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Music

Onyx resteront à jamais nos rappeurs chauves préférés

On a discuté futur, barbiers hipsters et juggalos avec Sticky Fingaz et Fredro Starr, avant la sortie de leur nouvel album, « Shotguns In Hell ».

Les New-Yorkais d'Onyx sont cousins et complices depuis toujours, ayant tous deux travaillés dans des barbershops avant de se lancer en musique. Après avoir fêté le quart de siècle de leur premier album, Bacdafucup, Fredro et Sticky sont en tournée quasi constante depuis la sortie de leur dernier album, Wakedafucup, en 2014, mettant ainsi un peu de côté leur carrière d'acteur. « Tu peux être acteur jusqu'à la fin de ta vie, regarde Morgan Freeman », explique Fredro. « Mais tu ne peux pas avoir 80 ans et continuer », a renchéri Sticky.

Leur plus récent EP, Against All Authorities, paru en 2015, aborde le climat social américain pesant avec des titres comme « Look Like a Criminal », « Da Liquor Store » ou encore « Fuck Da Law », et leurs textes évoquent le profilage racial et les meurtres d'Afro-Américains par des policiers. En plus de leur groupe, les gars ont fondé 100 Mad, un collectif avec lequel ils lancent la carrière de jeunes rappeurs. On retrouve notamment plusieurs artistes canadiens sous leur bannière, dont Merkules et Snak the Ripper. On les avait déjà rencontré pour un Range tes disques, mais on ne se lasse jamais de nos rappeurs chauves préférés.

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Noisey : Parlons un peu du climat social aux États-Unis, avec l'élection récente de Donald Trump et le pic de violence policière envers les afro-américains de ces dernières années…

Sticky Fingaz : De ces dernières années ? Ça dure depuis le début du siècle dernier ! Ça a toujours été courant, la seule différence c'est que maintenant les gens ont des caméras !

Donc vous pensez que les caméras aident les gens, surtout les Blancs, à être plus conscients du racisme systémique ?
Sticky : Non, je ne le pense pas. Je le sais ! Et ce n'est pas que les Blancs, c'est tout le monde. Même les Noirs en sont plus conscients. Les Chinois, n'importe qui… Même moi.

Fredro Starr : Tous les trucs dont on parle depuis 20 ans dans nos chansons, les gens se rendent compte que c'est vrai. Et qu'est-ce qu'on fait pour y remédier ? Rien !

Ce sont les thèmes de votre prochain album ?
Fredro : Nah… On en parle toujours un peu, comme devrait le faire tout le monde, vu que c'est notre réalité commune. Mais pour l'instant, notre prochain projet s'appelle Shotguns in Hell, en featuring avec Dope DOD.

Sticky : On a déjà sorti un EP, AAA [Against All Authorities], qui était très orienté sur ces sujets-là, et c'est un projet qui restera intemporel. Je pense par exemple à la chanson « (Cops Killing Niggaz at) Da Liquor Store ».

Fredro : Chaque année, des trucs comme ça arrivent, et ça va continuer.

Le fait que vous abordiez déjà ces thèmes-là il y a plus de 20 ans rend t-il votre musique toujours aussi actuelle et populaire aujourd'hui ?
Fredro : AAA était particulièrement explicite par rapport à ces thèmes-là. Et rien ne change, parce que chaque jour il y a d'autres Noirs qui se font tuer par des policiers en allant au liquor store. C'est comme ça : les gens meurent tous les jours. Ce n'est pas que des policiers qui tuent des Noirs, c'est des Noirs qui tuent des Noirs, des enfants qui tuent des enfants. Il y a même des enfants qui tuent des vieux. Des gens qui tuent des chiens, des chats… peu importe ! La mort fait partie du cycle de la vie, c'est dommage, mais c'est la réalité.

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Vous avez encore de l'espoir ?
Sticky : Je ne crois pas au concept du futur, ce n'est qu'un produit de notre imagination. Quand demain arrivera, aujourd'hui aussi. Mais j'ai espoir, tu vois ? Comme je le dis, ça fait des années que ces trucs-là arrivent, et je ne crois pas que ça va arrêter de sitôt.

Fredro : De toute façon, on n'a rien à quoi s'accrocher sauf à l'espoir ! On espère tous se réveiller demain matin. C'est ce qui nous rend humains. Même les gens qui se suicident, dans leur dernier souffle, il leur reste un peu d'espoir avant de mourir.

Sticky Fingaz

Votre rap hardcore était juste une manière d'exposer votre réalité, ou vous ressentiez que c'était un vide à combler sur le marché ?
Fredro : Je crois qu'il y avait surtout un vide. Personne faisait ce qu'on faisait, ou du moins pas comme nous on le faisait. Parce que même nous, on ne savait pas ce qu'on faisait. On a créé un truc qui était nouveau, une nouvelle couleur : du bleu, du rouge, peu importe. Les gens faisaient des trucs qui se rapprochaient de ça, mais ce que nous on faisait, c'était tout à fait nouveau. Notre musique évoluait en même temps que nous. Jam Master Jay a facilité le processus, avec l'argent, avec l'infrastructure. Je crois que notre biopic pourra tout expliquer. Avec un peu de chance, il sortira l'an prochain. Les gens verront comment Onyx a débuté et sauront d'où vient tout ça.

