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Culture

Comment préserver des restes humains

On a parlé avec le mec qui s’occupe de réhydrater des fœtus desséchés et dépoussiérer des crânes au Mütter Museum de Philadelphie.
Image de Une : Des spécimens flottent dans des bocaux, dans le laboratoire du Mütter Museum, à Philadlephie. Sauf mention contraire, toutes les photos sont de l'auteure.

Derrières les portes closes d'institutions d'art des quatre coins de la planète, se cachent des machines à remonter le temps et autres chambres d'investigation. On y voit ressortir de ternes chefs-d'œuvre aussi éclatants qu'à leurs premiers jours ; on y perce des secrets de maîtres ; on y met à jour des compositions secrètes planquées dans de célèbres toiles. The Creators Project vous fait entrer dans ces laboratoires de restauration.

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Dans les sous-sols du Mütter Museum de Philadelphie, connu dans le monde entier pour ses trésors de l'histoire de la médecine, on trouve une « salle des os » avec des étagères entières de restes humains : des cervelles, cœurs et fœtus flottent dans des bocaux de verre, près d'une incroyable collection d'instruments tous à destination de préservation de ces reliques. C'est ici que vous trouverez George Grigonis, restaurateur des collections du musée, et chef de ce laboratoire depuis six ans — il y est entré comme bénévole puis a fait sa place dans l'équipe. Grignons est un puit de science et ne demande qu'à transmettre son savoir aux générations futures — que ce soit le personne du Mütter, les stagiaires ou étudiants qui vont et viennent ou, le temps d'une visite, The Creators Project.

Un crâne de la collection Hyrtl

Pour exposer les 139 crânes humains de la collection de Joseph Hyrtl — un anatomiste autrichien du XIXe siècle qui les utilisait pour discréditer la phrénologie , Grigonis a conçu de nouveaux supports pour remplacer les anciens en cuivre et bois. Comme nous le montre le restaurateur avec le crâne d'un ancien marin grec, le support assure un soutien stable, prévenant de vibrations qui ont causé la perte de dents ou d'autres dommages à travers le temps. « Nous avons trouvé un tas de dents dans des sacs en plastique, dans un dossier qui indiquait juste "Hyrtl Skulls". Pour chaque dent, on a donc du identifier le crâne correspondant et la recoller. C'était un peu comme résoudre un puzzle », se souvient le restaurateur. En plus de retrouver leur dentition, les crânes ont eu droit à un bon dépoussiérage. LA méthode est simple : du savon, de l'eau et de l'huile de coude.

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En haut : de vieux supports de crâne. Es bas : les nouveaux supports mis au point par Grigonis.

Les crânes sont devenus un motif tellement courant qu'on en oublie parfois à quoi on a affaire. En comparaison avec une réplique imprimée en 3D — que Grigonis nous montre comme exemple de ce qu'i est envoyé pour être exposé dans des musées — nous ramène pourtant vite à la raison. On a la même impression avec les squelettes de la salle des os. De loin, ils pourraient aussi bien pendre dans le coin d'une salle de classe, mais quand on s'en rapproche, on se prend à apprécier chaque détail.

Tovah Ross-Mitchell et George Grigonis réarticulent un squelette. © Mütter Museum

Grigonis a réparé et remplacé un tas d'entre eux, et forment les autres à faire de même. Pour un squelette qu'on lui avait demandé de préparer pour une exposition, il a du le faire sortir du musée. « Ma femme n'aurait pas voulu du squelette à la maison, j'ai du aller dans le garage d'un ami », dit-il en riant.

De retour dans les galeries du musée, face aux squelettes du XIXe siècle exposés, Grigonis explique, quand cela était possible, les articulations étaient maintenues en laissant le cartilage et les tissus conjonctifs dans les zones, qu'on laissait sécher. « Si l'on a besoin de repositionner l'un d'entre eux, ils suffit juste de réhydrater le tissu conjonctif », commente Grigonis. « On le réhydrate et on le modèle et le repositionne ensuite — et on le laisse à nouveau sécher à l'air libre. »

Un estomac séché, qui va être réhydraté.

La réhydratation fonctionne aussi dans d'autres cas : comme Grigonis sort deux estomacs humains de bocaux et les pose sur une table du labo, il pointe du doigt les différences entre les deux. L'un a l'air normal, l'autre, montrant une tumeur cancéreuse, est entièrement sec — ce qui peut arrivé and un bocal fuite ou quand il est mal scellé, le liquide de préservation s'évaporant alors. « C'est ce à quoi ressemblait le premier », précise Grigonis, avant de se lancer dans une explication détaillée du processus de réhydratation, qui implique des bains à température contrôlée, des chambres sous vide et des solutions d'éthanol. On vous épargne les détails : plutôt que de jeter ces vieux bouts desséchés — comme le font de nombreuses institutions — le Mütter a trouvé un moyen de les conserver.

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Un estomac, avant et après réhydratation

Plus loin, traînent encore de nombreuses curiosités : un plateau sur lequel reposent des objets enlevés des voies respiratoires de patients par le laryngologiste Chevalier Jackson ; un modèle en cire d'une procédure chirurgicale ; une reproduction en plastique du pied-bot d'une femme chinoise.

Le travail du restaurateur d'un musée d'histoire médicale semble demander des compétences très variées — et une énergie a revendre. « Il y a dix à douze vies de travail ici », conclut Grigoris.

Réplique d'un pied-bot

Plateau d'objets trouvés dans les voies respiratoires de patients de Chevalier Jackson

Les squelettes de la "salle des os"

Pour en savoir plus sur le Mütter Museum, cliquez ici.

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Dans l'atelier d'un restaurateur privé
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