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Musique

J'ai acheté la meilleure salle de concert d'Angleterre pour un euro

Simon Parkes a fait jouer les meilleurs groupes du Monde pendant 15 ans.

L'auteur de l'article (à droite) et son collègue Johnny Lawes

Quand j'étais propriétaire de la Brixton Academy, je me suis fait attaquer, poignarder et tabasser à plusieurs reprises. J'ai reçu des menaces à la bombe de l'IRA et je me suis retrouvé plusieurs fois avec un flingue sur la tempe. J'ai aussi organisé les meilleurs concerts de Grande-Bretagne pendant 15 ans – ce qui est assez extraordinaire, sachant que j'ai acheté cet endroit pour la modique somme d'un livre.

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À l'époque, j'avais 23 ans. Je venais d'obtenir un rendez-vous avec les bailleurs du bâtiment, qui géraient également une brasserie. Ils voulaient me le vendre pour 144 000 livres, mais j'étais loin de les avoir.

« Laissez-moi vous faire une offre » ai-je proposé. Je vous donne un livre pour le tout ».

Mes deux interlocuteurs m'ont regardé avec un air d'incompréhension et de dédain, comme si je venais de repeindre les murs avec ma propre merde. Je me suis empressé de continuer avant même qu'ils n'aient le temps de réagir : « Si vous me cédez ce bail pour un livre, je m'engage à servir exclusivement votre bière pendant 10 ans. Si j'organise plus de 200 concerts par an, vous allez écouler pas mal de pintes ».

Avec le recul, je pense que c'était un geste assez effronté, mais j'étais jeune, stupide et pas assez passionné pour accorder de l'importance à ce rendez-vous. Mais mon raisonnement était plutôt logique : si ces mecs géraient une brasserie, ils vendaient forcément de la bière. Et vu l'état de l'endroit, ils ne devaient plus vendre grand-chose. J'étais presque étonné qu'ils finissent par accepter mon offre.

Ainsi, en 1983, quelques semaines avant mon 24ème anniversaire – alors que je n'avais jamais organisé de concert auparavant – je possédais les clés du bâtiment, que j'ai rebaptisé la Brixton Academy.

C'était une grosse prise de risque. Si mon plan avait foiré, il aurait fallu que j'investisse des millions pour réparer ce bâtiment en ruine. Mais je me suis dit : « Tant pis, je suis fauché de toute façon. Ils ne m'emmerderont pas si je n'ai rien à leur donner. » À ce moment-là, on m'avait déjà expulsé de toutes les grosses salles de Londres. Mais je savais que j'avais tous les éléments pour organiser les meilleurs concerts de la ville.

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Soul II Soul à l'Academy

Il m'a fallu quelques mois pour remettre le lieu en état. À l'époque, j'étais seul avec mon régisseur, une boîte à outils et quelques pinceaux. Mais remettre les planchers en état et repeindre les murs s'est avéré bien plus simple que l'organisation des concerts.

En 1983, Brixton se remettaient encore des émeutes de l'année précédente – la zone était parsemée de bâtiments brûlés et les tensions raciales persistaient toujours. Personne ne voulait parler de ce ghetto antillais pauvre et violent, et mes conversations avec les agents ressemblaient souvent à ça :

« Bonjour, c'est Simon Parkes de la Brixton Academy ».

« La quoi ? »

« La Brixton Academy – c'est une nouvelle salle vraiment sympa sur Stockwell Road ».

« Quoi, tu parles du vieux cinéma qui a fermé ses portes ? »

« Oui, mais c'est devenu une salle de concert fantastique, avec une capacité d'accueil de 5 000 personnes ».

« Écoute, mec, c'est pas pour être méchant, mais il n'y a aucune chance que tu fasses venir un groupe de rock à Brixton. Ce n'est pas un quartier qui nous intéresse. »

Après avoir essuyé de nombreux refus, on a fini par se dire : « Qu'ils aillent se faire foutre. Si Brixton n'est pas assez bien pour eux, on s'adressera aux gens déjà sur place. » On a commencé à organiser des concerts de reggae avec des mecs comme Eek-A-Mouse, Burning Spear, Dennis Brown et Yellowman. Quand on a fait venir Fela Kuti, il a ramené 30 de ses femmes pour qu'elles fassent les chœurs.

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Une des danseuses/épouses de Fela Kuti

Les concerts se passaient toujours très bien, mais il a fallu qu'on s'adapter au « business jamaïcain » – un apprentissage à la fois dur et violent. Après notre deuxième concert, on a chopé un promoteur qui essayait de s'échapper par la fenêtre des loges avec un sac rempli de billets. Mon responsable de sécurité l'a plaqué contre un mur, lui a pris ses clés de bagnole avant d'hurler : « On te rendra ta caisse quand tu payeras ce que tu nous dois ! » Il nous a payé le lendemain.

On est devenu célèbre quand les Clash sont venus jouer pour nous. En 1984, en plein milieu de la grève des mineurs, le syndicaliste Arthur Scargill voulait organiser un grand spectacle caritatif pour ses sympathisants. Des lieux déjà établis comme le Hammersmith Odeon ne voulaient pas entendre parler de ce type d'événement, mais la Brixton Academy était parfaitement adaptée pour ça. Les Clash ont joué trois nuits devant une salle remplie de mineurs furieux. C'était superbe.

