sport et cannabis
Drogue

Votre conso de weed ruine-t-elle vos performances sportives ?

Peut-être qu’une petite def est la clé pour se surpasser et péter un nouveau record ?

Félix est ce que certain·es appellent ironiquement un « gym bro » : tous les matins, il se lève à 5 heures et se rend directement à la salle de sport pour soulever de la fonte avant d’aller bosser. Après une journée passée au bureau, ce jeune homme de 27 ans s’envoie un run d’une heure ou grimpe sur son vélo avant de se préparer un truc à manger. Un dîner qui, vous l’aurez deviné, est suffisamment riche en protéines. Puis, il s’allume un joint.

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« En général, je ne fume que le soir, une fois que j’en ai fini avec le taf, les tâches à accomplir et l’exercice physique », explique Félix, dont le nom a été modifié pour des raisons de confidentialité, comme pour d’autres personnes mentionnées dans cet article. « J’essaie aussi de fumer seulement après avoir dîné, sinon je ne pourrais pas m’arrêter de bouffer pour le restant de la soirée ». Il s’impose également d’autres règles, comme s’assurer de fumer au moins deux heures avant d’aller dormir afin de réduire l’impact de la weed sur son sommeil paradoxal, et il n’utilise jamais de tabac pour rouler. « C’est de notoriété publique que fumer n’est pas bon pour le système respiratoire », ajoute-t-il.

La consommation de drogues chez les adeptes du fitness ne surprend personne : en soirée, vous avez certainement déjà croisé des gars hyper tracés sous MDMA et entendu des yogis évoquer leur voyage spirituel lors de leur dernier trip sous champis. Mais les personnes qui sont obsédées par les données de leur Apple Watch ou par l’obtention d’une musculature saillante ne sont pas vraiment considérées comme le marché cible de l’industrie du cannabis, d’autant plus que le stéréotype du stoner les présente comme paresseux·ses et sans motivation. Cela dit, Félix est loin d’être le seul à consommer du cannabis de manière calculée.

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Avec la dépénalisation dans des pays comme les États-Unis et l’Australie, de plus en plus de sportif·ves osent parler ouvertement de leur consommation : même Arnold Schwarzenegger a admis s’être défoncé alors qu’il était à l’apogée de sa carrière de culturiste. Des études confirment également sa prévalence chez les adeptes du fitness. L’une d’entre elles, datant de 2017, a révélé que plus de 92% des adeptes des salles de sport se défonçaient, tandis qu’une enquête de 2020 a révélé qu’un·e athlète sur quatre consommait régulièrement du cannabis. Mais quel est l’impact réel de la weed sur vos performances athlétiques ?

Weed et bénéfices pour l’entraînement

Dans un article traitant de la consommation de cannabis chez les athlètes féminines, publié en mars dans Journal of Strength and Conditioning Research, des chercheur·ses ont constaté qu’il n’y avait aucune différence significative en ce qui concernait la composition corporelle, la fonction cardiaque ou la force entre les sportives qui fumaient depuis longtemps et celles qui ne fumaient pas. La seule différence semblait être que celles qui consommaient du cannabis ne possédaient pas autant de puissance, mais avaient une meilleure endurance.

C’est potentiellement une bonne nouvelle pour les coureur·ses de longues distances comme Félix. Le jeune homme n’a commencé à intégrer la weed à sa routine que récemment, lorsqu’il a changé de job et n’a plus eu à subir de contrôles antidopage. « Je suis conscient du moment, de la façon et de la quantité de weed que je fume, mais depuis que j’ai commencé, je n’ai remarqué aucune différence dans ma forme physique générale, déclare-t-il. Ça m’a également permis de réduire ma consommation d’alcool, ce qui est positif. »

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Christian Cheung, chercheur spécialisé dans la consommation de cannabis au Human Performance and Health Research Laboratory de l’Université de Guelph, pense que la science est encore trop vague à ce sujet. « À l’heure actuelle, il n’existe que très peu de recherches sur l’impact à long terme du cannabis sur les performances, explique-t-il à VICE. Les quelques rares études suggèrent que le cannabis n’aurait pas d’impact sur les performances athlétiques à long terme. Cela dit, il ne s’agit pas du tout d’une preuve concluante. »

Sans oublier que combiner défonce et sport ne convient pas à tout le monde.

