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Musique

Chateau Marmont sont en Amérique pour la toute première fois - Partie 2

Des steaks de viande bovine, des valises de 70 kilos et le plus gros festival d'indie-musique du monde.

Suite et fin du récit de la tournée américaine de Chateau Marmont ; des steaks de viande bovine, des valises de 70 kilos et le plus gros festival d'indie-musique du monde (sous alcool).

Dimanche

Nous prenons la route pour Washington. Arrivé à la douane américaine, on a droit à la totale, fouille du véhicule, visite des bureaux, alignez-vous, videz vos poches. Ils n'ont manifestement jamais vu de clé usb de leur vie, ni de pilules de superlevure. En tout cas c'est marrant, les policiers américains - les personnes que nous fréquentons finalement le plus - nous posent toujours des questions sur le groupe, ce que l'on fait, etc. Passé New York, Philadelphie, nous arrivons de nuit à Baltimore et traversons les quartiers malfamés de The Wire. Aucune différence, rues et Popeyes étant quasi-vides, il serait très fâcheux de crever maintenant - ou de crever tout court. On s'escrime à trouver un dernier drive-through ouvert histoire de combler notre organisme en manque en graisse comestible. On ne comprend pas un traître mot de ce que raconte la big mama qui prend la commande.

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Lundi

Matthieu débarque en furie alors que nous dormons encore. Il est tombé à 500 mètres de l'hôtel sur « le disquaire le plus incroyable du monde ». Il est tout tremblant, fébrile. Il a déjà claqué son budget vacances 2012, mais tient à y revenir avec nous. Effectivement, l'endroit est impressionnant, et l'intérieur nous rappelle fortement la pochette d'Endtroducing, le seul album de trip-hop que nous possédons encore. On dévalise littéralement le lieu. Le vendeur est étrange, il marche avec une canne, parle lentement, nous demande s'il y a aussi des disquaires en France et si nous connaissons le format CD. Nous partons ensuite nous balader du côté du Congrès et de la Maison Blanche. Les lieux sont évidemment surfliqués, la moitié des gens sur place est munie d'oreillettes et les caisses sont toutes affublées de la mention « Secret Services ». La bicoque en elle-même est moins impressionnante que prévue, on a tous une amie qui a un truc dans le genre en Normandie. C'est en tous cas le genre d'endroit où l'on hésite vraiment à faire le con et se faire remarquer. Nous passons vite fait à la boutique de souvenirs, histoire de se prendre en photo dans un faux bureau ovale, Matthieu profitant de son statut hiérarchique pour occuper la place du milieu, celle du président. Pendant ce moment détente, on prenait une contravention à cent dollars sur le parcmètre d'en face.

Nous nous dirigeons ensuite vers la salle de concert de ce soir, qui est à l'origine un club punk - ne pas oublier que la ville est le berceau de Ian McKaye et du label Dischord, références qui ont pas mal hanté notre adolescence. Nous sommes reçus par des personnes adorables de l'Alliance Française,  visiblement très stressées à l'idée d'être confondues avec des gens de l'Ambassade. Ce qui ne ratera pas au moment où nous remercierons par mégarde ces derniers durant le concert. Le public est là, il fait chaud, c'est l'éclate. Le patron, complètement dézingué, danse bizarrement devant la scène. On boit un peu (jusqu'à vomir pour certains) avant de partir le lendemain pour les plaines désertiques du Texas en ayant « remis les compteurs à zéro ».

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Mardi

C'est le début de notre premier vrai road-trip dans le deep-south. Nous allons passer par la Virginie, puis traverser le Tennessee. Nous allons croiser le fleuve du Mississippi. Rouler au milieu d'énormes trucks. Écouter The Band, Creedance Clearwater Revival, The Allman Brothers, les premiers ZZ Top. Le cruise control est enclenché, c'est le American Way Of Life dans toute sa splendeur. Sur les conseils d'un state trooper qui nous arrête gentiment, on passe acheter une ampoule pour notre phare gauche. On rencontrer une ado arborant un incroyable tatouage « Lynyrd Skynyrd » - c'est vraiment le pays du tatoo, de 7 à 77 ans, et personne ne se contente d'un petit lémurien sur l'épaule. On décide de s'arrêter à Nashville. L'émotion est palpable, on pense à notre discothèque. 350 grammes de boeuf et au lit.

