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Les guerres de demain se regarderont en livestream

Les gens veulent de l'action. Mais la guerre, c'est 99% d'ennui.
Screengrab: Kurdistan24 News

Des centaines de milliers de personnes à travers le monde ont regardé le début de l'assaut sur Mossoul, une ville irakienne tenue par l'Etat islamique, en direct sur Facebook et YouTube hier matin.

Le stream le plus populaire - il y en avait plusieurs - a été partagé par le média kurde Rudaw et re-posté par le Washington Post et Channel 4 au Royaume-Uni. Alors que certains spectateurs commentaient l'offensive, pour d'autres, c'est le livestream lui-même qui constituait un événement. Alors que des emoji furieux et des "Wahou !" défilaient sur l'écran devant des images de guerre, certains n'ont pas pu s'empêcher de remarquer que tout cela ressemblait un peu à une oeuvre de science-fiction sur une culture obsédée par la guerre.

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Pour les spectateurs qui regardaient ces streams, il n'y avait ni explication, ni contexte, ni sous-titres ou autre traduction - seulement des images d'un paysage lointain et désertique couvert d'hommes et de camions, souvent immobiles, et parfois secoués par des moments de violence. Face à cela, des commentateurs se désespéraient : "POURQUOI PERSONNE NE TIRE, POURQUOI ÇA N'EXPLOSE PAS. JE VEUX VOIR LA GUERRE", smiley déçu.

Mais quelle guerre, au juste ? Peut-être celle que l'on voit dans les films, les jeux vidéo et à la télévision, dans des lieux réels ou imaginaires, et peu importe d'ailleurs que le dernier Call of Duty se passe en Afghanistan ou dans l'espace ?

"La guerre, c'est 99% d'ennui et 1% d'excitation et/ou de pure terreur, m'a expliqué David Axe, reporter de guerre et éditeur du site War Is Boring. Vous courez, vous attendez, vous bougez lentement, vous avancez, vous tenez une position, vous vous ravitaillez, vous changez vos plans, vous vous reposez, vous mangez, vous avancez à nouveau, etc., etc. Cela peut être très ennuyeux. Jusqu'à ce que les combats commencent. D'un coup, ce n'est plus ennuyeux du tout. Mais en réalité, la guerre, c'est l'inverse des films d'action."

Regarder le livestream de l'assaut sur Mossoul sans contexte ni explications m'a fait le même effet que quand j'ai regardé Leçons de ténèbre, le film de Werner Herzog sorti en 1992. Dans le film, Herzog montre des images au ralenti des puits de pétrole koweïtiens en feu après la Guerre du Golfe, résultat de la politique de la "terre brûlée" menée par l'Armée irakienne lors de sa retraite.

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Sauf qu'Herzog ne nous donne aucun contexte politique ou historique ; il ne dit même pas que ça se passe au Koweït, ni même sur Terre. "Il n'y a pas une seule image dans le film qui permette d'identifier formellement notre planète, et pourtant nous savons que c'est là qu'il a été filmé", a-t-il déclaré au sujet du film. Son intention était de présenter le conflit en des termes métaphysiques, et d'aller plus loin que les journaux télévisés malgré un déluge quotidien de faits et de détails. Du vide sémantique qui émane de ces images qui pourraient avoir été tournées au cours de n'importe quelle guerre, on voit émerger une compréhension plus profonde de la nature de la guerre elle-même.

Mais en 2016, plus de 20 ans après le tournage de Leçons de ténèbre et sur les réseaux sociaux (plutôt que dans un cinéma d'art et d'essai un peu sombre), le vide ne nous fournit pas une compréhension profonde et métaphysique de la nature humaine. Dans les commentaires, les gens réclament plutôt de l'argent. Ils parlent de porno. Ils citent des paroles de Green Day. Ils traitent les autres de "pédés".

Pour être tout à fait honnête, tout le monde n'a pas réagi de cette manière. Mais beaucoup de gens l'ont fait.

"Le livestream a une valeur journalistique", affirme Axe, qui rappelle qu'il vaut généralement mieux ignorer les commentaires partout sur Internet.

Au final, un livestream de guerre - à en juger par les commentaires en direct - ressemble beaucoup au livestream d'un concert ou de n'importe quel événement. Le fait qu'il ne coûte presque rien de partager le stream mis en place par quelqu'un d'autre sur votre propre page (ramenant au passage de nombreux spectateurs) signifie-t-il que nous sommes appelés à revoir ce genre de choses ? "Absolument", estime David Axe.