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La mère de famille qui rêvait d'un bidon d'essence pour brûler les pro-avortement

Jennifer McCoy défend le droit d'incendier les cliniques abortives.

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Ma première rencontre avec Jennifer McCoy remonte à une matinée glaciale de janvier. Cette mère de famille brandissait avec ferveur une pancarte représentant un fœtus humain mutilé en face d'une école primaire, en plein cœur de la ville de Washington. Cette maman de dix enfants est l'une des fers de lance du mouvement anti-avortement américain. Pendant près de six ans, elle a passé ses journées à hurler à des dizaines de parents d'élèves et d'enfants que l'avortement constituait un crime – et ce en compagnie de Robert Weiler Jr., un homme condamné à cinq ans de prison pour avoir organisé un projet d'attentat contre une clinique pratiquant des avortements.

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« Si un homme décidait de se ramener dans une salle de classe avec une arme à feu et commençait à tirer sur les enfants, le laisseriez-vous faire ? », m'a demandé McCoy lors de cette froide matinée. Si cette femme, de par ses convictions extrêmes, passe régulièrement pour une illuminée de la cause anti-IVG, ses manières délicates et sa politesse me poussaient à croire qu'elle était totalement inoffensive. Eh bien, j'avais tort.

Après la diffusion d'un premier article il y a à peine plus d'un mois, j'ai appris que Weiler Jr. n'était pas le seul protestataire possédant un casier judiciaire. En effet, Jennifer McCoy a été condamnée au milieu des années 1990 pour une tentative d'incendie volontaire contre deux cliniques abortives. Après avoir lancé une fusée éclairante dans une clinique de Newport News, McCoy a poursuivi son chemin et déversé du kérosène dans une autre clinique, située à Norfolk. Pour ces deux faits, elle a passé 30 mois en prison.

« Je ne voulais blesser personne, et encore moins tuer des enfants », a-t-elle avancé devant le juge. Affublée d'une croix tracée avec de la cendre sur son front pour célébrer le début du Carême, elle n'a pas hésité à défendre son action : « Si les bébés n'obtiennent pas justice, pourquoi devrait-il en être autrement dans notre société ? »

Née Jennifer Patterson, Jennifer McCoy est une fervente critique de l'avortement depuis l'âge de 16 ans – cet activisme est le résultat d'une grossesse précoce, issue de sa relation avec l'un de ses professeurs. Alors que sa mère insistait pour qu'elle avorte, Jennifer a refusé, se cachant pour un temps chez ses voisins. Sa mère a fini par la conduire dans une clinique, lui promettant qu'il ne s'agissait que d'une échographie de routine.

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Au final, McCoy affirme qu'un homme est entré dans la salle d'examen et a entrepris de faire avorter la jeune femme sans qu'elle ne donne son accord. « Tout à coup, j'ai ressenti une douleur intense. Un bruit d'aspirateur a retenti dans la pièce. J'ai essayé de me relever mais il m'a repoussée. Je pleurais. J'étais terrifiée, seule. »

Après le lycée, McCoy a rejoint l'armée tout en effectuant un retour remarqué à la religion. Elle s'est mariée, mais a fini par tomber en dépression. Encore sous le choc de son avortement forcé, elle a contacté le Projet Rachel, une organisation encourageant les femmes à donner à leur fœtus un nom afin de leur conférer une identité. Par la suite, McCoy a commencé à manifester devant des cliniques. « Dès lors, écrit-elle, j'ai ressenti l'appel de Dieu. Il m'a demandé d'être en première ligne afin de défendre les jeunes femmes ayant besoin d'aide. Elles doivent savoir que l'avortement n'est pas une obligation. »

J'ai contacté Jennifer McCoy par téléphone pour en savoir plus sur ce qui la poussait à agir. Depuis sa maison située dans le Kansas, elle m'a précisé que sa première manifestation devant une clinique résultait de l'envie de l'une de ses amies de se faire avorter. « Je me rappelle lui avoir dit de ne pas le faire. Le lendemain, j'étais persuadée qu'elle allait se rendre dans la clinique malgré mes conseils. J'ai décidé de partir du travail bien plus tôt que d'habitude pour l'attendre et lui faire changer d'avis. »

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Photo de Jennifer McCoy par Amanda Rivkin

Si Jennifer McCoy n'a jamais croisé son amie devant cette clinique, elle y a trouvé un supporter de poids en la personne de Donald Spitz. « Quand je me suis garée, il était là. Je pensais qu'il se rendait à la clinique, mais il n'en était rien. Il était là pour manifester. »

Spitz est le porte-parole de l'Armée de Dieu, une organisation considérée comme terroriste, dont les membres sont persuadés que Dieu leur a donné la permission de tuer les médecins pratiquant des avortements.

Le leader de l'Armée sur la côte Est des États-Unis est le révérend Michael Bray. En compagnie d'un petit groupe de fanatiques, il a signé une déclaration appelant au meurtre desdits médecins. Dès 1999, il confirmait à la télévision américaine son extrémisme : « Si, comme moi, vous pensez que les fœtus sont des enfants, alors il est tout à fait normal d'agir pour les défendre. »

Michael Bray a passé quatre années en prison pour avoir projeté d'attaquer dix cliniques abortives à l'aide d'explosifs.

De son côté, Spitz était très proche de Paul Jennings Hill avant et après que celui-ci ne tue le docteur John Britton, favorable à l'avortement, en 1994. Armé d'un fusil à pompe, Jennings Hill n'a pas hésité à tirer à bout portant sur le docteur et son garde du corps. Les deux hommes sont morts sur le coup. Hill a été exécuté en 2003 en Floride. Lors de ses années passées dans le couloir de la mort, Spitz a rendu visite à Jenning Hill en tant que conseiller spirituel. « C'est un sacré personnage », s'est contentée de répondre McCoy.

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Je lui ai demandé si elle était favorable à des actions violentes contre les cliniques. Elle a hésité un long moment avant de répondre : « Franchement, je ne sais pas. Je sais juste que je ne veux pas être la personne envoyant en Enfer un autre être humain. En revanche, j'ai vu tellement de choses que je comprends que certains agissent. »

Si McCoy refuse personnellement d'ôter la vie à quelqu'un, elle soutient assez ouvertement ceux qui décident de passer à l'acte. Lors du procès de Scott Roeder – jugé pour le meurtre du docteur George Tiller – McCoy lui a rendu visite à de nombreuses reprises.

« Je me suis impliquée pour que Scott soit jugé équitablement. Si la justice avait appliqué la même fermeté envers Tiller, nous n'en serions pas là ! », a-t-elle avancé. J'ai souhaité en savoir plus sur la notion de « justice » selon elle, sachant que le docteur Tiller n'est plus de ce monde. « Je ne peux être juge et partie, vous savez », s'est-elle contentée de répondre de manière sibylline.

Si l'on prend en compte la récente attaque envers un centre de planning familial dans le Colorado, qui a tué trois personnes et en a blessé neuf autres, on dénombre 11 meurtres et 26 tentatives de meurtre imputables aux anti-avortement.

J'ai fini par demander à McCoy si elle avait prévu d'incendier de nouvelles cliniques dans les mois à venir. « C'est quoi cette question ? », a-t-elle répondu sans attendre. Puis, avant de mettre un terme à notre entretien, j'ai voulu savoir si elle regrettait d'avoir mis le feu à deux cliniques et d'avoir donc passé 30 mois en prison, loin de sa famille. « Absolument pas », m'a-t-elle affirmé.