« Lorsque j’ai commencé à me rendre au taf à vélo, à faire de l’exercice pour travailler ma respiration et à beaucoup m’entraîner, j’étais carrément à bout de souffle et j’ai fini par arrêter de fumer des clopes et de l’herbe », explique Carlotta Artuso, fondatrice de Carlotta PR et praticienne de reiki. Après avoir arrêté, elle affirme que sa respiration s’est améliorée – bien que cela puisse être dû à des changements dans son programme de remise en forme, car elle « connaît beaucoup de gens qui fument de l’herbe et se sentent bien ». Aujourd’hui, elle termine sa journée avec une goutte de teinture de CBD maison (à base de cannabis et d’alcool) : « ça m’aide beaucoup pour la récupération musculaire, et aussi pour passer une bonne nuit de sommeil. »

Weed et récupération après l’effort

Bien qu’aucune recherche n’ait été effectuée pour savoir si on pourrait un jour remplacer un shake de protéines par un joint dans l’optique de nourrir les muscles après une séance de squats, la raison la plus courante pour laquelle les sportif·ves assidu·es (qui sont généralement en mode « go-go-go ») fument est que la weed les aide à se détendre et à récupérer : 77% des personnes actives qui consomment du cannabis déclarent que celui-ci a un effet positif sur leurs performances en améliorant leur concentration, leur énergie, leur relaxation et leur récupération.

Ava, personal trainer et ancienne athlète olympique, déclare que la weed est la seule chose qu’elle ne pourra « jamais arrêter ». Ayant grandi comme athlète au Moyen-Orient, elle n’a pu tirer sur un joint qu’au cours de sa dernière année d’unif au Royaume-Uni.

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« J’ai commencé à fumer après avoir arrêté le sport et traversé une rupture », explique Ava à VICE. Maintenant qu’elle est personal trainer, s’enfiler des edibles (aliments infusés au cannabis) est son rituel du soir pour se détendre après de longues heures d’exercices à haute intensité. « Ça m’aide aussi à retrouver de l’appétit, parce que j’ai du mal à manger suffisamment pour la quantité d’exercice que je fais, poursuit-elle. Je ne dirais jamais que fumer est bon pour la santé, mais j’ai fait des recherches sur l’impact de l’herbe sur mon entraînement et ma croissance musculaire, et il semble qu’il n’y ait pas d’effets négatifs. »

Ces dernières années, l’un des principaux composants de la weed – le CBD – a déjà conquis l’industrie du fitness. Des marques comme PureSport s’adressent désormais aux sportif·ves épuisé·es avec des produits conçus pour favoriser le sommeil, réduire le stress, la douleur et l’inflammation, augmenter l’immunité, et tout ça en étant certifiés par l’Agence mondiale antidopage. Mais si le CBD est si bénéfique que ça, y a-t-il encore un intérêt à consommer du THC (c’est-à-dire s’emmerder à fumer de l’herbe) ?

