Avec celles et ceux qui se font stériliser avant 30 ans

FYI.

This story is over 5 years old.

reproduction

Avec celles et ceux qui se font stériliser avant 30 ans

Bienvenue dans le monde des gens qui ne veulent pas d'enfant.

Katelin, 19 ans, vit à Philadelphie. Elle est absolument certaine de ne pas vouloir d'enfant. « Franchement, je n'aime pas les enfants – on dirait des petits microbes chiants et malpolis », m'explique la jeune femme. Elle n'a pas totalement tort : les humains de moins de cinq ans sont des machines de destruction imprévisibles. D'un autre côté, nombreux sont les adultes qui restent des enfants toute leur vie.

Publicité

Katelin est tellement sûre d'elle qu'elle envisage de se faire stériliser prochainement. Cette procédure n'est pas à prendre à la légère : il s'agit souvent de ligaturer ses trompes de Fallope pour empêcher la rencontre entre spermatozoïdes et ovules – vous connaissez la suite. Cette opération est réalisée sous anesthésie générale, et dure une vingtaine de minutes. Le plus important est que le résultat est permanent – ou extrêmement difficile à modifier, la déligature étant hasardeuse.

Certaines personnes estiment qu'il s'agit d'un choix particulièrement radical pour quelqu'un de si jeune, mais Katelin est sûre d'elle. « Je suis en âge de voter, de jouer au Loto, de conduire et même d'aller en prison – pourquoi je ne pourrais pas décider de ne pas vouloir d'enfant ? », avance-t-elle. Elle n'est pas la seule à penser de la sorte. De plus en plus d'hommes et de femmes souhaitent dire adieu à leur fertilité. Ce phénomène a fait l'objet d'un récent documentaire de la BBC, Young and Sterile: My Choice. Celui-ci tente de comprendre pourquoi des adolescents et adolescentes qui refusent d'avoir des enfants prennent une décision aussi radicale à leur âge.

En France, ils sont 6,3 % des hommes et 4,3 % des femmes, selon l'enquête « Fecond », réalisée en 2010 auprès de 5 275 femmes et 3 373 hommes âgés de 15 à 49 ans par l'INED et l'Institut national de la santé et de recherche médicale (Inserm). La moitié sont en couple. Pas d'inquiétude pour les chiffres de la natalité française : ces proportions sont stables depuis une vingtaine d'années. Selon l'INED et l'Inserm, 6,3 % des hommes et 4,3 % des femmes âgés de 15 à 49 ans ne désirent pas d'enfant. Ces proportions sont stables depuis une vingtaine d'années mais masquent des réalités différentes selon les générations.

Publicité

Paul Pritchard, 29 ans, a accepté que l'on filme sa vasectomie dans le cadre du documentaire de la BBC. « Je ne me suis jamais vu comme un père de famille, m'explique-t-il. Les enfants n'ont jamais fait partie de mes plans de vie. »

Les gens qui font le choix de la stérilisation ont tous leurs raisons, et ce n'est pas seulement par peur de devenir parent par accident. Très souvent, la génétique est un facteur clé. Katelin souffre de problèmes mentaux et d'une insuffisance cardiaque. Elle ne souhaite pas transmettre cela – bon, elle admet également vouloir « conserver son vagin tel quel ». De la même manière, Paul souffre de dépression depuis son enfance et doit vivre avec un diabète de Type 1. « Il serait cruel de ma part de donner naissance à un enfant souffrant de la même chose », résume-t-il.

Andie et sa partenaire.

Andie (à gauche) et sa petite amie 

Andie est âgée de 28 ans. Elle a vécu des moments difficiles au cours de son enfance. « Ma mère était une personne très violente et j'ai été éloignée d'elle dès mon plus jeune âge, me confie-t-elle. J'ai vraiment peur d'avoir des enfants et de devenir comme elle. Je ne veux pas que mes enfants subissent la même chose. »

Andie s'est fait stériliser l'année dernière. Selon elle, ça a été la meilleure décision de sa vie. « Ça a grandement amélioré ma santé mentale. Personne n'arrête les gens qui veulent avoir des enfants, alors pourquoi arrêter ceux qui n'en veulent pas ? »

Publicité

Mais trouver un médecin qui est d'accord pour réaliser cette opération n'est pas chose aisée. Paul a dû attendre 11 ans avant de trouver un médecin qui accepte sa demande. « Le premier médecin que j'ai consulté, qui est aujourd'hui à la retraite, ne me racontait que des conneries en balançant des statistiques du genre : 90 % des gens qui se font faire une vasectomie le regrettent, m'explique-t-il. À l'époque, j'avais 18 ans, et il me traitait comme un gamin. »

Si ne pas vouloir d'enfant est une décision lourde de conséquences pour les hommes, elle l'est encore plus pour les femmes. La pression sociale est omniprésente. Affirmer que l'on ne dispose pas d'un instinct maternel n'est pas accepté par tout le monde. Pour Andie, le regard des autres a toujours été dur à supporter. « Les gens vous jugent, rappelle-t-elle. Quand je suis retournée à l'hôpital, une femme médecin m'a vraiment fusillée du regard. »

Andie est persuadée qu'une telle attitude est un symptôme de la performativité du genre. « Cette idée selon laquelle les femmes doivent se poser, se marier et avoir des enfants – ce n'est qu'une question de morale, non ? La vie n'est pas qu'une affaire de reproduction. Ça renvoie à l'idée patriarcale de la binarité de genre. Je suis totalement contre ça. »

Andie n'exclut tout de même pas entièrement d'avoir des enfants. Comme elle l'explique : « Il y a des façons d'avoir des enfants qui n'impliquent pas de les faire sortir de son utérus. » Andie mentionne l'adoption. De son côté, Paul se refuse à en avoir. « Quand mon dernier jour viendra, je préfère regretter de ne pas avoir eu d'enfant plutôt que de regretter d'en avoir eu », m'affirme-t-il.

Et Katelin de conclure : « Je veux avoir du temps pour moi, pour voyager et dépenser mon fric. Ma génération vit dans un monde complètement désabusé. Nous naissons dans des familles dévastées. Nous ne voulons pas nous reproduire, tout simplement. C'est ma vie, et je ne fais de mal à personne. »

Suivez Louise Donovan sur Twitter.