À quoi peut-on s'attendre du gouvernement de François Legault?
Photo: Ryan Reimorz/La Presse Canadienne

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Elections 2018

À quoi peut-on s'attendre du gouvernement de François Legault?

Sa Coalition avenir Québec remporte une majorité importante.

François Legault sera le prochain premier ministre du Québec. Legault et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont remporté 74 sièges dans l’élection de lundi, bien plus que les 63 requis pour une majorité à l’Assemblée nationale. Pour la CAQ, c’est un gain de plus de 50 sièges par rapport à l’élection de 2014 et l’occasion de former le gouvernement pour une première fois depuis la fondation du parti en 2011.

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Québec solidaire (QS) est l’autre grand gagnant de lundi. Non seulement le parti a fait élire des députés à Québec, en Estrie et en Abitibi — ses premiers hors de l’île de Montréal —, le parti est passé de 7 % à 16 % du vote, et comptera désormais sur 10 députés à l’Assemblée nationale.

Legault, 61 ans, met ainsi fin au gouvernement de Philippe Couillard et au règne presque ininterrompu du Parti libéral du Québec (PLQ) depuis 2003. Avec ses 32 sièges, il faut remonter à 1976, l’année de l’élection de René Lévesque, pour retrouver un aussi petit caucus libéral que celui qui siégera à l’Assemblée nationale. Sa récolte de 25 % du vote populaire est la plus petite de son histoire.

Pour sa part, le Parti québécois (PQ) pourrait ne jamais se remettre du choc de lundi. Les appuis au PQ se sont carrément effondrés : avec une récolte de neuf députés et 17 % du vote populaire, le PQ n’aura plus le statut de groupe parlementaire, le privant de ressources financières et de temps de parole à l’Assemblée nationale. Jean-François Lisée, le chef du parti, n’a même pas réussi à conserver son siège de député. C’est l’ancien journaliste Vincent Marissal qui représentera la circonscription de Rosemont, qui passe sous les couleurs de QS.

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L'humiliation du PQ est une chose, mais il ne faudrait pas minimiser la défaite du Parti libéral non plus. Même en 2012, quand il a été défait de justesse par le Parti québécois au plus haut de la crise étudiante et des enquêtes de la Commission Charbonneau, le PLQ était à un point de gagner le vote populaire. La CAQ les a devancés par 13 points lundi soir.

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Cependant, avec sa victoire lundi, François Legault se retrouve devant un certain vide : à part « ne pas être gouvernés par les libéraux », que veulent les Québécois et Québécoises au juste? Et seront-ils aussi patients avec la CAQ qu’ils l’ont été avec le PLQ?

Le gouvernement de Marois a tenté de combler ce vide avec la peur et la démagogie — par ailleurs, Jeannette Bertrand est-elle toujours assiégée par les Arabes de McGill qui veulent se baigner dans sa piscine? — et a vite été renvoyé dans les bancs de l’opposition après 20 mois chaotiques au pouvoir. La campagne de Legault laisse croire qu’il zieute la même pile de remblai. Sa promesse phare tout au long de la campagne a été de réduire les taux d’immigration de 20 % et d’imposer des tests de français et de « valeurs » aux nouveaux arrivants. Si Legault n’a pu montrer qu'il avait une connaissance approfondie du système d’immigration pour expliquer comment il s’y prendrait, son indifférence quant aux conséquences, elle, a été manifeste. « On ne parle pas d’expulser des citoyens : ce sont des gens qui n’auraient pas obtenu la citoyenneté. »

Contrairement au PQ, par contre, l’idéologie de Legault et de son parti est beaucoup plus flexible. Le nombre d’anciens libéraux et péquistes à la CAQ en témoigne presque aussi bien que le nombre d’anciens caquistes dans les autres partis. C’est probablement dans la nature d’un parti qui se veut un entre-deux entre le fédéralisme et la souveraineté de ne pas se faire dogmatique.

L’autre avantage qui pourrait sourire à Legault est l’usure prématurée du gouvernement de Justin Trudeau à Ottawa, notamment avec l’annonce lundi du renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (pardon, l’Accord États-Unis-Mexique-Canada). Au grand déplaisir des producteurs laitiers québécois, la nouvelle mouture du traité permettra aux producteurs américains d’exporter du lait vers le Canada. La renégociation de l’entente avait incité les quatre principaux partis à faire front commun et à se transformer en porte-parole de l’industrie québécoise en plein milieu de la campagne électorale. Leur cause n’a visiblement pas été entendue, mais Philippe Couillard aurait eu beaucoup plus de mal que Legault à expliquer l’échec. Et si les Québécois sont toujours en crisse un an plus tard, ils auront l’occasion de le faire savoir lors de l’élection fédérale d’octobre 2019. Legault n’aura qu’à leur dire qu'ils ont raison.

L’enjeu le plus intéressant pour un gouvernement caquiste pourrait être la réforme du mode de scrutin. La CAQ, le PQ et Québec solidaire se sont engagés à adopter un système proportionnel mixte, qui ferait en sorte que la représentation des partis à l’Assemblée nationale reflète mieux leur part du vote. Ça empêcherait, par exemple, qu'un parti rafle 60 % des sièges avec 40 % du vote… comme vient de le faire la CAQ. Pour croire à une reforme du mode de scrutin, il faut croire que Legault sera prêt à risquer une deuxième majorité.

Dans un avenir plus rapproché, le dossier le plus urgent pour le gouvernement Legault sera celui de la légalisation du cannabis. La CAQ a promis deux nouvelles réformes : la première porterait l’âge légal de la consommation à 21 ans et la deuxième interdirait d'en fumer dans tous les lieux publics. On s’ennuie déjà presque des absurdités de la loi libérale.

Enfin, si c’est effectivement la fin d’un long règne libéral, soulignons au moins que lorsque le vent de panique autour de l’immigration et de l’arrivée de réfugiés a soufflé de son plus fort, Philippe Couillard a choisi de faire campagne pour augmenter le nombre d’immigrants au Québec. Les personnes qui sont payées pour lui souffler des conseils dans l’oreille l'ont sans doute supplié de faire autrement, mais Couillard a défendu sa vision d’un Québec ouvert et accueillant, et ainsi empêché un consensus anti-immigration de s’installer au sein d'une majorité des partis politiques québécois. Dommage qu'il n'ait pas fait de même pour les vêtements des musulmanes.