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LE NUMÉRO 1994

Oh, Snap!

Rappin’ With the Rickster est le meilleur truc à mater tard dans la nuit, quand t’es fatigué et défoncé. C’est le meilleur show télévisé non pornographique diffusé à cette heure-là...

RICKY POWELL, Autoportrait, 1993

Rappin’ with the Rickster est le meilleur truc à mater tard dans la nuit, quand t’es fatigué et défoncé. C’est le meilleur show télévisé non pornographique diffusé à cette heure-là (à part si vous êtes sous acide et auquel cas, nous vous recommandons Mrs. Mouth – c’est un mec dont le visage est à l’envers, ses yeux sont peints sous sa bouche et il porte une sorte de petite perruque au niveau du menton qui bouge lorsqu’il parle de je ne sais quel sujet débile et que je m’empresse de zapper pour la voix et les intonations apaisantes de Robin Byrd). Sur Rickster, Ricky, qui est à la fois l’animateur et le créateur de l’émission, passe le plus clair de son temps dans son appartement à fumer des joints avec son chat, rôde près de Washington Square Park pour parler à des rappeurs ou des mecs chelou, ou encore partage une bière avec des branchés new-yorkais connectés d’une manière ou d’une autre avec les Beastie Boys et/ou Sonic Youth. Quelquefois, des extraits de matchs de basket ou de films bizarres sont diffusés. Et tout est filmé en fisheye, c’est sa marque de fabrique. Ricky est considéré comme le quatrième Beastie Boys, et vous le connaissez certainement pour cette phase : « Homeboy, throw in the towel/Your girl got dicked by Ricky Powell. » Il prenait des photos de groupes jusqu’au milieu des années 1980, et il a pour projet de sortir un bouquin regroupant tous ses clichés d’époque, des rappeurs pour la plupart, tels que Run DMC, LL Cool J, Public Enemy et bien entendu ses potes les Beastie Boys. Il est l’incarnation de ce qu’est la scène new-yorkaise en 1994. Vice: Tu peux me résumer la routine de Rickster ?
Ricky Powell: Ouh la. C’est assez personnel. Non, je plaisante. Je travaille tous les jours dans une boîte de livraison de weed, pas très grosse, juste un petit truc familial de hippies. Juste avant, j’étais à Lollapalooza en tournée avec les Beasties. Je fluctue, j’alterne. Qu’en est-il de Rappin’ With the Rickster ?
Je dois promouvoir l’émission, faire des sessions photo. Je me démerde. J’écris aussi pour Vibe Magazine. Ma colonne s’appelle « What’s Up With That? ». De quoi ça parle ?
Tu vois, je fais des observations sur les choses que je vois. Je fais des vannes, aussi. Je me fous un peu de la gueule des gens. Genre, « quoi de neuf pour Untel ? », « quoi de neuf pour un autre ? », ce genre de trucs. Ou je dis des choses, genre, « hey, les clodos devraient se faire de la thune avec tout le business sur les sneakers vintage » parce que ce sont les seuls à porter des Converse en daim orange. C’était comment Lollapalooza ?
J’y ai passé un super moment. Je devais ­porter les bagages des Beasties, mais en contrepartie je pouvais faire ce que je voulais et j’avais le droit de prendre en photo tout ce dont j’avais envie. Il y avait des bons groupes, comme Funkadelic. C’était un été plutôt cool. Qu’est-ce qui se passe sur New York en ce moment ?
Tout va bien. La vague autour des tee-shirts ne s’arrête pas. J’ai même sorti mon propre tee-shirt par l’intermédiaire de X-Large, avec dessus un dessin du husky que j’avais ­l’habitude de promener. C’est comme une renaissance pour moi, en ce moment. Tout le monde parle du label des Beasties, Grand Royal. Y’a un vrai buzz autour de tout ça. Mais plein de faiseurs s’implantent sur New York maintenant, pour infiltrer le truc. Plein de connards de la new jack déménagent sur New York et se font passer pour des mecs à la coule, du coup la scène se dilue. Il y a trop de connards maintenant, ça me saoule de plus en plus. Ces p’tites bites de la new jack. Quand est-ce que t’as commencé Rappin’ With the Rickster ?