Mercredi

La journée sera sensiblement la même que la précédente ; on passe cette fois-ci par Memphis, nouveau petit frisson. On hésite vraiment à visiter Graceland, mais le temps nous fait cruellement défaut. Tant pis, l'occasion ne se représentera pas de sitôt. La surprise du soir est notre halte à Waco, Texas ; Le lieu fut le théâtre d'une énorme tuerie au début des années 1990. Arrivé à l'hôtel, un marshall discute à la réception : « Huh, le week-end a été animé, grosse fête de kids, c'est parti en gunshot, il y a eu du sport, huh. » OK.

Jeudi

C'est parti pour le gros morceau. Nous arrivons au SXSW de Austin en fin de matinée. Quand nous récupérons nos passes au convention center, impossible de comptabiliser le nombre de vans de groupes aux alentours. C'est l'effervescence totale. Il fait beau et chaud. Tout le monde est à poil. Tout le monde a l'air branché. Tout le monde est « cool ». Notre première halte est le BBQ Vegan de Moby où nous passons des disques. La bouffe est dégueu, donc on en profite pour boire des bières, au soleil. L'endroit est truffé de fraggles. Notre tâche accomplie, nous fuyons le plus rapidement possible, puisqu'on est attendus pour un concert organisé par le bureau Export. MTV vient filmer. Des fans sont là. Ce sera d'ailleurs une belle surprise pour nous sur l'ensemble cette tournée, le fait qu'à chacune de nos dates une quantité non négligeable de followers nous attendent de pied ferme. C'est agréable et très rassurant. On vend pas mal de disques. Il est 18h et nous avons quartier libre pour la soirée. On passe voir quelques trucs à proximité ; Wu-Tang, Wiz Khalifa, John Maus, Strokes. Pépère, quoi. On décide enfin d'aller dîner dans un restaurant, mais festival oblige, on finit notre repas avec un groupe de power-violence dans l'assiette, manifestement décidé à nous intimider.

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Vendredi

Le lendemain on se balade dans la ville côté boutiques, où l'on croise des connaissances françaises. On tombe sur des rayons infinis de santiags. Le soir, deux groupes nous précèdent au Barbarella. Le premier pratique un espèce d'indus-métal des plus infâmes. Perruques rouges et play-back ridicules. Le second est un groupe de bal allemand-japonais entre Lofofora et un truc qui ressemble à rien. On se pince pour le croire, la programmation du festival est effectivement tout ce qu'il y a de plus random. Le concert fini, on passe voir Das Racist, puis Brodinski nous apprend qu'il mixe dans une rave localisé dans un supermarché vers deux heures du matin. Mmhh, ce truc se révèlera en fait très officiel, comme en attestent les gens présents, beaux et bien habillés, dansants négligemment entre les flics. Comme on n'aime pas trop la police, on décide de mettre les voiles après le set de notre compatriote. On croisera sur le chemin du retour les frères Macklovitch, A-Trak et Dave ; Matthieu en profite pour leur apprendre apprend qu'il va être papa, l'émotion explose dans l'assemblée mais un trop plein de groupies (les leurs, hein) empêche la discussion de se conclure sur une note positive. Il est vraiment temps de quitter les lieux.

