Ce qui vous attend si vous gagnez un jour au Loto

Les Français ne sont pas les joueurs les plus invétérés de la planète. Vous êtes probablement nombreux à vous interroger au sujet de l'intérêt de jouer à un jeu qui vous laisse une chance sur 19 068 840 de gagner le jackpot. Malgré tout, vous vous êtes sans doute déjà demandé ce qui arriverait si vous finissiez par empocher le gros lot. De votre jubilation initiale à vos premiers achats compulsifs, vous avez passé en revue l'éventail des émotions engendrées par un tel événement.

En revanche, assister à des séminaires sur l'art contemporain ou à des rencontres au sujet de la fiscalité ne doit pas faire partie de vos plans. C'est pourtant ce que la Française des jeux vous propose si vous êtes amené à tirer les six bons numéros.

Détenue à 72 % par l'État et forte d'un monopole national sur les jeux de loterie et les paris sportifs dans les points de vente du pays, la FDJ propose depuis sa création un service baptisé « Relation Gagnants ». Son but ? Prendre en charge les nouveaux millionnaires français, pas forcément préparés à gérer un compte en banque à sept chiffres. Avec la création de l'Euro Millions, ce service a amélioré son accompagnement dès 2004 en mettant en place des séminaires, des séances de coaching et de soutien psychologique à destination des gagnants de 500 000 euros et plus. En moyenne, trois cents personnes en bénéficient chaque année.

À la tête de cette unité comprenant quatre salariés, on trouve Olivia Miray-Jacta, qui conseille les grands gagnants depuis maintenant cinq ans. Si, par miracle, vous deviez gagner prochainement au Loto, c'est sa voix que vous entendriez à l'autre bout du fil. Je me suis entretenu avec elle pour en savoir plus sur ce que ça fait de s'occuper d'êtres humains prêts à faire n'importe quoi avec leurs millions d'euros tout frais.

VICE : Pouvez-vous revenir sur ce qu'il s'est passé au cours de l'année 2004 ?
Olivia Miray-Jacta : À cette date-là, la Française des jeux a mis en place l'Euro Millions, qui permet de gagner des sommes très importantes – le jackpot minimum est de 15 millions d'euros. Notre direction a pris une décision importante, en réaffirmant la nécessité d'accompagner les gagnants, et de ne pas les laisser filer dans la nature sans assistance.

Notre rôle est donc de leur venir en aide, sans leur donner la recette d'une « bonne gestion » – qui n'existe pas. Au moment de la remise du gain, nous nous efforçons de leur prodiguer un certain nombre de conseils afin que les choses se passent bien.

Imaginons que je gagne plusieurs millions d'euros dans les prochains jours. Comment les choses vont-elles se passer ?
Dans un premier temps, vous appellerez la Française des jeux et tomberez sur moi. Après m'être assurée que votre ticket est bien gagnant, je vous délivrerai un questionnaire de sécurité afin de vérifier que tout est OK.

À partir du moment où les responsables de la sécurité donnent leur accord, nous prendrons rendez-vous dans les jours qui suivent. Après un échange de plusieurs heures me permettant de vous donner quelques conseils, vous pourrez enfin repartir avec votre chèque.

Qu'en est-il du suivi ?
Vous recevrez pendant cinq ans des invitations régulières à nos ateliers, auxquels vous pourrez vous inscrire si vous le désirez. Il y en a généralement quinze par an. Participer à ces réunions permet de faire le point, mais aussi d'accumuler des informations indispensables. Faire le déplacement permet de se revoir, d'échanger, de faire le point. Le contenu des ateliers peut s'avérer utile – des experts délivrent des informations au sujet des banques, des placements, de la fiscalité, etc.

Il existe également des rencontres permettant aux gagnants de découvrir de nouveaux univers comme celui de l'art contemporain, du vin ou de l'opéra. L'idée étant de dire : « Aujourd'hui vous avez les moyens d'accéder à ces milieux-là, nous vous mettons donc le pied à l'étrier. »

Vous mettez également en place un accompagnement psychologique.
La Française des jeux collabore depuis longtemps avec des psychologues. Nous essayons d'échanger régulièrement avec les gagnants lors de nos rencontres afin de savoir comment ils vont, si leur situation professionnelle est satisfaisante, si leur relation avec leurs enfants et leur entourage est toujours bonne, etc. Mais, encore une fois, participer à ces ateliers n'est pas obligatoire.

Certaines personnes viennent simplement récupérer leur chèque et on ne les revoit plus. D'autres, au contraire, apprécient d'être membres d'une communauté de grands gagnants. Cela leur permet d'échanger avec des gens qui les comprennent.

Les ateliers sont-ils toujours collectifs ?
On organise des séances collectives – avec une vingtaine de personnes en moyenne – mais il nous arrive de recevoir les gagnants individuellement. On échange aussi par téléphone, mais de manière toujours très professionnelle. Ils ne m'appellent jamais le soir ou le week-end par exemple.

Dans quel état retrouvez-vous les gagnants lors de votre première rencontre ?
C'est très varié. Certains sont très calmes, très sereins, d'autres plus excités. La plupart disent qu'ils doivent se pincer pour y croire. Ils attendent d'avoir le chèque en main pour réaliser.

Avez-vous croisé la route de gagnants ayant eu des réactions étonnantes ?
J'ai énormément d'anecdotes à vous raconter. L'une d'entre elles m'a marquée. Un jour, une dame n'arrivait pas à réaliser le montant de son gain. Elle disait vouloir simplement changer les quatre roues de sa vieille voiture, alors que son mari lui répétait sans cesse qu'elle pouvait sans problème s'en acheter une nouvelle !

Avez-vous déjà vu des gagnants dilapider l'intégralité de leur argent ?
Je ne connais aucun grand gagnant ayant tout perdu. Les gens ont conscience de la chance qu'ils ont d'avoir remporté une somme importante. Ils gèrent cela en bons pères de famille. Évidemment, ils se font plaisir, mais sont surtout très attentifs à leurs dépenses.

Y a-t-il un profil type du joueur de Loto ?
Non, pas vraiment. Parmi les gagnants, on trouve des chirurgiens, des ouvriers, des employés et des cadres supérieurs. Tout le monde joue !

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