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Faire semblant d'être géante m'a redonné confiance en moi

Comment un fétichisme sexuel m'a conduite à écraser des petits soldats en plastique.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Il y a trois ans, après avoir enchaîné les relations foireuses et les mauvaises décisions, j'ai non seulement arrêté de boire mais aussi de chercher l'amour pendant un petit moment. Sans le « courage liquide » sur lequel j'avais l'habitude de me reposer, le sexe me rendait désormais incroyablement nerveuse. Moi qui baisais autrefois sans aucune gêne dans les parcs publics, à présent je n'y mettais les pieds plus que pour des pique-niques.

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Au lieu de noyer mon chagrin dans l'alcool, j'ai décidé d'explorer les fétichismes. Il a suffi d'un atelier BDSM pour que survienne une série d'événements inattendus : un ex a voulu me revoir, un inconnu s'est proposé pour être mon w.-c. humain et une dominatrice professionnelle m'a offert un cours de BDSM gratuit sur Twitter.

Malheureusement, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé ; je n'ai pas la moindre envie d'utiliser quelqu'un comme w.-c., du moins pas pour l'instant. J'ai donc décidé d'essayer quelque chose de complètement nouveau et dont on m'avait parlé à l'atelier BDSM : la macrophilie.

La macrophilie, ou fétichisme de la femme géante, est un fantasme sexuel qui implique des hommes soumis excités à l'idée d'être écrasés ou avalés par des femmes destructrices de la taille d'un gratte-ciel.

À ses débuts, ce kink était très controversé. Certaines géantes « écrasaient » des animaux vivants : des insectes, des vers, des homards, ou pire encore. Cette pratique est désormais illégale sur les vertébrés vivants. Les macrophiles d'aujourd'hui se branlent donc sur des vidéos et des collages photo de femmes déformées grâce à Photoshop. Imaginez, comme l'évoque un utilisateur de Reddit, une « Christina Hendricks de 150 mètres de haut, détruisant sur son passage une ville bondée et pratiquant les activités sexuelles que son petit cœur de géante désire ».

Tout cela représentait un virage à 180° par rapport à mes précédentes relations, et peut-être était-ce précisément ce qui m'intriguait. Par le passé, j'avais toujours fréquenté des hommes agressifs et dominateurs. J'avais été impliquée dans des relations abusives, aussi bien du point de vue émotionnel que physique. J'étais du genre à me faire toute petite afin de satisfaire l'homme grand et puissant qui partageait ma vie. Alors s'il existait un royaume kink où les femmes étaient grandes et responsables – eh bien, je me suis dit que ça valait le coup d'essayer.

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En 2015, selon Pornhub, les recherches porno pour « géantes » ont augmenté plus que tout autre terme. Ce n'est peut-être pas aussi mainstream que, par exemple, le bondage, mais la macrophilie se répand de plus en plus.

On y retrouve des principes familiers au BDSM – des femmes qui contrôlent et des femmes déesses. Dans un post Reddit, un homme a décrit la macrophilie comme « l'ultime expression de la domination, où l'homme est réduit à néant devant la femme, n'étant parfois qu'un simple sex-toy, n'aspirant souvent qu'à être écrasé ».

Un autre macrophile, qui n'a pas souhaité divulguer son nom, m'a expliqué : « J'aime me sentir insignifiant. J'aime l'idée qu'une femme puisse m'écraser sans s'en rendre compte. Être petit me fait me sentir vivant. »

Même si cela ne relève que du pur fantasme – non, rassurez-vous, ce type n'est pas près de croiser une femme de 150 mètres de haut – il affirme qu'Internet lui permet de se faire plaisir.

J'ai contacté l'une de mes amies qui a été dominatrice à New York. Elle m'a expliqué que la plupart des macrophiles qu'elle connaît sont « des mecs puissants – des avocats, des mecs de Wall Street. Leur boulot n'est que pouvoir et contrôle, donc quand ils veulent décompresser, ils cherchent l'exact opposé de cela ». Elle en a conclu que parfois, nous sexualisons notre douleur, nos traumatismes et nos frustrations personnelles afin d'avoir l'impression de les contrôler.

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Et je comprends cela. J'ai toujours eu des problèmes d'estime de moi-même. Ma pauvre image de moi m'a menée à des relations de merde où j'essayais toujours de me dérober. Le fait de sexualiser ces insécurités me permettrait-il de les contrôler ?

J'ai décidé de tenter ma chance en publiant quelques vidéos de géantes sur mes comptes Instagram et Snapchat. Je suis allée dans un magasin de jouets afin d'acheter des soldats miniatures et des animaux en plastique, dans le seul but de me filmer en train de les écraser. Le vieil homme à la caisse m'a dit : « L'école reprend, hein ? » Je me suis demandé s'il me prenait pour une prof ou une mère.

J'ai donc posté quelques vidéos de moi écrasant ces pauvres soldats, utilisant le hashtag #giantess. Mes vidéos ont fait l'objet de quelques milliers de vues et de plusieurs commentaires.

Une femme m'a suppliée : « Pitié, écrase-moi avec tes pieds ! »

Un mec a écrit : « J'adorerais être à ta merci. »

Une femme qui, d'après sa bio, était l'esclave d'une autre géante, m'a envoyé un message : « Tu es superbe. » Puis un autre : « Fais plus de vidéos. »

Une personne m'a filé quelques conseils pour améliorer mes prochaines vidéos : « Change l'angle de la caméra pour avoir une perspective en POV des petits hommes. »

Je n'avais pas spécialement envie de marcher sur des jouets en plastique, mais l'attention que cela suscitait me plaisait. Je me suis vite retrouvée à passer des heures sur les forums de Reddit concernant les géantes. J'ai commencé à répondre à certains macrophiles qui avaient laissé des commentaires sur mon Instagram, leur demandant : « As-tu aimé ma vidéo ? Voudrais-tu en voir d'autres ? » J'essayais tant bien que mal de me convaincre que je faisais cela pour un article, mais était-ce vraiment le cas ? J'avais trouvé des personnes prêtes à me vénérer pour la simple et bonne raison que je marchais sur des jouets – et je me sentais incroyablement bien.

Ce même jour, une vidéo promotionnelle (aucunement liée aux géantes) que j'avais enregistrée plusieurs mois auparavant pour une société était publiée sur Facebook. Les commentaires étaient cinglants. Certains me traitaient de « pute moche ». D'autres déclaraient que j'étais si stupide que je ne devrais jamais devenir mère. Il y a même eu un débat pour savoir si j'étais oui ou non un homme – si je l'avais été, je suppose qu'ils n'auraient jamais commenté mon apparence en premier lieu.

Le monde réel peut être très dur et prompt au jugement, mais en tant que géante, j'ai pu échapper à tout cela. Il y avait un petit coin d'Internet qui me permettait d'être grande, imperturbable et impénitente. Je pouvais prendre de la place et n'écouter que mes désirs. Et si quelqu'un a pu s'offrir une bonne branlette grâce à ça, c'est tant mieux.

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