Je discutais avec votre manager, Perry, qui me disait que vous êtes vraiment populaires en Europe, et que vous remplissez des salles de milliers de personnes en Russie. D'après vous, qu'est-ce qui explique votre succès là-bas ? Croyez-vous que votre message a une résonance particulière chez les Européens ?
Fredro : En fait, on est surtout populaires en Amérique du Sud. On est récemment allés en Afrique. Il n'y a pas que la Russie ou l'Europe, c'est un phénomène planétaire. En Afrique, on n'entendait que parler de « Raze It Up », et pourtant on n'a jamais fait de clip pour cette chanson-là. Tout le monde nous en parlait; elle était plus populaire que « Slam » là-bas ! Peu importe où on est, on se met au milieu du conflit. Le hip-hop est politique à la base, mais quand les gens viennent aux concerts, ils veulent se défouler, s'amuser. Ils s'en foutent d'où tu viens, de ton président, ils s'explosent avec toi, et te considèrent comme une personne normale.

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Vous allez jouer au Gathering of the Juggalos à Calgary. Vous l'avez déjà fait quelques fois auparavant. C'est comment comme expérience ?
Fredro : [Il prend une voix de skateur blanc stéréotypée] C'est trop coooool, dude ! [Rires]

Sticky : Leur public est vraiment très particulier, c'est une famille. C'est du hip-hop sous l'influence des drogues.

Fredro : Ce n'est pas que ça, mais c'est certain que les drogues sont déterminantes là-dedans. J'aime bien me défoncer quand je vais là-bas. C'est la quatrième ou cinquième fois qu'on le fait, et c'est bien à chaque fois. Une fois, j'ai même fumé avec George Clinton dans notre loge !

Sticky : Et il nous disait à quel point il aimait Onyx. C'était fou.

Fredro : C'est hyper inclusif comme festival. Tous les genres sont représentés. C'est une idée de fou, avoir Onyx et George Clinton sur la même affiche. C'est toujours cool, mais cette fois-ci, c'est au Canada, donc ça va être encore plus malade.

Fredro Starr

Comment les Juggalos réagissent par rapport à votre public habituel ?
Sticky : Ils sont fous, un peu comme tout le monde.

Fredro : Ils ajoutent une touche de Faygo [le soda préféré des Juggalos]. Mais ils ont toujours de l'amour à donner à Onyx. On y va surtout pour les grosses cuisses de dindes, qu'ils vendent au camion-cantine. On mange ça en backstage, on va chercher un peu de drogue, on se défonce, quoi.

Avec 100 Mad, votre label, vous faites connaître pas mal de rappeurs underground, c'est important pour vous ?
Fredro : Non c'est faux, il faut savoir qu'on ne fait connaître personne. Tous les artistes sur le label sont déjà des champions dans leur discipline. Il n'y a personne qui signe chez 100 Mad, on ne voulait pas le faire comme ça. C'est une fondation regroupant des rappeurs et des frères qui essaient de bien s'entendre et qui se réunissent par amour pour la culture. Bien entendu, les gens ont leurs préférés, comme pour n'importe quoi. Chaque mouvement en engendre un autre.

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Sticky : L'union fait la force !

Fredro : Je ne veux même pas commencer à nommer tous ceux qui sont dans 100 Mad, il y en a tellement.

Et c'était voulu d'avoir autant de rappeurs canadiens dans votre catalogue ?
Fredro : C'est un mouvement mondial ! On a des Canadiens, des Hollandais, des Allemands, même des Chinois !

Sticky : Quand tu voyages autant que nous, tu ne vois plus les frontières. Il n'y a plus de Canada, plus d'États-Unis, il n'y a que la Terre. Et même si t'allais sur d'autres planètes, t'en entendrais parler, de 100 Mad.

Vous les trouvez comment vos nouvelles recrues ?
Sticky : Ils s'infiltrent tout seuls ! Ils nous disent : « On veut être dans 100 Mad ! » et on leur répond oui. S'ils sont down avec nous, on est bien contents de les avoir. Si vous voulez joindre l'équipe, il suffit de parler à Perry, notre manager. C'est le gardien des lieux.

Vous étiez barbiers avant de réussir dans le rap. Vous pensez quoi de la nouvelle vague de barbiers, celle des hipsters blancs qui demandent 100 dollars pour une coupe qui en coûterait normalement 15 chez le barbier du coin ?
Sticky : 100 balles, c'est déjà ce que je demandais à l'époque. Une coupe, c'est un investissement. Avec la bonne coupe, tu vas peut-être rencontrer l'amour de ta vie !

Fredro : Puisqu'on en parle, on est sur le point d'ouvrir une chaîne de salons de barbier. Pas juste un local, une putain de chaîne ! Et ça va s'appeler New York's Finest. Parce qu'on sait qu'il y a plein de barbiers qui ont la dalle, et on a déjà été barbiers, donc on veut créer un espace où ils peuvent venir travailler. Mais seulement les meilleurs de New York, hein. Tu peux venir, tu dépenses 100 balles pour ta coupe, et tu ressors tout frais. On va sûrement en ouvrir un à Montréal aussi.

Sticky : Et une fois par mois, je vais faire des coupes. Mais je ne ferai que raser les têtes à blanc, coupe chauve pour tout le monde !

Le nouvel album d'Onyx, Shotguns in Hell, sort le 29 mai.

Toutes les photos sont signées Émilie Larivée-Tourangeau.