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Comment l'Italie m'a permis de lancer ma carrière de rugbyman pro

J'ai lutté pour jouer en Top 14 et comme d'autres jeunes joueurs français, j'ai dû trouver d'autres solutions pour m'épanouir dans le rugby et voir ma carrière décoller.

Il y a 20 ans, la première division du rugby français accueillait 13 joueurs étrangers en son sein. Cette saison, ils sont 226. Une croissance exponentielle liée à l'attractivité économique du Top 14, devenu un eldorado pour les joueurs du monde entier. Loin de défendre un protectionnisme rétrograde, de nombreuses voix s'élèvent pour critiquer la dynamique actuelle dans laquelle se trouve le rugby hexagonal. Car cette internationalisation des clubs français a des répercussions bien concrètes sur les jeunes joueurs issus des centres de formation. Peu sollicités par les équipes premières, leur explosion au plus haut niveau est retardée, voire avortée. C'est pourquoi certains, comme Malou Mornas, jeune joueur de 21 ans, empruntent des chemins de traverse pour espérer percer. Passé par les équipes de jeunes des plus grands clubs du Top 14, ce demi d'ouverture a retrouvé du temps de jeu et le bonheur de jouer au rugby en s'expatriant en Italie. Il nous raconte ici son parcours, entre passion familiale, rêves de Top 14, et épanouissement de l'autre côté des Alpes.

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Mes premiers souvenirs de rugby sont associés à ma famille. Les deux sont profondément liés, ils constituent un peu le berceau de mon enfance. Je suis arrivé à ce sport à l'âge de 5 ans grâce à mes grands frères, quand eux avaient 7 et 9 ans. Tous les mercredis, je voyais donc les frères s'amuser sur le terrain mais aussi à la maison où ils se faisaient tout le temps des passes… J'ai très vite eu envie de jouer moi aussi.

Ils jouaient chacun dans leurs catégories respectives, tandis que mon père était entraîneur au club. Ma mère aussi était impliquée à sa manière. A l'époque, elle avait ses mercredis de libre, on partait tous les quatre pour l'entraînement. Après avoir déposé mes grands frères, elle m'emmenait à la bibliothèque pour emprunter des dessins animés, puis on revenait voir la fin de l'entraînement.

Mes parents avaient essayé de m'inscrire, mais j'étais beaucoup trop jeune. Mon grand frère Maxime a insisté auprès de l'entraîneur, qui a accepté que je participe aux entraînements. C'est comme ça que j'ai fait mes débuts au club de la ville de Meaux, au RMN77, devenu aujourd'hui le RCPM77. J'y suis resté un bout de temps, et ça reste encore aujourd'hui mes meilleurs souvenirs de rugbyman. A cet âge-là, on joue vraiment pour le plaisir, dans une totale insouciance. Je ne pensais qu'à ça, de la première à la dernière minute de la journée.

Cette période s'est achevée quand mes frères et moi sommes partis au PUC pour découvrir un niveau supérieur. Ça n'a pas été une décision facile à prendre pour notre famille. On s'éloignait de Meaux, et on débarquait dans un environnement très différent, très parisien. Mon père venait nous chercher au collège avec des sandwiches préparés la veille, puis on partait directement pour l'entraînement à la Cité universitaire (dans le sud de Paris, ndlr). Mon frère le plus âgé, lui, était déjà au lycée à l'époque. Il devait prendre le RER seul pour nous rejoindre. Ça nous prenait presque deux heures à l'aller, et le soir on rentrait à pas d'heure. A cette époque, on en a chié. Mais ça a payé.

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Malou évolue depuis cette année en Italie, sous les couleurs de Colorno.

Mon frère Maxime a été recruté par le Rugby club toulonnais (RCT), mon autre frère Marius est, lui, parti à Colomiers. Moi, je suis parti au Racing où j'ai joué demi d'ouverture. J'y ai passé une année, avant de rejoindre Toulon où j'ai donc retrouvé Max. On a même pu rejouer ensemble en Reichel (compétition réservée aux joueurs des clubs pro de moins de 22 ans, disparue depuis, ndlr). Puis je suis retourné au Racing, où j'ai joué en Espoirs. C'est une période où j'ai beaucoup progressé, où il y avait une super ambiance entre les joueurs. Il n'y avait pas de concurrence malsaine. Dans ces catégories d'âge, les clubs prennent seulement 5/6 joueurs sous contrat espoir et les autres jouent juste pour faire le nombre. Tout le monde est conscient de cette hiérarchie, ce qui évite les jalousies ou les coups bas.

Malheureusement, après ces deux belles saisons, j'ai dû partir à Colorno, un club italien de deuxième division italienne. Je ne voulais pas spécialement partir du Racing, c'est plutôt eux qui m'ont mis à la porte. Je garde un mauvais souvenir de cet épisode, mais aucune rancoeur contre le club, d'autant plus que j'ai plein de potes qui jouent là-bas.

L'idée de partir en Italie m'est venue après avoir discuté avec Sébastien Audinet, mon agent, qui avait des contacts sur place. J'avais d'autres propositions en France, dans les équipes espoirs de grands clubs, mais aussi en Fédérale 1 (troisième division, ndlr). Mais je pense que le rugby français se cherche aujourd'hui sur le profil de joueurs recherché et sur plein d'autres choses qui empêchent l'éclosion de nos jeunes, surtout à mon poste de demi d'ouverture où il y a beaucoup d'étrangers. Comme c'est un poste-clé, les coaches hésitent à accorder leur confiance à des petits jeunes de 21 ans.

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Même en Fédérale 1, le problème était le même. Pour être honnête, je ne suis pas sûr que même à ce niveau les staffs fassent jouer des gamins, surtout sur ce poste où tu arrives à maturité à 26/27 ans. Et je peux comprendre, il y a un tel écart entre le niveau espoir et l'élite, que ce soit en termes de vitesse, de technique, de physique…

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Toutes ces raisons m'ont poussé à faire mon sac et partir tenter ma chance. Ma famille et mes proches ont très bien réagi, même si mes parents étaient forcément inquiets. Ils ont essayé de le montrer le moins possible, mais je comprends leur anxiété. C'est vrai que j'aurais pu me perdre en Italie, c'était une prise de risque mais je ne regrette rien aujourd'hui. Je suis même fier de mon choix. Ça fait sept mois que je suis ici, je parle très bien, surtout grâce à Martina, ma petite amie, qui ne parle qu'italien. Forcément, ça motive !

Rugbystiquement, ce choix m'a souri. A l'entraînement, il a fallu que je m'adapte car l'approche est différente en Italie. On joue beaucoup moins au ballon qu'en France. Ici, le jeu est plus rude et plus stratégique, avec de beaux gabarits pour ne rien gâcher. Mais c'est un contexte qui me convient. Maintenant, je regarde devant moi sans crainte. J'espère monter avec Colorno, puis, qui sait, je ne me fixe pas de limites, du moment que je prends du plaisir ! J'ai eu la chance de faire quelques entraînements avec les Zèbres de Parme, une équipe de Pro12, puis même de jouer un match européen avec eux contre l'Ulster (il a été prêté par Colorno aux Zèbres sur une très courte période, ndlr).

Même si j'ai joué avec les Zèbres, mon équipe reste Colorno. Tout se passe bien, on est troisième de poule et on espère se qualifier pour les demi-finales. Seul les deux premiers de chaque poule se qualifient. On fera les comptes à la fin. J'espère en tout cas valider mon expérience personnelle et rugbystique, que je ne regrette en aucun cas, par une accession en première division.