Manif anti-Trump Paris
Photos Marc-Antoine Serra pour VICE France

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politique

On était au rassemblement anti-Trump à Paris

Près de 1 500 personnes étaient présentes à Paris pour montrer leur opposition au président américain. On leur a demandé à quel point leur vie a changé depuis l'élection de Donald Trump.

Dimanche 11 novembre, 72 chefs d’État et de gouvernement se sont retrouvés sur les Champs-Élysées pour célébrer le centenaire de l’Armistice de 1918, parmi lesquels Angela Merkel et Justin Trudeau mais aussi Donald Trump, Vladimir Poutine, Benjamin Netanyahou et Recep Tayyip Erdogan. Une guest list qui, visiblement, n’était pas au goût de tout le monde : des sorcières du Witch Bloc ont lancé un sort aux dirigeants invités et des FEMEN ont perturbé la cérémonie officielle.

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D’autres se réunissaient place de la République contre la venue de Donald Trump à Paris. Un rassemblement tout juste toléré par les autorités qui, par peur que les choses dégénèrent, ont interdit toute manif mobile.

Sous un temps dégueulasse, près de 1 500 personnes étaient présentes – selon les chiffres avancés par la Préfecture de police – pour protester contre le président américain et sa vision du monde archaïque : des Londoniens venus avec un gros ballon Trump, des militants d’Act Up-Paris, des soutiens à la Palestine, des collectifs de sans-papiers, quelques antifas et bien sûr beaucoup d’autres Parisiens. On est allés à la rencontre de certains d’entre eux pour leur demander leur avis sur le président américain, et si ce dernier a réellement changé leur vie.

Nancy, 22 ans

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Stagiaire dans une organisation intergouvernementale, Nancy ne mâche pas ses mots : « Je suis écœurée qu’une personne comme Trump, prédateur sexuel assumé, soutenu par le Ku Klux Klan, xéonophobe et impérialiste, qui a un mépris de la pauvreté en général, soit invité à un forum sur la paix. C’est vraiment du foutage de gueule ».

Pour cette « féministe intersectionnelle », l’élection de Trump a permis de légitimer des idéologies endormies : « On leur redore le blason en mode, “Oui c’est un truc acceptable”, alors que non : le fascisme c’est jamais acceptable, désolée. La dernière fois qu’il y a eu une coalition internationale fasciste, plein de gens sont morts », rappelle-t-elle. Selon elle, l’invitation de Netanyahou et de Poutine par Macron est surtout un « gros doigt d’honneur » aux nombreuses personnes qui meurent et sont opprimées chaque jour du fait de leurs positions politiques.

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Si elle attendait plus de monde au rassemblement, Nancy ne regrette pas d’être venue : « Ça me motive de voir qu’il y a des centaines de gens venus exprimer leur désaccord ». Puis d’ajouter : « Trump est hyper narcissique, ça l’énerve que les gens ne l’aiment pas ». Interrogée sur ce qu’elle ferait si elle se retrouvait face à lui, elle explique : « Déjà, je mettrais mes mains devant mes parties génitales pour qu’il les attrape pas, puisqu’il kiffe bien faire ça. Ensuite, peut-être que je lui cracherais à la gueule et je lui dirais : “T’as pas honte ? Comment, tu te lèves le matin et tu fais ça à des gens, et t’as pas honte ?” ».

Thierry, 55 ans

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Thierry, quant à lui, milite pour l’abolition des armes nucléaires : « Ceux qui commémorent la fin de la Première Guerre mondiale sont en train de préparer la troisième ». Or, non seulement celle-ci est possible, mais elle risque d’être la dernière, prévient cet agent de La Poste.

Les Etats-Unis faisant partie des neufs pays qui possèdent la bombe atomique, Thierry est inquiet que le caractère incontrôlable de Trump mette en péril l’humanité : « Il a démontré qu'il pourrait utiliser l'arme nucléaire pour asseoir la puissance et l’impérialisme américains. S’il l'utilise, il y aura une riposte de la Russie et de la Chine, et ce sera l’apocalypse nucléaire », prédit-il.

Proche de la philosophie hippie, Thierry espère donc voir un mouvement issu « des peuples de la Terre » émerger pour lutter contre le nucléaire, comme ce fut le cas le 7 juillet 2017 : « 122 États à l’ONU, soit la majorité de l’humanité, se sont prononcés pour l’abolition des armes nucléaires, c’est un événement historique ».

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Billie, 22 ans

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Étudiant en droit, Billie est lui venu par le biais de #WontBeErased, un mouvement créé suite à l’intention du gouvernement de Trump de refuser aux personnes trans et intersexes toute existence légale, et ce en définissant le genre comme une condition immuable définie par les organes génitaux à la naissance ou par les chromosomes. Or, agir ainsi, « c’est refuser aux trans la possibilité de mettre leur genre a posteriori en adéquation avec leur genre sur les papiers », rappelle Billie, qui ajoute : « Pour les intersexes, c’est faire de leurs caractéristiques biologiques, ni complètement mâles ni complètement femelles, quelque chose qui ne devrait pas exister et donc légitimer les mutilations et prises d’hormones forcées perpétrées contre elles aux Etats-Unis et en France ».

