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À la rencontre des locataires des hôtels les plus délabrés de Vancouver.

Cet article a été initialement publié sur VICE Canada.

Jack Gates loue une chambre au Regent Hotel depuis 2014. Cet hôtel à chambres individuelles accueille les résidents les plus pauvres de Vancouver, qui vivent dans des petites pièces situées le long d'immenses corridors. Tous partagent leur salle de bains avec d'autres occupants. Cet établissement est le plus gros contrevenant à la loi canadienne sur la location résidentielle : on y dénombre plus de 121 infractions aux règles d'hygiène et de sécurité.

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La semaine dernière, alors qu'il s'apprêtait à se mettre au lit, Jack a senti une odeur étrange qui provenait du lit dans lequel il dort depuis un an.

« Je ne comprenais pas d'où venait l'odeur, du coup j'ai retourné le lit… Il y avait des souris mortes partout. Ça sentait vraiment mauvais. » Jack m'a dit qu'il ne savait « absolument pas » depuis combien de temps elles étaient là, mais qu'elles avaient eu le temps de créer un petit réseau de tunnels dans son matelas spongieux.

Jack se plaint des nuisibles à la direction de l'hôtel depuis plusieurs mois. Aujourd'hui, il a abandonné l'idée d'obtenir une réponse. Il travaille avec une association locale, DTES SRO Collaborative, qui l'a encouragé à raconter son histoire et à attirer l'attention sur la situation à laquelle font face les habitants de l'hôtel Regent. (Son directeur, Gudy Sahota, a refusé de répondre à nos questions.)

Jack Gates a scotché un joli nœud sur son matelas rempli de souris et l'a apporté sur les marches de l'hôtel de ville, lieu de résidence d'un maire qui ne fait pas grand-chose pour protéger les intérêts des gens vivant dans des conditions inhumaines. « J'espère que ça va lui ouvrir les yeux », a dit Jack à une poignée de reporters présents. « J'espère que le maire Gregor Robertson va enfin faire quelque chose pour les gens qui vivent dans des hôtels comme celui-là. »

Jack a laissé son matelas devant le bureau du maire, accompagné de ce petit mot : « Est-ce que tu dormirais sur ce matelas, Gregor ? »

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Les conditions de vie dans certains de ces hôtels sont mises en avant depuis plusieurs semaines – en fait, depuis que la police de Vancouver a publié la photo d'un nid de pigeons fait entièrement à partir de seringues. Cette photo est un symbole de la crise liée à l'addiction aux opioïdes qui touche la province et a déjà tué plusieurs centaines de personnes cette année.

Même dans les bâtiments les plus tristement célèbres du quartier de Downtown Eastside, certains locataires tentent de trouver le moyen de se battre pour leurs droits. Dans les couloirs, des posters avertissent les habitants au sujet de possibles fouilles illégales dans les chambres et offrent l'opportunité d'en savoir plus.

Dans la même rue, on trouve d'autres hôtels, gérés par des associations dont le personnel est formé à la réduction des risques et aux premiers soins en cas d'overdose.

Pour essayer de comprendre ce que vivent les habitants les plus pauvres de Vancouver, j'ai choisi de rassembler différentes photos de plusieurs de ces chambres.

Alexis paye 450 dollars par mois au Regent pour une chambre qu'elle a réussi à arranger à sa guise. Son chat, Bambam, la protège des nuisibles. « Tout le monde devrait avoir un chat ici, m'a-t-elle dit. Je ne plaisante pas. Le premier mois, il a tué au moins 20 souris. »

Alexis accompagne une autre locataire dans sa chambre pour lui donner des seringues propres. Elle refuse de boire l'eau du robinet car elle a attrapé la giardiase, une infection intestinale causée par un parasite présent dans l'eau, qui l'a obligée à aller à l'hôpital.

Aux hôtels Regent et Balmoral, les locataires reçoivent des « instructions » pour pouvoir se mouvoir sans problème dans leur bâtiment ; ces inscriptions sont écrites au marqueur noir sur du contreplaqué, du verre, les murs et les portes.

Depuis 15 ans qu'il habite au Balmoral, Jeff Manson a trouvé neuf cadavres. « Parfois, on peut les sentir même lorsqu'ils sont trois étages plus haut. »

Auparavant, Paul travaillait dans le pétrole et gagnait 200 000 dollars par an en Libye et en Irak. Il habite à l'hôtel Astoria depuis 10 mois mais refuse de brancher sa télé, de toucher le frigo ou de se mettre trop à l'aise dans son nouveau chez lui. « Dès que je le peux, je me casse d'ici », dit-il.

Kevin Bouzane est un producteur de hip-hop et dirige la maison de disques Hastings Street Records. Il s'occupe de tout sur un ordinateur qu'il a acheté 10 dollars dans la rue.

« Je ne voudrais pas voir ma mère débarquer ici pour me rendre visite. Elle sait que j'habite ici, et elle sait pourquoi. »

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