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Douce France

« Le gynéco a sous-entendu que je remplaçais la contraception par l’IVG »

Culpabilisation, absence d’empathie et défaut de soin : Lili, 19 ans, raconte comment le corps médical a fait de son avortement une expérience traumatisante.
Photo : Marie Magnin 

Je m’appelle Lili, j’ai 19 ans et je vais vous raconter l’histoire désastreuse de mon IVG. J’ai commencé à prendre la pilule à 14 ans, mais, je me suis vite aperçue que l’apport hormonal ne convenait pas à mon organisme. Après avoir changé plusieurs fois de pilule et pris du poids, j’ai décidé d’arrêter à l’âge de 16 ans.

Mon copain actuel est militaire, cela fait deux ans que nous sommes ensemble. Lors de nos rapports, nous utilisons systématiquement un préservatif. Malgré cela, je suis tombée enceinte par accident, quelques jours avant son départ en mission. J’ai alors été confrontée au choix le plus difficile de ma vie. Encore étudiante, dépendante financièrement de ma famille et bien trop jeune, je penchais en majorité pour l'avortement. Mais une petite partie de moi pensait également à garder ce bébé, fruit d’un acte d’amour. Pour mon père en revanche, la décision était nette : il fallait avorter.

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Le jour J, à l’hôpital, le médecin m’a lancé sur un ton impatient : « La décision a été prise hein ? On ne revient pas dessus. Prenez ça. » Il m’a tendu des cachets blancs en forme de panneau stop. Je les ai avalés, après qu’il m’ait assuré que la douleur engendrée serait minime. « Comme lorsque vous avez vos règles », m’a-t-il assuré.

« J’ai été prise de spasmes. Ma meilleure amie a appuyé plusieurs fois sur le bouton d’urgence. Pas de réponse »

Pourtant, environ dix minutes après l’ingestion, je me suis mise à avoir terriblement mal. Je ressentais de violentes contractions dans l’utérus, je vomissais, j’étais prise de spasmes. À mes côtés, ma meilleure amie a donc appuyé plusieurs fois sur le bouton d’urgence. Pas de réponse. Paniquée, elle est sortie de la chambre à la recherche d’une infirmière. Mais toutes étaient « indisponibles ». Quinze minutes plus tard, l’une d’entre elles a fini par arriver. Mais elle s’est contentée de me poser un gant de toilette imbibé d’eau tiède sur le front, suivi d’un « vous êtes un peu blanche ». Avant d’ajouter qu’elle repasserait dans une heure, une fois l’expulsion faite.

« Faute d’avoir été prise au sérieux par le personnel médical, je me suis évanouie »

Je ne voulais pas regarder dans la cuvette de peur que l’image du fœtus me hante à vie. Alors, je n’ai pas vu que j’étais en train de faire une hémorragie. Faute d’avoir été prise au sérieux par le personnel médical, je me suis évanouie. Quand j’ai repris connaissance je me suis excusée d’avoir repeint le sol de la salle de bain avec mon sang. Pour toute réponse, j’ai eu un : « C’est tout les dimanches la même chose ». Dans cet hôpital, les avortements n’ont lieu que le week-end. J’ai été triste pour toutes ces femmes qui avaient vécu la même chose. Et j’ai été choquée par le manque d’empathie dont les services hospitaliers venaient de faire preuve à mon égard.

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« Le gynécologue a refusé de m’ausculter. Et m’a viré de son cabinet »

Mais mon parcours du combattant ne s’est pas arrêté là. Trois semaines plus tard, des complications sont survenues. Secouée par de fortes douleurs aux ovaires, je me suis rendue chez mon médecin généraliste qui m’a orienté vers un gynécologue réputé. Il a voulu savoir si je prenais un moyen de contraception avant la grossesse. Je lui ai expliqué que non, pour les raisons mentionnées au début de ce témoignage. Il m’a alors immédiatement sommée de prendre conscience de « l’irresponsabilité de mes actes ». Ce sont des mots assassins pour une femme qui a avorté. Comme si on ne culpabilisait pas suffisamment de ne pas avoir été plus prudente. N’a-t-on pas le choix de prendre ou non un moyen de contraception hormonale ? Je n’ai même pas eu le temps de préciser que j’avais prévu une semaine plus tard de me faire poser un stérilet en cuivre non hormonal. Il a refusé de m’ausculter et m’a dit qu’il n’avait pas de temps à perdre avec moi. Me voilà virée de son cabinet.

Ce gynécologue a clairement sous-entendu que je remplaçais mon moyen de contraception par l’IVG. Certes, cela peut arriver dans certains cas très rares, mais je pense que l’IVG n’est jamais une partie de plaisir pour les femmes qui y ont recours. J’aurais été désireuse de me sentir davantage accompagnée dans cette démarche. À seulement 19 ans, je regrette déjà d’être une femme. Je rêve qu’un jour on nous laisse réellement le choix. Celui d’avoir un enfant, ou non, celui de prendre un contraceptif, ou non, sans être jugées. Je rêve que les femmes comme moi ayant eu recours à une IVG n’aient plus honte. Je voudrais leur dire : « Vous avez fais le bon choix, vous n’êtes pas seule, ne culpabilisez plus. »

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