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Centrafrique

Centrafrique : L'otage française libérée

Lundi matin, une femme de 67 ans aurait été kidnappée par des anti-balaka chrétiens, en plein coeur de Bangui. Le kidnapping serait motivé par la récente arrestation d’un chef de ces miliciens.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via Flickr / Afrika Force

Mise à jour vendredi 23 janvier à 18h50 : La ressortissante française a été libérée, a indiqué ce vendredi dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.

Notre compatriote Claudia Priest, qui avait été enlevée en début de semaine en République centrafricaine, est enfin libre.

— Laurent Fabius (@LaurentFabius)23 Janvier 2015

Une ressortissante française de 67 ans a été enlevée lundi 19 janvier au coeur de la capitale centrafricaine de Bangui, en République centrafricaine (RCA). Ses ravisseurs seraient des miliciens chrétiens du groupe dit des « anti-balaka ». Elle a été enlevée en compagnie de deux prêtres — l'un d'eux a ensuite été relâché.

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L'otage Française, présentée sous le nom Claudia P. , terminait une mission humanitaire (elle devait rentrer à Paris ce mardi raconte le journal Le Parisien ) dans ce pays d'Afrique centrale qui connait de graves affrontements interreligieux depuis le début d'une crise enclenchée en en décembre 2013. Cet enlèvement pourrait avoir été conduit en réaction à l'arrestation ce week-end d'un chef des anti-balaka.

On apprenait ce mardi midi qu'une employée de la MINUSCA (Mission des Nations Unies en Centrafrique) avait été enlevée à proximité de l'aéroport de Bangui — un quartier lui aussi tenu par la milice chrétienne. Plus tard dans la soirée,  un porte parole de l'ONU a annoncé que cette femme avait finalement été libérée.

Le Quai d'Orsay, contacté mardi après-midi, nous a assuré que les discussions avec les ravisseurs étaient en cours. Monseigneur Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, et Patrice-Édouard Ngaïssona des anti-balaka mènent les tractations

La Centrafrique est marquée depuis deux ans par des affrontements interreligieux de grande envergure, qui ont poussé la France à intervenir en décembre 2013. La Séleka, une alliance de milices à tendance musulmane, avait renversé François Bozizé et placé Michel Djotodia à la tête de la RCA début 2013. S'en est suivi une période de conflits ouverts avec un autre groupe dit des « anti-balaka » formé principalement de paysans chrétiens. La Séleka est en principe dissoute depuis janvier 2014, date à laquelle les anti-balaka chassent Michel Djotodia.

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Lundi matin, un petit groupe d'humanitaires français et centrafricains revenait à bord d'un 4x4 d'une mission à 70 kilomètres au nord de Bangui dans la ville de Damara. Le Frère Elkana Ndawatcha qui conduisait le véhicule explique que leur voiture est stoppée à 8h00 du matin (heure locale) par « quatre anti-balaka armés de Kalachnikov » dans le 4e arrondissement de la capitale centrafricaine — le quartier de Boy-Rabe, tenu par les miliciens chrétiens. Les preneurs d'otage laisseront repartir Ndawatcha, mais enlèvent ses deux « collègues » avec qui ils disparaissent dans les rues de Boy-Rabe.

Claudia P. était très impliquée avec son mari dans la région centrafricaine grâce à leur petite association baptisée Imohoro (du nom d'un village à 50km de la capitale) créée en 2005, Claudia P. se rendait régulièrement en RCA pour améliorer les conditions de vie des habitants d'Imohoro notamment avec la construction d'un puits et d'un dispensaire. Elle était lundi matin en mission pour le compte de l'ONG médicale CODIS (Coordination diocésaine de la Santé) qui est gérée par l'Archidiocèse de Bangui — d'où la présence des Frères Ndwatcha et Gustave avec elle.

Ce double enlèvement survient quelques jours après l'arrestation ce week-end par la MINUSCA d'un chef anti-balaka : le « général » autoproclamé Andjilo, Rodrigue Ngaïbona de son vrai nom. Le contingent camerounais de la mission onusienne a procédé samedi 17 janvier à la capture d'Andjilo dans la ville de Bouca au nord-ouest du pays, alors qu'il était recherché depuis plus de 5 mois, notamment suspecté d'avoir été un des chefs des massacres de musulmans perpétrés à Bangui le 5 décembre 2013. Il a été transféré dans la nuit de samedi à dimanche à Bangui.

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Contacté par VICE News, Thierry Viroulon, directeur de la région Afrique Centrale à l'International Crisis Group, estime que ces enlèvements sont « des mesures de représailles des anti-balaka suite à la capture d'Andjilo. » Plusieurs médias dont Le Monde rapportent que les ravisseurs de Claudia P. et du Frère Gustave, Centrafricain enlevé lundi avec l'humanitaire Française exigent la libération du chef anti-balaka en échange des deux otages. Viroulon rappelle pourtant que « Les menaces contre les humanitaires ne sont pas nouvelles. Les milices vivent des rackets perpétrés sur les routes centrafricaines où les humanitaires deviennent des cibles privilégiées. Avec ces prises d'otage, on a passé un seuil. »

Joint par VICE News, Roland Marchal, spécialiste des conflits armés en Afrique centrale et chercheur à Sciences Po dresse le portrait d'Andjilo. « Quelqu'un d'assez craint, connu comme l'un des chefs anti-balaka les plus durs. Son parcours est caractéristique de la dynamique de criminalisation du mouvement anti-balaka qui s'est peu à peu spécialisé dans l'industrie du pillage. »

Un journaliste de la presse de Bangui contacté par VICE News et qui souhaite garder l'anonymat apporte des précisions. Selon lui Andjilo, ne serait pas âgé de plus de 25 ans, et aurait été arrêté avec près de 40 millions de francs CFA en sa possession.

Thierry Viroulon ajoute qu'Andjilo a « commencé sa carrière en volant du bétail, mais était en train de devenir une étoile montante des anti-balaka grâce à des attaques audacieuses menées contre la Séleka. »

D'après le journaliste centrafricain joint par VICE News, la population centrafricaine se détache de la milice chrétienne. « Les vrais anti-balaka », c'est-à-dire ses membres des premières heures se seraient rétractés alors que ceux qui continuent la lutte armée comme Andjilo sont des « bandits qui se comportent comme la Séléka ». Viroulon confirme cette analyse, pour lui, le mouvement anti-balaka serait devenu « une simple galaxie de commandants locaux sans réel leadership, » donc sans réelle visée politique, mais uniquement criminelle.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Photo via Flickr / Afrika Force