En août 1990 je crois. C’est un aboutissement. Ça a donné vie à mes photos. Il y a beaucoup de diversité parmi les gens qui interviennent, ça peut être Sandra Bernhard ou n’importe quelle ramasse dans la rue. J’essaie des trucs, j’expérimente, j’aime faire des arrêts sur image. C’est cool de faire le show, la plupart du temps on monte le truc en étant fatigués et défoncés, tard dans la nuit. Sinon, j’adore toutes ces émissions sur WKCR qui diffusent du jazz funk et il m’arrive de les incorporer à l’émission, de les jouer par dessus les images que l’on passe. Il y a beaucoup de scènes où tu traînes avec ton chat.
Oh merde. T’as vu le show alors. Eh ouais ! On le mate avec des potes dans notre chambre à la fac.
Ouais, j’adore être défoncé quand je suis avec mon chat. T’aimes aussi parler aux vieux gens bizarres.
Ouais, les anciens de West Village. Je suis bloqué dans le passé, mec. Tu vois, avec tous ces connards de la new jack qui arrivent… Je viens de voir Matthew Broderick, il m’a salué. C’est un mec bien, un excentrique. On a grandi près de Washington Square Park. Il est plus jeune que moi, d’un an. Il est très flippé. Et très solitaire, aussi. On a joué dans la même équipe de softball, les Falcons, mais il était plutôt mauvais alors il devait rester au bout du banc. Enfin peu importe, on s’en fout. Ça fait combien de temps que t’habites à West Village ?
J’ai grandi à SoHo et près de Union Square. Je vis sur Charles Street depuis 1991, entre la quatrième avenue et Bleecker. Dans les années 1960, il n’y avait que des familles irlandaises déglinguées dans mon immeuble. Ça reste plutôt cool, mais pas mal de bourgeois chiants emménagent près d’ici. Les riches sont dégueulasses, ils vont tous dans des lycées privés horribles. C’est dingue, mec. Tous ces poseurs qui font comme s’ils venaient vraiment d’ici. C’est bizarre, très bizarre. Mais il y a des stars plutôt cool que je croise tout le temps dans le coin, comme Garrett Morris que j’ai vu passer l’autre jour, il avait l’air euphorique. Je croise aussi Willem Dafoe qui fait ses courses dans le coin. Il t’est déjà arrivé de t’embrouiller avec les flics, avec toutes les conneries que tu fais ?
Écoute ça : c’était quand je venais de revenir de Lollapalooza, j’étais allé pécho de la weed vers SoHo, et je revenais à West Village en coupant par Washington Square Park. Et tu vois, je portais une casquette de baseball et des lunettes violettes. J’avais l’air un peu louche et en plus je transportais de l’herbe dans le sac de mon appareil photo. Et alors que je trace dans le parc, d’un coup des flics en civil commencent à fouiller des mecs. Et moi, je suis au milieu de tout ça et je me dis : « Oh merde ! », je descends de mon vélo et essaie de passer au travers du carnage. Les mecs se font plaquer dans tous les sens, boum boum, et je m’attends à me faire serrer parce que j’ai aussi l’air d’un vendeur de weed typique, alors je me planque à l’autre bout du parc où toutes les mamans promènent leur bébé et je m’assois avec elles jusqu’à ce qu’ils rouvrent le jardin, vingt minutes plus tard. Tu devais te sentir mieux.
Ouais, ça m’a rappelé une scène de Little Big Man. C’est quand Dustin Hoffman et le chef indien passent à travers une bataille et ils ne leur arrive rien, parce qu’on ne peut pas toucher au chef indien. Je pensais à cette scène en me disant à quel point j’avais eu de la chance de ne pas me faire choper. Ça me revient, parce que quand je suis en tournée, j’oublie un peu ce que j’ai appris dans la rue. Tu vois, j’ai connu le strass et les paillettes pendant deux mois, et c’est dur de revenir au charbon. C’est une dichotomie assez intéressante.

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MOINES TIBÉTAINS, backstage à Lollapalooza, Californie, 1994

DONDI WHITE, le Léonard de Vinci du graffiti, SoHo, NYC

BEASTIE BOYS, Miami Beach, été 1994

SANDRA BERNHARD, Meatpacking District, NYC, 1994

SOFIA COPPOLA, devant le magasin X-Large, NYC, 1993

CYPRESS HILL, HOUSE OF PAIN, AND THE BEASTIE BOYS, Check Your Head tour, 1993