Howard Marks, 2015. Photo de James Cummings
Si vous fumiez de la weed entre 1970 et 1980, vous pouvez dire merci à Howard Marks. Contrebandier, écrivain et militant pour la légalisation du cannabis, Marks est une institution contre culturelle à lui seul. Dans son autobiographie culte intitulée Mr. Nice, il nous plonge au cœur d’un univers rempli de ports sordides, de souks mystérieux, de montagnes de haschisch, de révolutionnaires zélés, de gangsters sans pitié et de flics corrompus.
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Né à Kenfig Hill, dans le pays de Galles, Marks a étudié à Oxford dans les années 1960. C’est à cette époque qu’il est devenu un fumeur régulier de cannabis, et un dealer à temps partiel. Au début de la décennie suivante, la vente de substance illicite était, pour lui, un business à part entière. Marks était l’instigateur d’un trafic très sophistiqué, consistant à cacher du haschisch dans les bagages de diplomates pakistanais.
Dans les années 1980, aidé de l’excentrique Jim McCann – un défenseur célèbre du républicanisme irlandais – il a importé clandestinement du haschisch dans les îles Britanniques. Associé à la Brotherhood of Eternal Love, plus communément appelée « Hippy mafia », il a exporté de la drogue jusqu’aux États-Unis – la planquant dans le matos de groupes de rock imaginaires. Sa plus grande réussite – du moins, la plus rentable – a été de réussir à faire transiter de la drogue via l’aéroport JFK de New York, une opération qui a réuni des yakuzas, la mafia, l’armée thaïlandaise, les douanes et des moines népalais.
La carrière de passeur de Marks s’est terminée soudainement en 1990. Il a été condamné à une peine de 25 années de prison au pénitencier de Terre Haute, dans l’Indiana. Relâché en 1995 pour comportement exemplaire, il a publié Mr. Nice l’année suivante. Ce livre a changé la vie de Marks, le propulsant dans un nouvel univers fait de tournées médiatiques, de platines de DJ, de panels d’experts et de guest appearances dans des films.
Marks n’avait pourtant pas tout raconté. Son nouveau bouquin, Mr. Smiley, nous raconte comment il s’est retrouvé impliqué dans un trafic d’ecstasy à Ibiza, alors même qu’il était incarcéré.
Cette histoire, plus sombre que celle de Mr. Nice, nous décrit un monde d’excès mais aussi de solitude dans des trous perdus de l’est de l’Angleterre. Le livre a été sous-titré « Ma dernière pilule et mon testament ». En effet, en janvier dernier, Marks a annoncé qu’on lui avait diagnostiqué un cancer intestinal inopérable.
Je l’ai interviewé afin d’en savoir plus sur sa vie, que d’aucuns qualifieront de « grandiose ».
Quelques-uns des « déguisements » de Marks durant ses années de contrebandier
VICE : Dans Mr. Smiley, vous avouez être nostalgique de votre carrière de contrebandier. L’adrénaline est-elle la drogue ultime ?
Howard Marks : Je ne sais pas si c’est la drogue ultime, mais c’est l’une des meilleures. Mon adrénaline est déclenchée par la peur – j’imagine que c’est semblable à ce que ressentent les sportifs ou les gens qui sautent à l’élastique. Quand j’étais passeur, je m’exposais à être emprisonné à vie, voire à être tué.
Votre style d’écriture est très direct et amène le lecteur au cœur de l’action – que vous parliez de votre découverte d’un restaurant indien ou d’un voyage dans un village flippant en Andalousie. La plupart des écrivains développent une routine. Quelle est la vôtre ?
Quand je me décide à écrire, j’essaie d’atteindre les mille mots au minimum. Même si j’écris mal, que je n’ai pas d’inspiration, je garde mon texte au cas où. Je n’ai pas besoin d’une chaise confortable ni d’être dans une pièce avec une vue incroyable pour trouver l’inspiration.
Sinon, je ne peux pas écrire en étant bourré – mais avec une gueule de bois, aucun problème. J’écris toujours mieux quand je suis défoncé. Je préfère éditer mes textes après avoir pris de la cocaïne, ou un café très corsé.
Vous parlez du potentiel spirituel que vous apporte l’ecstasy. Malgré certains aspects désagréables du trafic que vous décrivez dans Mr. Smiley, gardez-vous foi en cette substance ?
Oui, tant qu’elle est pure.
Avez-vous déjà eu des scrupules à vendre de l’ecstasy ?
Oui, j’en ai eu, parce que c’était différent du cannabis, avec lequel je n’ai jamais hésité à m’impliquer et à trafiquer.
Il n’y a jamais eu quoi que ce soit de cathartique dans mes écrits.
Rédiger Mr. Smiley a été une expérience cathartique pour vous ? Cela vous a permis de mieux accepter votre maladie ?
J’ai l’impression d’avoir réussi à l’accepter, mais ça m’a quand même pris plusieurs mois. Aujourd’hui, je vois le cancer comme une source de motivation pour vivre.
Sinon, il n’y a jamais eu quoi que ce soit de cathartique dans mes écrits.
Avez-vous été surpris par le succès de Mr. Nice ?
Je ne m’attendais pas à ce que ça marche autant. Je pensais que seuls quelques hippies le liraient afin de replonger avec nostalgie dans leurs années de défonce. Ça ne m’est jamais venu à l’esprit que la génération suivante puisse s’y intéresser. J’ai écrit Mr. Nice peu de temps après être sorti de prison, en ne prenant pas en compte l’augmentation du nombre de jeunes consommant du cannabis.
Avant mon incarcération, la weed était un truc de classe moyenne, d’étudiants. Les classes populaires ne fumaient pas du tout. Quand je suis sorti de prison, tout le monde avait un joint à la bouche.
Pour finir, quelle est la leçon la plus importante que vous avez apprise le long de vos nombreuses carrières ?
De ne pas me prendre trop au sérieux.
Merci Howard.
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