Samedi

C'est le jour de notre dernier concert. Grosse séance de cruisin'n'chillin' en van dans les environs de la ville. Austin est à l'opposé de ce qu'on peut s'imaginer du Texas, c'est une ville universitaire de gauche, moderne, et très concernée par la promotion de la culture. On se voit déjà tous vivre ici. Le matériel déposé à la salle, Guillaume et Matthieu décident d'aller voir les Cool Kids alors que les autres passent au liquor store puis rentrent se ressourcer à l'hôtel. Les deux compères passent aussi voir l'attraction locale à la tombée de la nuit, les chauve-souris sous le grand pont. « La plus grosse communauté mondiale en milieu urbain » selon les guides de l'office de tourisme. C'est très décevant. Ils croisent ensuite leur agent américain Ben de Windish, l'homme qui a rendu tout cela possible, ainsi que leur attachée de presse. Hugs de circonstance. Le reste de la bande dîne dans un Baby Acapulco, restaurant mexicain, pas vraiment réputé pour la finesse de sa nourriture mais plutôt pour ses Purple Margaritas, excellentes, dont il est clairement spécifié sur le menu qu'« il ne vous en sera pas servi plus de deux. » De fait, au moment de monter sur scène tout le monde est déjà bien entamé. « À la mexicaine ». Ce sera peut être le meilleur concert de la tournée. On croise ensuite Snoop qui jouait à côté avec Warren G et P Diddy dans le cadre d'une soirée hommage à Nate Dogg. Le mec fait semblant de ne pas nous reconnaître. On passe voir le concert de Kanye ft. Jay Z. On est spécialement arrachés, ce qui entraîne rapidement une accumulation de dérapages incongrus et de rires gras. L'un d'entre-nous évite le chargement du camion en disparaissant jusqu'au lendemain. « What happens on tour stays on tour », hein.

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Dimanche

Un oeil s'ouvre. Puis l'autre. La tête ne suit pas. Cette journée est placée sous le signe du « off ». On passe faire un BBQ chez nos compatriotes de Revolver qui ont loué une grosse baraque à la sortie de la ville. Super chill à l'américaine composé de disques de Steely Dan et des Eagles, d'une bouffe gargantuesque et d'un hamac. On mange en quelques heures autant de viande qu'en une semaine (on a une pensée pour Moby).  En fin d'après-midi, nous décidons d'aller participer au « Chicken $hit Bingo ». C'est incroyable : ce saloon est tout ce qu'il y a de plus authentique. De nombreux couples dansent sur la country violonisée de Dale Watson. Tout le monde a sorti son Stetson. Le jeu consiste à miser 2 dollars sur un numéro et d'attendre de voir sur lequel le poulet va déféquer. Nos coeurs d'Européens sont subjugués. De retour au BBQ, la soirée se finira une fois encore en indigestion de Budweiser.

Il ne nous reste plus qu'à faire nos valises et rentrer sur Chicago, deux jours de route, l'occasion de traverser de nouveaux états comme l'Oklahoma ou le Missouri, de passer de 30° à 0° en quelques centaines de miles, et de manger encore quelques burgers. Lors de notre halte à Ullin, bourgade de 800 habitants au fin fond de l'Illinois, on fume une clope avec le réceptionniste, hyper content de discuter avec un french band. Le mec nous parle de son idole, GG Allin, nous montre son tatouage des Germs, et nous conseille d'écouter les Plasmatics. On lui file un disque. C'est sûr, il va adorer notre musique.

À l'aéroport, c'est la guerre des excédents bagages pour ramener disques et autres goodies, on fait du transvasement de valises pendant des plombes, les gens de la file d'attente sont consternés. Sur 11 valises et flightcases, 10 font maintenant la limite de 50 pounds. On est ravis d'apprendre que l'on vient d'économiser 1200 dollars que nous n'avions pas. On joue à la loterie locale juste avant de décoller, la cagnotte est de 304 millions. Nous venons donc de passer quinze jours en Amérique, « pays schizophrène, pays de tous les excès ». Pays qui alimente parfaitement le mythe qu'il s'est construit. Leurs supermarchés sont géniaux.