« Le cannabis est composé de plus de 120 cannabinoïdes, et pas seulement de THC et de CBD », explique Mags Houston, responsable des projets et de la communication au sein de Drugs Science, un comité consultatif sur les drogues. « Nous commençons à peine à nous intéresser aux bienfaits de la plante dans son ensemble et à la manière dont elle peut contribuer à la santé, en grande partie à cause de la stigmatisation, de la loi et du discours existant sur les drogues. »

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Drugs Science s’efforce de rassembler des preuves concrètes des bienfaits de la marijuana médicinale pour les personnes souffrant de problèmes de santé. « Nous mesurons l’anxiété, la dépression et le sommeil et on constate des améliorations significatives après seulement trois mois de consommation de cannabis, poursuit Houston. Lorsque les gens dorment davantage, ils ont tendance à mieux fonctionner tout au long de la journée, et ce, chez des patients·e qui souffrent. »

Imaginez donc l’impact que ça pourrait avoir chez les athlètes ou les adeptes des salles de sport, pour qui un push supplémentaire d’un pour cent a le pouvoir de sensiblement changer la carrière ou la réputation.

Alors que certaines études – comme celles mentionnées par Félix – montrent que la weed peut avoir un impact sur le sommeil paradoxal, les recherches menées par Drugs Science démontrent une amélioration du sommeil pour les personnes qui utilisent du cannabis médicinal. Selon la Sleep Foundation, certaines variétés comme l’indica et la sativa sont celles qui seraient les moins enclines à perturber le sommeil, tout en ajoutant qu’il est toujours utile d’éloigner les pics de THC de l’heure du coucher.

Dans l’ensemble, l’effet calmant de la weed semble faire l’unanimité. Les joints et les edibles pourraient même devenir un élément essentiel des rituels de récupération des athlètes, et ce bien plus tôt qu’on ne le pense. Au début du mois, la NBA a annoncé qu’elle ne soumettrait plus les joueurs à des tests de dépistage de la marijuana. Cette décision intervient après des années de mesures disciplinaires à l’encontre des basketteurs et autres athlètes surpris en train de fumer de l’herbe.

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En 2021, la sprinteuse américaine Sha'Carri Richardson s’est vu interdire de participer aux Jeux olympiques après avoir été contrôlée positive au cannabis. En 2022, l’Agence mondiale antidopage a confirmé que le cannabis resterait sur la liste des substances interdites, non pas parce qu’il améliorerait les performances athlétiques (comme les stéroïdes), mais plutôt parce que le fait d’être défoncé pendant les compétitions peut mettre les athlètes en danger.

S’entraîner défoncé·e

S’il reste assez peu probable que quelqu’un se présente complètement stone aux JO, quel est l’impact de la weed sur une séance d’entraînement ? Selon Schwarzenegger, s’entraîner sous l’emprise du THC est « fantastique ». Mais d’après le spécialiste Christian Cheung, les chances que vous vous rendiez effectivement à la salle de sport sont minimes.

« Des recherches supplémentaires doivent être menées, mais l’ensemble des études montre que la prise de THC avant les sessions d’entraînement n’a pas d’effet sur les performances, et ne les réduit pas non plus », explique-t-il.

« Les patient·es deviennent juste moins enclin·es à l’exercice après avoir consommé du cannabis », explique Cheung, ce qui signifie qu’il est fort probable que vous skippiez la séance d’abdos-fessiers lorsque vous êtes défoncé·e.

Si certain·es aiment consommer de la weed pour être plus conscient·es de leur corps – ce qui pourrait les aider à être davantage à l’écoute de leurs mouvements –, l’entraîneuse Eleanor Heaton-Armstrong est d’avis qu’il ne faudrait pas mélanger weed et salle de sport.

« Je ne m’entraînerais jamais après avoir fumé de la weed, dit-elle. Il faut constamment rester concentré·e, en particulier quand on travaille avec des poids. L’herbe peut aussi avoir un impact sur votre coordination et votre équilibre. » En tant que « consommatrice de drogues à temps partiel », Heaton-Armstrong trace une frontière très nette entre sa forme physique et les substances qu’elle consomme.

Mais il est clair que se défoncer et s’entraîner peuvent coexister. Se détendre et bien dormir sont des paramètres encore trop sous-estimés de la santé et de la performance, alors peut-être qu’une petite def est la clé pour se surpasser et péter un nouveau record ? Ma montre connectée est prête, mon stick aussi.

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