Et si en France il est important de se mobiliser, c’est parce que l’influence de Trump sur ces sujets dépasserait largement le sol américain, son gouvernement essayant de faire retirer la notion de genre des textes des Nations unies. Et aux sceptiques qui considèrent que protester contre Trump ne sert à rien, Billie répond remonté : « Si ça ne sert à rien de manifester alors tout ce qu’on peut faire c’est subir ! C’est facile quand tu ne risques pas d’être touché de dire que ça sert à rien. Si demain l’extrême droite prend le pouvoir, ce n'est pas toi qui va te faire tabasser, qui va te faire tuer. En tout cas pas le premier, mais ça t’arrivera forcément ».

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Alexandre, 24 ans

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Pour Alexandre, la mobilisation ne se limite pas à Trump : « Je viens aussi pour Macron. Je viens faire le nombre parce que ça ramène des médias, mais ça ne se joue pas qu’ici », confie cet ancien étudiant en sociologie.

Travaillant pour une asso spécialisée dans l’accompagnement des demandeurs d’asile et sensible aux discours de haine contre les minorités, Alexandre est régulièrement présent avec des pancartes à ce genre d’événements. Aujourd’hui, il s’avoue tout de même déçu par un rassemblement « trop institutionnalisé, trop sage et pas assez désobéissant ».

Malgré une certaine lassitude, Alexandre refuse cependant de baisser les bras et de tomber dans le cynisme. Rejetant l’idée de rester chez lui « à mépriser les gens qui sortent un jour de pluie », il ajoute, lucide : « Il faut peut-être réfléchir à d’autres façons de se mobiliser. Je viens ici sans me faire d’illusion, et réfléchis à comment désobéir de façon beaucoup plus profonde en dehors de ces jours de manifestation ».

Basia, 19 ans

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Basia n’est pas venue manifester contre Trump mais contre le symbole qu’il représente : « Je suis contre le fascisme et le nationalisme ». Étudiante à l’université américaine de Paris, cette jeune américano-sénégalaise ajoute : « Ce président n’est pas mon président. J’ai un passeport américain mais je ne me considère pas comme Américaine parce que ce qu’il se passe aux États-Unis en ce moment ne me représente pas ».

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Elle qui étudie le droit international se dit particulièrement inquiète quant aux politiques migratoires : « Beaucoup de gens souffrent, les Sud-Américains qui essayent de rentrer aux Etats-Unis n’ont pas le droit de déposer leurs dossiers pour l’asile et ça, c’est un problème : tout le monde devrait avoir le droit de demander l’asile », explique-t-elle, pointant la responsabilité des états occidentaux dans les vagues migratoires actuelles.

L’étudiante, définissant Trump comme fasciste, trouve « important que les Parisiens le reçoivent de façon assez agressive ». Elle analyse : « Je pense qu’il est perdu parce que c’était pas son intention de gagner, il sait pas ce qu’il fait. C’est pas un problème de l’admettre. » Dénonçant également l’invitation d’Erdogan aux commémorations, elle ajoute : « Macron aussi c’est un bébé, il ne sait pas non plus ce qu’il fait, c’est le président des riches comme on dit à Paris. Je pense qu’il a trop peur, il ne sait pas dire non ».

Joël, 60 ans

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Commerçant et gérant d’un bar, Joël est venu avec sa compagne, anarchiste tout comme lui (elle n’a pas souhaité être prise en photo) : « Je suis là contre Trump et tous les autres dictateurs qui sont présents à Paris en ce moment. Erdogan, Poutine ». Plus que l’individu, c’est ce que fait Trump au niveau planétaire que Joël souhaite combattre : « Si ce n'est pas lui ce sera un autre. Je suis militant depuis quarante ans, il y a rien qui change, ce sont toujours les mêmes qui sont en place : les capitalistes », analyse-t-il.

Pourtant, les Américains étant alliés avec la France en 14-18, l’invitation de Trump aux commémorations n’est pas une contradiction mais relève de la logique : « 14-18, ça a bien lancé l’industrie de l’armement, la France et les US maintenant sont maintenant main dans la main, comme Macron vend des armes à l’Arabie Saoudite pour massacrer des yéménites » dénonce le sexagénaire, sarcastique : « Il fait de la paix d’un côté, une paix qui a cent ans, et il continue à faire des guerres. Il dit “c’est pas nous qui faisons la guerre” mais c’est eux qui vendent des armes, donc c’est pareil. »

Interrogé sur ce qu’il dirait à Trump s’il l’avait devant lui, Joël répond l’œil étincelant : « Rien, je lui foutrais un coup de boule, c’est tout. Et à Manu, pareil ! »

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