Après ce gros succès, la Brixton Academy est devenu un endroit incontournable pour les rassemblements de causes politiques et les groupes qui se voulaient « marginaux ». The Style Council est venu jouer afin de collecter des fonds pour le Nicaragua, Edwyn Collins a annoncé la rupture d'Orange Juice pendant un autre concert organisé pour les mineurs, et les Smiths se sont réunis sur scène une dernière fois pour Artists Against Apartheid.

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Notre salle était également le seul endroit de Londres à organiser des concerts de hip-hop. On a fait venir Schooly D, NWA, Run DMC et Public Enemy, entre autres.

Jesse Jackson et Flavor Flav à l'extérieur de l'Academy

Mais ce succès nous a attiré pas mal d'ennuis. Les gangsters jamaïcains qui tenaient les rues de Brixton ont flairé le bon filon et sont venus nous menacer.

Leur technique habituelle était d'organiser une fausse baston, de frapper nos clients et d'envoyer quelques mecs après nos concerts pour s'occuper « de la sécurité ». J'ai préféré les maintenir à distance, au prix de plusieurs passages à tabac et d'attaques au gaz lacrymogène.

J'ai été placé deux fois sous protection policière. La première fois parce que des Jamaïcains voulaient me faire assassiner, et la deuxième parce que j'avais reçu des menaces de mort de néo-nazis, visiblement mécontents des concerts anti-apartheid que j'avais organisé.

Une des premières raves légales de l'Academy

En 1989, toute l'Angleterre écoutait de l'acid house. Au cours du deuxième summer of love, les policiers passaient leur temps à courir après ces jeunes camés qui aimaient porter des T-shirt XXL et danser dans les champs. Ça m'a donné une autre idée.

J'ai fait une offre à la police : « Vous avez un problème avec les raves illégales, j'ai la solution : il vous suffit de les rendre légales. Donnez-moi une licence pour que je puisse ouvrir ma boîte toute la nuit – vous empêcherez les raveurs de faire chier les lecteurs du Daily Mail de l'Angleterre moyenne ». Une fois de plus, j'ai été très surpris quand ils ont accepté.

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J'ai obtenu la licence, ce qui m'a permis d'organiser les premières raves légales du pays. Ces soirées ont rencontré un franc succès, et j'étais ravi de participer au mouvement musical le plus excitant de ces dernières décennies.

Mais, encore une fois, il a fallu payer la rançon de notre succès. Chaque week-end, les pilules d'ectasy se vendaient par milliers à l'Academy – et tous les grands syndicats du crime ont voulu s'en emparer. Ces mecs n'étaient pas des Jamaïcains locaux. C'était des criminels aussi organisés qu'impitoyables. Je ne vais pas m'étaler sur les détails, mais comme vous pouvez l'imaginer, j'ai passé de très mauvais moments avec ces types.

Sonic Youth en concert

Notre salle est aussi devenue un repère pour tous les groupes grunge et alternatifs qui débarquaient des États-Unis. La plupart de mes concerts préférés se sont déroulés à cette période – on a fait venir des groupes comme les Pixies, Sonic Youth et Pavement. Mais c'est aussi à ce moment-là que Kurt Cobain a bien failli me mettre sur la paille.

En avril 1994, on avait booké Nirvana pour quatre nuits à guichet fermé – les premiers concerts de leur tournée européenne. Le 8 avril, j'ai manqué d'avoir une crise cardiaque en lisant le journal : Kurt avait été retrouvé mort, une balle dans la tête. J'étais dévasté, non seulement parce que j'étais un grand fan de Nirvana, mais aussi parce que le remboursement des quatre concerts s'élevait à 300 000 livres.

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Cet après-midi là, je me suis fait interviewer par Zoe Ball sur Radio 1. Complètement perdu, j'ai fini par déclarer : « C'est absolument incroyable – des fans de Nirvana nous appellent encore pour acheter des tickets. Des Japonais et des Américains nous ont proposé plus de 100 livres parce qu'ils veulent faire partie de cet événement historique à tout prix. »

Je ne sais absolument pas ce qui m'est passé par la tête à ce moment, mais mon mensonge éhonté s'est retrouvé dans de nombreux médias. Finalement, des gens du monde entier ont fini par m'appeler afin d'obtenir des tickets pour « le concert que Kurt ne jouerait jamais ». Nous avons dû embaucher du personnel supplémentaire pour gérer le trafic téléphonique. En fin de compte, seulement 20% des personnes ont exigé le remboursement de leurs billets – et nous les avons revendus pour 200 livres.

Cette histoire nous a sauvé de la faillite, mais la mort de Kurt a eu d'autres conséquences qui m'ont contraint à vendre l'Academy. Mais pour en savoir plus sur ces détails sanglants, vous devrez acheter mon livre.

Le livre de Simon Parkes et JS RafaeliLive At the Brixton Academy est maintenant disponible.

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