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FRANCE

La France demande un certificat médical pour les mannequins et une mention sur les photos retouchées

Les mannequins défilant en France devront présenter un certificat médical d’aptitude et les photos « photoshopées » vont devoir porter la mention « photographie retouchée ».
Image via Flickr / Mason Masteka

Pour devenir mannequin en France, il va désormais falloir passer par la case médecin. Les députés français ont adopté ce jeudi un texte — dans le cadre du projet de loi santé — qui stipule que « l'exercice de l'activité de mannequin est conditionné à la délivrance d'un certificat médical, » qui atteste de l'état de santé du modèle.

Ce même texte prévoit aussi l'inscription de la mention « photographie retouchée » pour tous les clichés de mannequins à usage commercial « dont l'apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d'image [NDLR, type Photoshop] afin d'affiner ou d'épaissir la silhouette, » précise le texte.

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« Avec cette loi, nous nous donnons les moyens d'en finir avec ce que les Britanniques appellent l'anorexie chic, » explique à VICE News ce vendredi, Olivier Véran, neurologue au CHU de Grenoble, et qui avait porté la loi en première lecture à l'Assemblée nationale lorsqu'il était député.

Ces deux mesures sont censées permettre de lutter contre la maigreur excessive de certains mannequins qui défilent sur les podiums et que l'on retrouve sur les publicités ou dans les magazines de mode. Pour s'assurer du respect de ces deux nouvelles règles, la justice française a prévu de lourdes amendes et des peines de prison pour tous les contrevenants.

Un certificat pour exercer le métier de mannequin

Si un modèle exerce son métier sans certificat médical en France, il en coûtera (au mannequin ou à son agence) jusqu'à 75 000 euros d'amende et six mois d'emprisonnement. Ce certificat médical doit permettre d'établir si l'état de santé du mannequin est « compatible avec l'exercice de son métier, » notamment en fonction de son indice de masse corporelle (IMC).

L'IMC est un rapport entre le poids et la taille. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu'avec un IMC en dessous de 18 (soit par exemple, une personne d'1,80 mètre pour 57 kilos) on peut parler de dénutrition. L'IMC moyen des Françaises est de 23.

Une première mouture du texte prévoyait d'imposer un IMC minimal pour exercer le métier de mannequin. Finalement, cette disposition avait été rejetée en mars dernier, parce qu'il représentait une discrimination à l'embauche. D'où l'idée de la visite médicale qui permet de faire entrer d'autres facteurs en jeu que l'IMC, comme la morphologie, le sexe, l'âge, l'histoire alimentaire ou la recherche d'absence de menstruation — une des séquelles de l'anorexie.

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« Ce n'est pas une guerre contre la minceur, mais une guerre contre la dénutrition et contre la pression qui repose sur les mannequins, » rappelle Véran, qui se dit fier que la France mette en place ces mesures. En effet Paris est considéré comme l'une des capitales mondiales de la mode. L'ex-député estime que la volonté française de combattre l'extrême minceur a un écho international, d'autant plus que la règle du certificat médical obligatoire s'appliquera aussi aux mannequins étrangers venant défiler en France.

Quant à la possibilité que des faux certificats circulent, Véran dit faire confiance aux médecins. « Concrètement, après la promulgation de la loi et la publication des décrets d'application, à la Fashion Week suivante, si on voit un mannequin d'un 1,80 mètre qui rentre dans une taille 34, il y aura un contrôle d'évaluation de fait, et s'il s'avère qu'un certificat de complaisance a été fait, il y aura des sanctions, » explique Véran.

Mention « photographie retouchée »

La deuxième mesure phare sur laquelle se sont accordés les députés ce jeudi, est de faire inscrire la mention « photographie retouchée » sur les clichés de mannequins trafiqués par des logiciels. Le non-respect de cette disposition est puni de 37 500 euros d'amende. Le « montant de cette amende pouvant être porté à 30 pour cent des dépenses consacrées à la publicité, » précise le texte.

L'objectif de cette loi n'est en effet pas seulement d'influer sur le monde de la mode, mais aussi sur la santé de dizaines de milliers d'adolescentes françaises qui souffrent d'anorexie. « Beaucoup d'études sociologiques montrent que si les idoles des adolescentes sont anormalement maigres, cela a un impact sur leur tendance à vouloir maigrir, » note Véran. « C'est un facteur aggravant. »

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L'incitation à être le plus mince possible se joue aussi sur Internet, où fleurissent les sites qui promeuvent une maigreur excessive. On retrouve deux catégories de sites. Les sites dits « pro-ana » font la promotion de l'anorexie mentale, tandis que les sites « pro-mia » sont leur équivalent boulimique.

Une disposition présente dans la première version du texte, rejetée en mars, prévoyait justement de punir juridiquement les sites Web et forums qui « encouragent des restrictions alimentaires prolongées ». Les auteurs de ces sites risquaient un an d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende.

Mais cette disposition avait été finalement abandonnée suite à la mise en garde de plusieurs experts pour qui cette mesure serait contre productive. Les auteurs de ces sites Web souffrent eux aussi de troubles du comportement alimentaire et pourraient se retrouver encore plus fragilisés par une répression pénale.

« Cette disposition cible clairement des sites qui sont juste un moyen d'expression de personnes en difficulté, » expliquait à VICE News, Fred Pailler, l'un des auteurs de Les jeunes et le web des troubles alimentaires : dépasser la notion de 'pro-ana'. Pour Pailler, le défi n'était donc pas de supprimer ce milieu social que représentent les sites et forums, mais d'y introduire le corps médical.

Aujourd'hui, près de 30 000 à 40 000 personnes souffrent d'anorexie en France, dont la majorité sont des adolescentes, selon des chiffres avancés par Olivier Véran. Une étude de 2008 réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) notait que l'anorexie mentale concernait 0,5 % des jeunes filles et 0,03 % des garçons entre 12 et 17 ans en France.

Image via Flickr / Mason Masteka

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