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Est-il éthiquement correct de frapper un nazi en pleine figure ?

Un éthicien donne quelques conseils à ceux qui envisageraient de tabasser une personne ayant prêté allégeance à Hitler.
Image via Youtube

Comme vous le savez sans doute, l'investiture du nouveau président des États-Unis Donald Trump a généré son lot de destructions urbaines, de mobilisation 2.0 et de manifestations. Au milieu de tout ce bordel, un événement a retenu l'attention du grand public. Alors que le néonazi Richard Spencersupporter de Trump – était en train d'être interviewé dan la rue, un mec avec une capuche a débarqué pour lui mettre une droite assez appuyée. Si vous n'avez pas vu la vidéo, la voici pour vos yeux ébahis (vous pouvez également bousiller votre journée sur ce compte Twitter, qui vous permet d'admirer cette même vidéo dans différentes ambiances sonores) :

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Sans surprise, pas mal de gens sur Internet se sont délectés de ces images, établissant rapidement un parallèle avec une représentation de Captain America en train de mettre une droite à Adolf Hitler.

Malgré ce plaisir ô combien enfantin, d'autres voix se sont levées pour s'interroger sur la portée d'un tel acte. Est-il vraiment acceptable de frapper quelqu'un, même si celui-ci est une ordure de la pire engeance ? On dit souvent que, dans nos États modernes, seul l'État détient le monopole de la violence légitime – une conception qui remonte à Max Weber et qui, bien évidemment, est souvent interrogée.

Afin de me pencher plus amplement sur la question, j'ai passé un coup de téléphone à Randy Cohen, ancien éthicien au sein de la rédaction du New York Times Magazine. C'est lui qui me conseille dès que je suis confrontée à un problème éthique qui me paraît insoluble.

VICE : Bonjour Randy. Selon vous, peut-on justifier un tel coup de poing ?
Randy Cohen : Non. Vous n'avez pas à frapper un mec, même si vous haïssez ses idées. Ce n'est pas acceptable. Je défends le principe d'une « société civilisée » au sein de laquelle les individus discutent pour régler leurs différends. Je ne suis pas sûr qu'une société de type guerre de tous contre tous soit souhaitable. Il me paraît difficile de justifier un tel coup de poing aux niveaux moral et éthique.

La violence à l'encontre d'un individu ou d'un groupe qui promeut la violence peut-elle être justifiée ?
Je ne le crois pas. Si quelqu'un en face de vous défend l'usage de la violence, vous n'avez pas à le considérer comme un référent moral. Voulez-vous vraiment imiter ses méthodes ? Vous avez tout à fait le droit de vous défendre lorsque vous êtes attaqué – c'est le principe juridique de la « légitime défense » – mais, dans le cas qui nous intéresse, cela n'a rien à voir.

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Il n'y a donc aucune excuse ?
Vous savez, les discours d'incitation à la haine sont punis par la loi dans de nombreux pays. La réponse ne réside donc pas dans la violence physique, mais dans l'implication du pouvoir judiciaire, ce qui est très différent.

Si vous tenez vraiment à vous impliquer, prenez l'exemple du mouvement des droits civiques et de Martin Luther King dans les années 1960. Ces gens-là ont défendu la non-violence alors qu'ils étaient constamment attaqués – verbalement et physiquement. Ils n'ont pas répondu, en ont souvent payé le prix, mais ils sont aujourd'hui un modèle pour notre société.

Et que pensez-vous des gens bien élevés qui ne peuvent s'empêcher de prendre du plaisir en voyant un néonazi se faire frapper ?
Les crimes de pensée n'existent pas, il est toujours utile de le rappeler. Je comprends parfaitement qu'on puisse sourire en voyant un néonazi se faire frapper – il devient la victime d'un acte qu'il a toujours plus ou moins défendu dans ses propos. Il faudrait être un surhomme au sens moral du terme pour ne prendre aucun plaisir à voir les extrémistes se faire frapper. Mais ça ne justifie en rien un tel acte.

S'il est acceptable de prendre un malin plaisir devant cette vidéo, qu'en est-il de la partager ?
Là, le problème se complexifie. Quand vous partagez un document quel qu'il soit, on peut vous accuser de justifier les actes qui sont cités/montrés dans ce document. Je crois que vous feriez mieux de ne pas partager de telles vidéos. Encore une fois, je me répète : la violence à l'encontre d'individus qui propagent des idées qui vous débectent ne pourra jamais se justifier.

Si je croise un néonazi dans la rue, mieux vaut donc que je fasse comme si je ne le connaissais pas ?
Il vaudrait mieux modifier les termes de votre question. Ce qui importe, ce n'est pas ce que vous ferez au moment où vous croiserez une telle personne. Non, la question que vous devriez vous poser est tout autre : qu'est-ce que je fais au quotidien pour lutter contre la propagation des discours de haine ? Vous pouvez vous impliquer d'une façon et d'une autre, vous avez des centaines de choix qui s'offrent à vous. Vous poser la question de savoir si vous avez le droit de frapper un néonazi est totalement réducteur, et profondément inutile.

C'est noté. Merci Randy.

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