport. Le Serbe avait ainsi été cité dans le scandale du Calcioscommese, une vaste enquête du parquet de Crémone sur des paris illégaux dans le football avec un volet tennis concernant deux tennismen italiens, Daniele Braccali et Potito Starace. Les deux étaient soupçonnés d'avoir touché de l'argent pour avoir laissé filer des matches.

Le nom de Djokovic était déjà sorti dans une affaire de matches truqués

Dans cette enquête, le nom de Djokovic était sorti lors d'échanges entre l'ancien tennisman suédois Thomas Nydhal et l'un des principaux mis en cause dans l'affaire, Manlio Bruni. Ce dernier l'aurait informé que Djokovic avait l'intention de perdre son match du premier tour de Bercy face à Santoro, une information qu'il aurait glané auprès de l'entraîneur du tennisman croate Mario Ancic.

Pourtant, dans cette affaire du Calcioscommese, Djokovic ne sera pas inquiété : seuls Bruni, Nydhal, Starace et Braccali risquent un procès. Tuttosport explique même que « le 11 décembre 2015 le procureur de Crémone Roberto di Martino a envoyé l'avis de fermeture de l'enquête ».

C'est donc là-dessus que se base Tuttosport : une enquête partielle, une ligne dans un dossier. Le quotidien italien joue un jeu dangereux en balançant d'ailleurs ce match, la seule rencontre suspecte révélée au public. C'était le risque avec la méthode employée par Buzzfeed et la BBC : ne nommer personne, si ce n'est ces obscurs « seize joueurs dont certains parmi les 50 meilleurs du monde, et parmi eux des vainqueurs de titres du Grand Chelem ». Le moindre petit soupçon sur le moindre petit match viendrait catalyser l'attention des médias et du monde du tennis, impatients de couper des têtes sur la place publique pour proclamer rapidement le retour de la pureté dans un sport qui tolère encore moins que tous les autres tout écart de fair-play.

Le pauvre Santoro, lui, est un peu vexé de voir que sa victoire de l'époque pourrait être minorée. « Ne m'enlevez pas une de mes plus belles victoires, s'il vous plaît », a-t-il ainsi plaisanté sur BeIn Sports. Il est vrai que, s'il était en fin de carrière, Santoro avait tout de même de quoi faire valoir face à Djokovic. Le numéro 30 mondial de l'époque a d'ailleurs re-regardé le match : « J'arrive à Bercy, je venais de battre Roddick qui était 5e mondial. Je bats Djokovic, qui ne fait peut-être pas le match de sa vie. Si c'est vexant ? Je n'ai jamais été le meilleur joueur au monde. Mais amenez des preuves, n'écrivez pas n'importe quoi. » On ne peut pas le contredire.