« J'existe comme le pire cauchemar des filles », assène Julie Artacho, une photographe qui travaille pour différents magazines de mode, déguise les acteurs de Like-moi! en pointe de pizza ou en grappe de raisins pour un projet personnel, et contribue beaucoup à faire en sorte que la diversité corporelle ne soit pas qu'utopique. Elle montre ses cuisses sur Instagram, adore porter des maillots de bain, inspire et collectionne les likes sur les réseaux sociaux et au café Larue, rue Jarry, là où je la rencontre pour discuter de la grossophobie et de ses conséquences. Elle est embrassée par tout le monde et même surnommée It Girl.
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Pourtant elle renchérit : « Des filles brailleraient de me ressembler. » Julie les entend, ces filles, dire qu'elles se sentent grosses, un matin, comme ça, parce qu'elles sont ballonnées. Elle les entend dans les cabines d'essayage, assurer qu'elles ont l'air super grosses dans un t-shirt ou une robe quelconque. Quand elles sortent de leur cabine et qu'elles voient Julie, elles sont gênées. « Je sais qu'elles ne parlent pas de moi, que ce n'est pas contre moi. Mais un discours comme ça, ces mots-là, qu'on choisit, c'est du fat talk et ça alimente la grossophobie. »Adolescente, elle ne percevait pas totalement que la terreur des filles de treize ans, c'était de lui ressembler. Elle s'en est rendu compte plus tard, dans la vingtaine, plus éveillée à ce que son corps avait de confrontant. Fille d'une professeure d'éducation physique, sa mère ne lui donnait pas du coca ou des saucisses à hot-dog sous perfusion. Sa morphologie est comme ça : celle d'une fille dans un film hollywoodien qui doit se contenter du rôle de la grosse copine ou celle à transformer à tout prix.
Julie se souvient à quel point She's All That avait été pénible pour elle. Après le visionnement du film dans lequel des adolescents font le pari de métamorphoser n'importe quelle fille sur leur campus en reine du bal, Julie refusait de croire qu'on puisse s'intéresser réellement à elle. Quand un garçon qui la faisait craquer venait lui parler, elle le fuyait. Elle était certaine de n'être que ça, le pari.
Julie Artacho n'aime pas le regard fortement hétéronormatif poussant à croire que l'existence d'une personne qui a un Skittle à frotter entre les jambes est validée seulement quand un gars s'y intéresse.
She's All That : avoir peur d'être un pari toute sa vie
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