Culture

Ces films de confinement qui vrillent un peu à la fin

À méditer pendant que vous faites les cent pas dans votre 17m2 ou que vous envisagez de passer en mode « Xavier Dupont de Ligonnès ».
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR
coronavirus, confinement, cinéma
Jack Nicholson dans Shining (1980)

Il y a en général deux écoles lorsqu’on se décide à regarder des films en boucle en période de confinement. La plus répandue est sans doute celle qui consiste à opter pour des feel good movies pour oublier que dehors, il y a des gens qui s'apprêtent à mourir seuls et qu'on ne peut rien y faire. Les autres choisissent en général de rattraper tous les films d’auteur qu’ils n'ont jamais eu le temps de voir, ni l'envie, ou bien les deux. Quoiqu’il en soit, il n’y a plus d’excuse pour ne pas s’enfiler enfin l’intégrale de Mizoguchi ou de Frederick Wiseman, même si bon, en vrai on sait que vous êtes tous sur Netflix ou Pornhub.

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Mais il existe une troisième voie, peut-être moins évidente mais tout aussi intéressante- si ce n’est plus. Vous pouvez choisir d'embrasser pleinement cet inconfort et ce sentiment d'isolement en matant des films de confinement où ça ne se passe pas vraiment bien à la fin. Ça vous permettra peut-être de vous dire que votre situation pourrait être bien plus pénible - vous pourriez être dans un film avec Marion Cotillard par exemple. Du coup, on vous a passé en revue les différentes types de films (et donc de situation) de confinement qui devraient vous aider à relativiser un peu en ces temps troublés.

Les films de confinement d’appartement

Comme un peu en ce moment, l’appartement est un espace propice pour se cogner la tête contre les murs de nos névroses, surtout si ce dernier est exigu. Les films de Haneke, cinéaste connu pour sa joie de vivre et sa foi en l’espèce humaine, ont bien exploité ce filon. On peut penser à Funny Games (1997), où une paire de jouvenceaux s'introduit dans la maison d'une famille proprette pour la massacrer méthodiquement parce que c'est fun.

Mais ça peut marcher avec de plus grandes surfaces, parfois tout aussi anxiogènes, en particulier quand ces dernières sont isolées. Par exemple dans The Collector, dans lequel un jeune Anglais creepy décide d’enlever une étudiante an art dont il est tombé amoureux et la garde prisonnière dans la cave de sa grande maison de campagne. À la fin, après avoir tenté en vain de la soulever, il finit par la tuer et s’en va en chercher une autre. Vous voyez que ça pourrait être bien pire : on aurait pu vous enlever. Comme de joyeux drilles l’ont fait remarquer sur les réseaux sociaux dernièrement, si le confinement n'est agréable pour personne, vous n’êtes pas Natascha Kampusch. Ou peut-être que si, mais bon, ça m’étonnerait que vous lisiez cet article du coup.

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Les films de confinement de couple (et à plus large raison de famille)

Sous-genre du film d’appartement, mais pas que, à l’image de Vivarium (2020) avec Jesse Eisenberg et Imogen Poots qui se déroule dans une banlieue pavillonnaire, le film de confinement de couple permet de vérifier si votre moitié (ou à plus large défaut votre famille) est bien solide. Spoiler : c’est souvent le contraire. Certains choisissent de prendre une décision radicale pour pallier à ce problème, comme Depardieu qui se coupe la bite à la fin de La Dernière Femme (1976) de Marco Ferreri. D’autres s’entretuent tout simplement, comme Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg dans Antichrist, ou choisissent de se débarrasser du poids mort de la famille, comme la femme et le fils chelou de Jack Nicholson dans Shining, qui abandonnent ce dernier dans la neige car il est vraiment devenu insortable.

Et même quand les liens du couple sont consolidés, ça ne veut pas dire pour autant que ça se termine super bien – regardez Amour (2012) par exemple. Eh oui, même si vous vous aimez jusqu’à la fin de vos jours, vous allez forcément finir par devenir vieux – et mourir. On pense également à la fin de Melancholia, où une partie de la famille est enfin soudée et réunie, ce qui n’empêche pas un gros astéroïde de se diriger en plein dans leur gueule.

