« Arrêtez de considérer Obama comme un type sympa, lui et ses gentilles bombes » – une interview de Raymond Pettibon

Raymond Pettibon est un artiste que l'on qualifie généralement de « reconnu » – notamment pour ses dessins troublants, souvent en noir et blanc. Il est entré dans la légende grâce aux œuvres réalisées pour le label de son frère, SST Records. Si de nombreux adolescents le connaissent en tant que créateur des pochettes de Black Flag, cela ne représente qu'une infime partie d'un travail colossal.

C'est celui-ci, dans toute son hétérogénéité, qui fait l'objet d'une rétrospective au New Museum de New York. Raymond Pettibon: A Pen of All Work réunit des centaines d'œuvres du natif de Tucson sur quatre étages. Les dessins et peintures sont regroupés selon leur thématique principale. Charles Manson, vagues surdimensionnées, trains, Batman : tous ces motifs ont été évoqués par Raymond Pettibon au cours de sa longue carrière. Ses fanzines et ses vieilles vidéos pour Sonic Youth et Mike Kelley sont également exposés.

Alors qu'il ne souhaitait pas répondre aux demandes d'interview à l'approche de son exposition, il a tout de même accepté de s'entretenir avec moi pendant qu'il finissait ses peintures murales situées au premier étage du musée. C'est là que j'ai croisé Raymond Pettibon, accompagné de son assistant.

VICE : Bonjour Raymond. Combien de temps avez-vous mis pour réaliser ces peintures murales ? Quand avez-vous commencé ?
Raymond Pettibon : La semaine dernière, je crois. Je travaille par intermittence.

Regarde un peu. Ça, c'est Jackie Robinson [célèbre joueur américain de baseball, N.D.T.]. Je préfère l'improvisation, tu sais, parce que je ne sais jamais à quoi ça va ressembler à la fin.

Quelle est la signification de ce « A » ?
Il s'agit seulement d'un clin d'œil personnel, une dédicace à ma tante Aino.

Avez-vous pour habitude de toujours tout improviser ?
En général, j'improvise tout le temps. Dans la plupart des cas, je m'en fous un peu. Je n'ai pas besoin de connaître toutes les spécificités de l'espace, la largeur, la hauteur, la longueur. Je préfère que mon travail repose sur mes capacités d'improvisation. Ça fait un paquet d'années que je fais ça alors je n'ai pas besoin de prendre des notes ou des mesures.

Avez-vous déjà regretté de ne pas pouvoir reproduire ou même conserver les peintures murales que vous avez réalisées lors de vos expositions ?
Non, mec. Il y en a trop.

Je crois savoir que vous avez pour habitude de représenter Jackie Robinson. Pourquoi ça ?
Dans mon studio, je collectionne les battes de baseball. J'en ai une qui appartenait à Jackie Robinson. Ce type avait des mains énormes, comme tu peux le voir sur ce mur.

Cette peinture est-elle achevée ?
Pour autant que je sache, oui. En vérité, je pourrais continuer à travailler dessus pour le restant de mes jours, si je le voulais.

Vous parlez souvent de politique sur Twitter. Vous êtes anarchiste, c'est ça ? 
Je suis quoi ?

Vous définissez-vous comme anarchiste ?
Anarchiste ? Qu'est-ce que ça veut dire, selon toi ? Toutes ces étiquettes ne veulent plus rien dire désormais.

Avez-vous un avis sur Donald Trump ?
Après Obama, Clinton, Bush, etc. on a un mec comme Trump à la Maison Blanche. Il a un côté dissident, selon moi.

Vous appréciez ce qu'il dégage ?
Eh bien oui, enfin, dans un sens. La guerre sévit depuis bien trop longtemps au Moyen-Orient. Nous n'avons jamais eu de président pacifiste, tu sais. Je suis contre la guerre, c'est tout. Je suis contre une quelconque intervention et contre la violence.

À mon humble avis, Trump est un homme abject, ignoble – choisis tous les synonymes que tu veux. Il ne fait pas partie des « gens comme nous ». Oui, c'est un putain de raciste, c'est un haineux, un branleur, un connard. Mais il reflète ce qu'est l'Amérique. Arrêtez de considérer Obama comme un type sympa, lui et ses gentilles bombes. Pareil pour Hillary Clinton. Maintenant, vous savez ce qui vous attend.

Dans un numéro du Saturday Night Live, Dave Chapelle et Chris Rock se moquaient de l'inquiétude et de la surprise des électeurs blancs après l'élection de Donald Trump. Qu'en pensez-vous ?
Merde, on s'en fout de l'opinion de Dave Chapelle, non ? On ferait mieux de demander aux habitants du Moyen-Orient ce qu'ils en pensent. Aux Syriens, Irakiens et Yéménites qui vivent dans la rue et qui cherchent désespérément un toit pour dormir. Qui est à l'origine de cette catastrophe ? Trump n'était pas encore là. Il s'agit d'Obama, de Clinton, de Bush. Ils racontent tous de la merde. Hillary Clinton et sa défense du principe d'intervention humanitaire. Je suis contre l'intervention, point final.

On ferait mieux de construire un mur autour de l'Amérique, pas pour empêcher les gens d'entrer mais pour qu'on laisse tranquille le monde entier.

J'ai l'impression que Trump a ramené pas mal de sujets houleux sur la table.
J'ai un profond mépris envers Trump. Je méprise Poutine aussi. Comme je te l'ai dit, je n'ai aucune sympathie pour une tarée comme Hillary Clinton, qui critique sans cesse la Russie, comme si nous étions au cœur d'une nouvelle guerre froide. Les dirigeants ont besoin de raviver ce conflit pour permettre au complexe militaro-industriel de survivre. Je n'ai rien à dire de plus.

Puis-je vous poser une question au sujet des barres de Black Flag peintes sur les portes de l'ascenseur ? Pourquoi avoir décidé de les peindre précisément ici ?
Il n'y avait pas de meilleur endroit, sans doute parce que ça s'ouvre. En fait, je l'ai fait pour une raison plutôt sarcastique. J'ai 59 ans et je sais que toute ma vie, on me parlera de ce groupe.

Parlons de cette peinture, si vous le voulez bien. Elle représente la Terre.
Oui effectivement, c'est bien la Terre. J'ai fait cette traînée de peinture avec ma main la semaine dernière. Le texte est de Walt Whitman. Là, c'est une main qui touche des couilles.

Et celle-là ?
À la base, il s'agissait d'un porc-épic, qui est devenu mon chien.

Et celle-ci ?
James Whistler était l'un des plus grands. Il faisait des gravures à l'eau-forte, des dessins, des peintures.

Qui est-ce ?
C'est un magicien avec une boutonnière qui expulse de l'eau.

Arrivez-vous à être encore excité par la perspective d'exposer vos œuvres ?
Disons que je ne suis jamais blasé de voir mes œuvres exposées. Après, ce n'est pas comme si je me disais : « C'est moi qui ai fait ça. » Putain, non.

Nick Gazin est sur Instagram.