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Une association anti-bruit demande aux Espagnols de gueuler moins fort au restau

« Comer sin Ruido » (littéralement : « Manger sans bruit ») est un collectif de dîneurs zen qui milite pour la baisse du volume sonore dans les restaurants.

En général, l'environnement sonore d'un restaurant rentre dans l'une ces trois catégories : le calme convivial, l'animé supportable ou le très animé-un-peu-lourdos. Mais la plupart du temps, force est de constater que les restaus sont tous hyper-bruyants.

Pour qui aime apprécier un peu de calme au moment de passer à table, il n'y a rien de pire que de se retrouver dans un endroit dans lequel on entend des mecs gueuler à l'autre bout de la salle des trucs comme : « Wow ! Cet os à moelle défonce ! Le vin est juste dément ! On a plus de pain ! Est-ce qu'on peut avoir du pain ? Est-ce qu'il vous reste du pain !? ». Dans ces cas-là, deux pensées traversent généralement l'esprit du dîneur zen : « Sérieusement, t'es obligé de crier si fort, connard ? » et « Je crois que je suis en train de devenir vieux ».

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Heureusement, quelque part de l'autre côté des Pyrénées, un collectif espagnol a décidé de s'opposer aux clients sans gêne qui rendent les salles de restaurant aussi bruyantes que des salles de concert. Un acte d'autant plus brave quand on sait que dans l'imaginaire collectif, l'Espagne est un pays réputé pour être un vivier d'énergumènes plus ou moins bruyants.

Oír Es Clave, le collectif en question, est en fait une association qui vient habituellement en aide aux malentendants. Pour lutter contre la cacophonie dînatoire, elle vient de lancer une campagne de sensibilisation nommée « Comer sin Ruido » (littéralement : « manger sans bruit », N.D.L.R).

Dans un article de The Local, Svante Borjesson, le directeur de l'association, dresse le terrible constate : « Ici en Espagne, on a clairement un problème avec le niveau de volume de nos conversations. On est le second pays le plus bruyant du monde, après le Japon. »

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Comer Sin Ruido offre un service de conseil aux restaurateurs qui cherchent à diminuer le bruit en salle. Ils peuvent, par exemple, bricoler leurs chaises pour qu'elles soient moins bruyantes quand on les déplace, baisser le volume de la musique et des téléviseurs ou encore, séparer les tables pour éviter qu'elles s'entrechoquent et surtout, demander aux chefs de moins gueuler en cuisine. En Espagne, il faut aussi composer avec toute une culture de la vie nocturne qui se passe en partie dans la rue, ce qui implique de trouver des moyens pour ne pas faire rentrer le bruit de la rue dans la salle de restaurant, en installant des panneaux insonorisants, par exemple.

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Quelques grands noms du milieu de la gastronomie espagnole soutiennent l'idée, comme le chef madrilène Ramón Freixa, deux étoiles Michelin et une place dans le catalogue Relais & Château. Il a donné sa vision des choses dans le magazine Engemenino : « La gastronomie est une expérience perceptuelle et donc le bruit peut vraiment venir perturber ce plaisir. »

Oír Es Clave espère que les guides qui pèsent lourd prendront progressivement en considération le niveau de bruit ambiant dans ses critères de notation. En 2013, un sondage organisé par le guide américain Zagat a révélé que la critique qui revient le plus à l'encontre d'un restaurant est justement son niveau de bruit. Que celui qui ne s'est jamais plaint d'un gosse qui braille à la table d'à côté au restau leur jette la première pierre.

L'année d'avant, le New York Times s'était amusé à relever le niveau des décibels dans plusieurs restaurants de la Grosse Pomme : sur tous les restaurants testés, la plupart dépassaient les 90 décibels, soit presque autant que le bruit émit par une tondeuse à gazon (96 décibels), une perceuse électrique (94 décibels) et un peu plus qu'une rame de métro qui entre en station (84 décibels).

Dîner dans un restaurant n'a pas que des conséquences sur votre humeur, c'est une habitude qui à la longue peut vous flinguer les tympans : s'exposer à un tel niveau sonore pendant un trop long moment peut entraîner des problèmes auditifs assez graves qui peuvent aller jusqu'à la perte de l'ouïe. Aux États-Unis, le département chargé de la sécurité au travail oblige les salariés qui doivent travailler pendant plus de 8 heures d'affilée dans un environnement bruyant (plus de 90 décibels) à porter des protections auditives.

Alors que certains restaurants dépensent déjà des sommes astronomiques pour réaménager leurs salles afin de réduire le boucan ambiant, un article du Times révèle deux études qui incitent les restaurateurs à faire l'inverse. La première remarque que les gens ont tendance à consommer plus de boissons lorsque la musique est trop forte. La seconde annonce que les gens mâchent plus vite quand ils écoutent une musique au tempo rapide. Si augmenter le volume de la musique pour rendre l'ambiance plus festive (et donc pousser à la consommation) semble être une stratégie marketing relativement acceptable, l'idée que des restaurateurs puissent passer de la techno uniquement pour inciter les gens à mâcher plus vite reste un peu absurde.

Plutôt que d'inciter les restaurateurs à engager des vigiles chargés de faire respecter le silence et payés à souffler des « chuuut » dans le cou des clients (quoi, ça existe déjà ?), Oír Es Clave préfère chercher des méthodes plus pragmatiques pour changer les choses.

Le bruit est une pollution globale et inévitable, il est donc inutile de pointer du doigt ceux qui ont le verbe plus haut que les autres. Même si vous vous retrouvez dans un restaurant bondé à Madrid. Même si vous êtes entourés d'Espagnols qui gueulent tous très forts.