Privés de services bancaires, les cultivateurs de chanvre se tournent vers les bitcoins
Photo : Daniel Oberhaus

FYI.

This story is over 5 years old.

Drogue

Privés de services bancaires, les cultivateurs de chanvre se tournent vers les bitcoins

Ce n'est un secret pour personne que les banques, sociétés de crédit et services de paiement en ligne comme PayPal tournent le dos aux entreprises qui font dans le trafic de produits dans une zone juridique nébuleuse.

L'article original a été publié sur Motherboard.

On pourrait presque dire que Veronica Carpio a le cannabis dans le sang. Cette femme du Colorado est née le 20 avril, journée du cannabis en Amérique du Nord, a été la première femme propriétaire d'un dispensaire de l'État, a tenu un faux café au nom approprié, The Front, produit du café de chanvre et supervise le plus important échange de graines de chanvre de l'État.

Publicité

Quand je lui ai parlé, lors de la CryptoCannabis Conference à Denver le mois dernier, sa passion pour le cannabis était palpable. Et c'est justement cet enthousiasme qui l'a mise dans l'eau chaude dans le passé. En 2011, on l'a arrêtée pour avoir conclu un contrat de 30 000 $ en vue d'expédier cinq kilos de pot hors de l'État. Une opération d'infiltration a débouché sur une accusation criminelle et une année de probation.

Après la descente policière et l'arrestation, Veronica a remplacé la marijuana par le chanvre, un produit qui ne contient quasiment pas de THC. D'un point de vue juridique, le Colorado définit le chanvre comme une plante dont la concentration en THC est de moins de 0,3 %. Même s'il n'est pas l'objet de lois étatiques aussi strictes en raison de l'absence d'un constituant psychotrope, les portes des institutions financières, soumises aux lois fédérales qui ne reflètent pas cette tolérance, lui sont fermées.

Ce n'est un secret pour personne que les banques, sociétés de crédit et services de paiement en ligne comme PayPal tournent le dos aux entreprises qui font dans le trafic de produits dans une zone juridique nébuleuse (malgré les récentes affirmations du département de la Justice des États-Unis). Ce qui laisse deux options aux « cannabusiness » : ne pas avoir de compte de banque ou mentir à propos de la nature de leurs produits. De nombreux propriétaires de dispensaires, dont Veronica, et cultivateurs de cannabis du Colorado ont opté pour la deuxième option. Et se font inévitablement fait prendre : difficile de ne pas éveiller les soupçons quand on dépose des dizaines de milliers de dollars en argent comptant semaine après semaine.

Publicité

Tim Cullen, propriétaire de Colorado Harvest, m'a raconté que la banque Wells Fargo a fermé non seulement son compte bancaire d'entreprise, mais aussi celui des membres de sa famille quand elle a découvert qu'il s'agissait de production de cannabis. Ce n'est pas une surprise. Par contre, on ne s'attend pas aux mêmes conséquences pour le chanvre. C'est pourquoi Veronica a été étonnée quand PayPal l'a informée qu'elle fermait son compte et bloquait ses fonds pour six mois.

« J'utilisais ce compte PayPal depuis des années pour vendre des produits du chanvre et soudain on le ferme. Ensuite, tout a été bloqué : Amazon, Etsy. C'est un peu ironique parce qu'on veut exploiter une entreprise légitime, mais on nous force à mentir. »

Quand elle a demandé à PayPal de débloquer ses fonds, la société a fait la sourde oreille. On lui a même dit qu'elle aurait de la chance si elle les récupérait un jour. En la privant de transactions en ligne pour son commerce de chanvre, PayPal l'a empêché de gagner sa vie pendant six mois. Après une brève déroute, elle a cherché des options hors des services financiers officiels.

Veronica a été forcée à s'intéresser à Bitcoin. Après avoir compris le fonctionnement de cette technologie complexe, elle a fait de la monnaie cryptographique la solution de paiement permanente de son commerce de chanvre. Elle a fait l'essai de plusieurs systèmes de paiement Bitcoin et arrêté son choix sur Mycelium, un portefeuille électronique conçu par un groupe formé en 2008 qui se décrit comme des ingénieurs anarchistes.

Publicité

Mycelium est connu pour les avantages qu'il offre aux entreprises de l'industrie du cannabis, dont l'anonymat et la simplicité de transactions. Pour Veronica, c'est l'expérience utilisateur qui a été déterminante. Du côté des affaires, il a été facile d'intégrer Mycelium à son architecture web; pour le client, ce portefeuille Bitcoin est des plus intuitifs.

Cependant, elle a remarqué des hésitations à utiliser la monnaie cryptographique. « Ce sont surtout les cultivateurs de chanvre qui ont résisté parce qu'ils ne comprenaient pas. C'est la génération précédente. Pour eux, les bitcoins sont illégaux, imaginaires, pas vraiment utilisables. »

Pour favoriser l'adoption des bitcoins comme solution au refus des services bancaires, elle a cofondé avec un centre d'information appelé 1620 Solutions avec Edgar Hamm, un cultivateur de chanvre biodynamique et militant en faveur du cannabis. Ils visent à informer les cultivateurs au sujet des bitcoins et les aider à les intégrer à leur modèle d'affaires actuel.

C'est l'avenir, selon Edgar Hamm. « Honnêtement, je vois le cannabis comme une occasion en or. Si on décide de bâtir un avenir durable, il faut se tourner vers des choses comme Bitcoin. Ça ramène tout au niveau local. »

Même s'ils ne pouvaient pas divulguer le nombre de cultivateurs de chanvre qui ont eu recours à 1620 Solutions pour s'informer au sujet de Bitcoin, Veronica et Edgar affirment que la participation a été incroyable. Reste le défi de démontrer aux cultivateurs que cette solution de paiement fonctionne réellement et qu'elle est sûre.

« Les bitcoins sont encore très nouveaux pour ces gens, mais nous essayons de leur montrer que c'est réaliste, explique Veronica. Les bitcoins seront parfaits pour eux s'ils acceptent d'essayer de comprendre leur fonctionnement. Il y a beaucoup à apprendre, c'est tout. »

Suivez Daniel Oberhaus sur Twitter.