Parfois, la folie est tout simplement contagieuse. Dans Bug, Michael Shannon est persuadé qu’il est surveillé par le gouvernement, et finit par s’arracher une dent (le bug du titre) puis se suicider en entrainant Ashley Judd dans sa psychose. Toujours le même Michael Shannon, dans Take Shelter (2011), se demande si ce ne serait pas la fin du monde. En bon survivaliste du Midwest, il se réfugie avec sa femme et leur môme sourde muette dans leur abri anti-atomique. On ne sait pas trop si ça se finit bien, puisque d’un côté, la fin du monde arrive vraiment, mais de l’autre, le couple est enfin sur la même longueur d’onde et personne ne prend plus Shannon pour un cinglé. C’est déjà ça de pris.

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Les films de confinement où c’est dans la tête


S’il y a bien une situation où il est encore plus pénible d’être confiné autre part que chez soi (ou chez son ravisseur), c’est bien lorsqu’on est confiné dans sa tête. Il y a des tas de films qui obéissent à cette règle rageante qui veut que le personnage principal soit en fait, soit le meurtrier depuis le début (comme dans Shutter Island), soit tellement fou qu’il ne soit lui-même pas un narrateur fiable (comme dans Spider de Cronenberg), soit que l'intrigue se répète en boucle et que tout le monde commence à devenir fou – comme dans Un Jour Sans Fin, même si pour le coup là ça se finit bien. Dans un tout autre genre, on peut trouver des documentaires comme Into The Abyss de Werner Herzog, lequel suit trois condamnés à mort au Texas. Car oui, pour tous les Parisiens qui se sentent trop à l'étroit dans leur 17m2, n'oubliez pas que vous pourriez tout simplement être en prison.

Les films de confinement au grand air

Autre cas de figure encore plus contraignant, vous pourriez passer le confinement au grand air et ce serait tout aussi anxiogène. Comme dans Gerry (2003), où Matt Damon et Casey Affleyck s’en vont mourir dans le désert, ou encore dans Wake In Fright, film australien des années 70 dans lequel un jeune instituteur essaie de rejoindre sa petite amie mais se retrouve coincé dans l’outback rempli de rednecks alcooliques tueurs de kangourous, tout ça pour se retrouver exactement au même point à la fin du film.

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Autre type de cauchemar éveillé mais tout à fait plausible, vous êtes un sale Parisien qui avez choisi de fuir le tumulte de la ville pour vous réfugier au Cap Ferret. Sauf qu’en fait vous êtes dans Les petits mouchoirs, et vous devez vous coltiner Marion Cotillard qui passe son temps à chialer du soir au matin. Ça ne se termine pas bien, le personnage de Dujardin meurt, et le seul truc un peu réconfortant comparé à la réalité, c’est qu’en période de corona, au moins, vous auriez une vraie bonne excuse pour ne pas assister à son enterrement.

Les films de confinement avec un projet

La situation pourrait être toute autre. Et là, on virerait carrément dans la psychose paranoïaque, celle qui dit que le Covid19 est une arme chimique du gouvernement par exemple. Le genre de situation où vous vous retrouvez piégé comme un rat, et que vous ne pouvez rien y faire. Pour filer la métaphore, imaginez que vous êtes dans Elephant, bloqués à l'école et que le virus est en fait deux incels qui choisissent ce jour-là de venir canarder toute l'école.

Mais il y a des films avec des projets plus insidieux. Comme Salo (1976) de Pasolini, où une bande d'aristocrates italiens fascistoïdes choisissent de torturer puis de tuer des éphèbes juste pour le plaisir. Ou encore dans La Grande Bouffe (1973), dans lequel quatre grands bourgeois choisissent de s'enfermer dans une grande maison, de commander une cargaison gigantesque de victuailles afin de se remplir la panse jusqu'à en crever. Mais bon, si vous en arrivez là, vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-mêmes.

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